Caroline Ruffault et son « Female Gaze »

25 janvier 2018   •  
Écrit par Anaïs Viand
Caroline Ruffault et son « Female Gaze »

Pour Caroline Ruffault, la femme ne doit plus être considérée comme un simple objet de désir. La photographe s’interroge à travers Female Gaze sur la refonte du regard féminin pour une relecture du corps dans l’art loin du prisme sexuel.

« J’ai commencé en classe de 5e quand le club photo a ouvert. Je crois que c’était surtout pour échapper à la cantine du collège. » C’est ainsi que Caroline Ruffault découvre la photographie. Quant au féminisme ? Ce n’est que tardivement qu’elle s’intéresse à la question. « J’ai un frère jumeau et nous avons été élevés de la même manière. Pour moi, les hommes et les femmes étaient les deux penchants de l’humain, forcément égaux », raconte-t-elle. Il y a un an, elle a un déclic. Durant une séance photo pour une marque de vêtements, elle remarque les postures suggestives de son modèle. « Je me suis demandé ce qui la poussait à se mettre en scène ainsi et à se montrer tel un objet de désir. Et pourquoi en tant que photographe, acceptais-je de produire ce genre de clichés ? » Caroline Ruffault réalise alors que le discours de la critique et réalisatrice Laura Mulvey – connue pour avoir écrit un article fondateur des études féministes sur le cinéma – est aussi valable pour le 8e art. « Nous (les femmes) avons grandi en regardant des films et des images faites par et pour les hommes, et nous avons appris à regarder les femmes à travers les yeux des hommes. Le féminisme en photo, c’est sûrement ça, désapprendre pour ne plus mettre en scène des femmes offertes pour le plaisir de l’homme », explique-t-elle. Depuis, elle ne cesse de s’interroger sur le regard, le regard féminin.

© Caroline Ruffault

Déconstruire notre regard

En janvier 2017 à Austin, au Texas, elle réalise sa série The Female Gaze. Qui est Christhany, son modèle ? Comment se voit-elle ? Et nous, que retiendra-t-on d’elle ? Son corps nu dans la baignoire ou bien son reflet dans le miroir ? Car finalement, l’identité se multiplie selon les « regardeurs ». Si certaines de ses images nous semblent déjà connues, sa démarche demeure séduisante. Elle banalise ici le corps. Il doit être contemplé comme « n’importe quelle autre chose, loin du prisme sexuel ». Face à nous, une femme aux cheveux courts dans une maison inhabitée. Caroline Ruffault a imaginé un espace neutre afin de déconstruire les images stéréotypées de notre quotidien. Un terrain favorisant la refonte de notre regard. Car pour changer la perception des femmes, il faut changer les représentations et inventer de nouvelles images. Un idéal qu’elle poursuit à travers son projet de fanzine SHEGAZES. Un support ouvert à toutes et à tous dont l’objectif est de rassembler de nouvelles images de femmes et d’établir de nouvelles règles.

7

© Caroline Ruffault

Explorez
Hailun Ma, pour l'amour du Xinjiang
© Hailun Ma, Kashi Youth (2023) / Courtesy of the artist, Gaotai Gallery and PHOTOFAIRS Shanghai (25-28 avril, Shanghai Exhibition Centre)
Hailun Ma, pour l’amour du Xinjiang
Que savons-nous de la vie des jeunes de la province du Xinjiang, en Chine ? Probablement pas grand-chose. C’est justement dans une...
26 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Quand les photographes utilisent la broderie pour recomposer le passé
© Carolle Bénitah
Quand les photographes utilisent la broderie pour recomposer le passé
Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le biais des images, les préoccupations de notre époque. Parmi les...
25 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les femmes s'exposent à Houlgate pour une nouvelle édition !
© Alessandra Meniconzi, Mongolia / Courtesy of Les femmes s'exposent
Les femmes s’exposent à Houlgate pour une nouvelle édition !
Le festival Les femmes s'exposent réinstalle ses quartiers dans la ville normande Houlgate le temps d'un été, soit du 7 juin au 1er...
24 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Dans l’œil de Kin Coedel : l'effet de la mondialisation sur les regards
© Kin Coedel
Dans l’œil de Kin Coedel : l’effet de la mondialisation sur les regards
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Kin Coedel, à l’origine de la série Dyal Thak. Dans ce projet poétique, dont nous vous parlions déjà...
22 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Le passé artificiel de Stefanie Moshammer
© Stefanie Moshammer
Le passé artificiel de Stefanie Moshammer
Les images de Stefanie Moshammer s’inspirent d’expériences personnelles et de phénomènes sociaux, à la recherche d’un équilibre entre...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Instax mini 99 : les couleurs instantanées d’Aliocha Boi et Christopher Barraja 
© Christopher Barraja
Instax mini 99 : les couleurs instantanées d’Aliocha Boi et Christopher Barraja 
La photographie analogique ne cesse de séduire un large public. Pour Fujifilm, Aliocha Boi et Christopher Barraja s’emparent de l’Instax...
26 avril 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Isabelle Vaillant : récits d’une construction intime
© Isabelle Vaillant
Isabelle Vaillant : récits d’une construction intime
Jusqu’au 19 mai 2024, la photographe Isabelle Vaillant investit L’Enfant Sauvage, à Bruxelles, en proposant une exposition rétrospective....
26 avril 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Hailun Ma, pour l'amour du Xinjiang
© Hailun Ma, Kashi Youth (2023) / Courtesy of the artist, Gaotai Gallery and PHOTOFAIRS Shanghai (25-28 avril, Shanghai Exhibition Centre)
Hailun Ma, pour l’amour du Xinjiang
Que savons-nous de la vie des jeunes de la province du Xinjiang, en Chine ? Probablement pas grand-chose. C’est justement dans une...
26 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill