Le nouveau Centre d’art GwinZegal a ouvert ses portes au sein de l’ancienne prison de Guingamp, le 26 avril 2019. Un espace magnifique, porté par une histoire et un territoire complexes.
La construction de l’ancienne prison de Guingamp (de 1836 à 1841) a été influencée par le rapport d’Alexis de Tocqueville sur les prisons américaines. D’abord organisé selon le modèle pennsylvanien – préconisant un isolement absolu de jour comme de nuit – le lieu s’est ensuite inspiré du système auburnien, encourageant le travail collectif en journée. L’objectif ? Prôner une certaine ouverture aux autres et au monde, tout en réfléchissant seul à ses actes. C’est la mise en place de la première prison de conception humaniste. Transférée à Saint-Brieuc en 1934, elle est classée monument historique en 1997.
Cette dimension altruiste a plu au Centre d’art GwinZegal. Existant depuis une quinzaine d’années sans lieu fixe, le centre voit en cette prison un espace fascinant, porté par un passé complexe et singulier. En 2016, ont commencé les travaux de rénovation. « L’architecte Christophe Batard a relevé le défi de donner une nouvelle vie à ce bâtiment, sans toutefois trahir ni l’authenticité ni l’intégrité de ce monument historique classé », précise Jérôme Sother, directeur artistique de GwinZegal. Deux volumes contemporains, ornés de signes celtiques remplissent les cours intérieures de la prison. Un espace lumineux et élégant, prêt à accueillir de nombreuses expositions.
Ce nouveau lieu artistique a ouvert ses portes le 26 avril 2019, avec une exposition collective, intitulée L’Échappée, regroupant les œuvres de onze artistes – Alexandra Catiere, Malick Sidibé, Mark Neville, Samuel Gratacap, Charles Fréger, Mathieu Pernot, Aurore Bagarry, Roman Signer, Pino Musi, Juraj Lipscher et Raphaël Dallaporta. Des créations réalisées durant leurs résidences à Guingamp. Des photographies et installations visuelles sublimant l’âme de la ville de Guingamp, et de l’ancienne prison.
© Alexandra Catiere
Créations philosophiques
Raphaël Dallaporta, artiste visuel français, documente avec poésie la longue métamorphose de l’ancienne prison en un lieu culturel. Il y a deux ans, il a installé des « pièges photographiques », capturant le mouvement depuis cinq points de vue différents. « Mon souhait ? Capturer l’énergie d’un lieu en train de se créer », explique l’auteur. Les images, ensuite triées par ordre de similitude par un algorithme, défilent dans une danse folle, au cœur d’une vidéo parcourant deux ans d’enregistrement. Transformés par la vitesse, les outils, les matériaux et même les ouvriers défilent dans l’espace, en un ballet fantomatique. Une œuvre intelligente, s’inspirant des origines du lieu : « je déconstruis le système de surveillance, passant de l’oppression à l’expression », conclut Raphaël Dallaporta.
Au cours de ses nombreuses visites à Guingamp, le photographe britannique Mark Neville à quant à lui choisi de représenter l’identité de la ville. Un territoire façonné par son équipe de football, et sa puissance agroalimentaire. Exposé à la fois à l’ancienne prison et à l’extérieur du stade, l’auteur capture l’incongru avec une certaine tendresse. Qu’il immortalise des supporters, des agriculteurs, ou encore des animaux, Mark Neville sublime chaque détail avec humour et sensibilité. Il révèle l’humain dans le bétail, et interroge notre rapport à la nourriture. « J’ai un jour demandé à un agriculteur biologique que je photographiais quelle était la différence entre son travail et l’équivalent industriel. Il m’a répondu “même lorsque je ne me montre pas, le cochon reconnaît ma voix” ». Un récit photographique aussi amusant que nécessaire.
Qu’ils s’inspirent de l’histoire d’un espace ou d’une région, ces deux artistes transforment leur environnement. Deux créations originales et philosophiques.
L’Échappée
Centre d’art GwinZegal
4 rue Auguste Pavie, 22200 Guingamp
Jusqu’au 9 juin 2019
© Mark Neville
© à g. Aurore Baggary, à d. Charles Fréger
© Juraj Lipscher
© à g. Samuel Gratacap, à d. Mathieu Pernot
© Pino Musi
Vue du centre d’art GwinZegal
Image d’ouverture : © Mark Neville