Créé en mai 2020, le collectif Hors Format réunit huit photojournalistes et photographes documentaires passionné·es. Soudé·es, iels évoluent ensemble dans leur pratique du médium. En unissant leurs voix, le collectif a accordé un entretien à Fisheye.
Fisheye : Comment est né votre collectif ?
Collectif Hors Format : Nous l’avons créé en mai 2020 à la fin d’une formation en photojournalisme à l’EMI-CFD, l’école des métiers de l’information, sous l’œil bienveillant et le scalpel photographique de Julien Daniel et Guillaume Herbaut. Notre collectif réunit, aujourd’hui, huit photojournalistes et photographes documentaires : Victorine Alisse, Philémon Barbier, Audrey Delaporte, Léo Keler, Paloma Laudet, Paul Lemaire, Camille Nivollet et Juliette Pavy.
Il est né d’une envie de créer, de progresser et de s’entraider. Rien ne vaut un groupe solide d’ami·es et de passionné·es pour défendre une photographie engagée ! Ensemble, nous explorons de nouvelles formes de diffusion de notre travail à la fois physiques avec des projets d’édition et d’expositions, mais aussi numériques comme sur le web et les réseaux sociaux. Ce qui nous unit, c’est une envie commune de raconter des histoires au long cours sur des sujets engagés en France et dans le monde.
Avec la fermeture des clubs due à la pandémie de Covid-19, le milieu de la nuit se réinvente en extérieur. Free Party dans le bois de Vincennes © Juliette Pavy
Comment définiriez-vous votre approche du médium ?
Nous sommes convaincu·es que le temps est essentiel pour construire un reportage de qualité. C’est en prenant ce temps sur le terrain, en étant au plus proche des personnes que nous rencontrons et en cherchant à comprendre leurs réalités que notre métier prend du sens.
En revanche, chacun·e développe son écriture photographique et travaille sur des thématiques spécifiques comme l’environnement, la crise migratoire, le monde agricole, et également des sujets de société tels que les gilets jaunes, la question du logement… De plus, nous avons toutes et tous des parcours fondamentalement différents et cela contribue à la diversité de nos regards.
Comment se déroulent les rencontres du collectif ?
Nous travaillons ensemble et de différentes manières. Nous échangeons quasi quotidiennement et nous nous aidons aussi beaucoup en croisant nos regards sur nos séries, en nous conseillant pour nos prochains reportages et surtout en nous épaulant dans nos vies de manière générale.
Oussama 15 ans et un ami escaladent le mur du port de Ceuta. Harraga, Harraga © Paloma Laudet
Quel est votre rapport à la photographie documentaire ?
Nous nous ancrons en quelque sorte dans la photographie documentaire puisque nous travaillons principalement sur des sujets au long cours. L’engagement est une nécessité dans notre approche photographique. Nous travaillons également en commandes pour différents médias sur des sujets d’actualité. Peu importe le support, l’important, c’est de témoigner de ce que nous voyons et de ce que nous entendons. De donner à voir et à sentir le monde. Nous croyons en la diversité des médiums.
Vous arrive-t-il de couvrir des évènements ensemble ?
Oui, de manière plus spontanée, nous nous retrouvons sur le terrain lors d’évènements liés à l’actualité comme des manifestations ou certain·es s’organisent pour partir en reportage. C’est le cas de Léo Keler et Paul Lemaire qui sont partis ensemble en Moldavie en février 2022 au tout début de la guerre en Ukraine. Ils voulaient raconter comment ce pays, le plus pauvre de l’Europe, allait se mobiliser face à l’afflux de réfugié·es. Mais la coopération ne s’est pas arrêtée là, des Ukrainiens rencontrés dans un centre pour réfugié·es en Moldavie ont été accueillis par Camille Nivollet à leur arrivée à Paris.
Une réfugiée ukrainienne vient de passer le poste frontière de Tudora dans le sud de la Moldavie. Moldavie – Réfugiés Ukrainiens © Léo Keler
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
La vie en général ! Tout ce qui nous touche est propice à l’inspiration. Cela peut être des rencontres, des émotions qui nous traversent, des voyages en bas de chez soi ou dans des contrées lointaines, des lectures… Il peut s’agir également de poètes, de peintres, de sociologues… Être photographe, c’est peut-être une manière sensible de voir le monde.
Réalisez-vous d’autres actions ?
La plupart des membres du collectif organisent des ateliers d’éducation à l’image. Nous accordons une grande importance à la sensibilisation au récit visuel. Depuis la rentrée 2021, nous accompagnons des classes de 4e de Seine-Saint-Denis dans le cadre du programme Agora. (un programme d’éducation à la liberté d’expression et aux médias, ndlr)
Valentin, 10 ans, assis sur la voiture de son père à Calais. Fort Nieulay – À l’Ouest, les oubliés © Philémon Barbier
Avez-vous des projets futurs ?
Nous travaillons actuellement sur un projet photographique commun sur la jeunesse en France et sur différents territoires.
Un mot pour la fin ?
L’entraide ! Il nous semble essentiel de nous serrer les coudes dans cet univers exigeant ! Nous sommes avant tout une bande d’ami·es qui s’aiment. Passer du temps ensemble et voir chacun·e progresser et s’affirmer dans son écriture photographique, c’est ce qui nous plaît et nous motive. D’ailleurs, nous essayons de nous réunir chaque été quelques jours afin de nous retrouver, de partager notre vision du collectif et de la photographie en général.
Camp de l’aérodrome d’Alytaus, en Lituanie où vivent une soixantaine de migrants originaires de pays d’Afrique subsaharienne. La crise migratoire en Lituanie © Audrey Delaporte
Chez Jacques Zory porte drapeau de l’association « Les Médaillés Militaires du Calaisis » à Coquelles près de Calais. Fragments Calaisiens © Camille Nivollet
Marie-Paule, agricultrice retraitée, dans son salon à La Bassée. Elle a commencé à travailler dans les champs à l’âge de 15 ans. On avait tous un paysan dans la famille © Victorine Alisse
Quartier Bardot, ex-plus grand bidonville d’Afrique de l’Ouest. Il abrite la majorité des dockers car c’est là où se trouve le plus grand port cacaoyer du monde. La terre aux fruits d’or © Paul Lemaire
Image d’ouverture : © Paul Lemaire