Comment photographier ses cauchemars ?

28 août 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Comment photographier ses cauchemars ?

Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité de la semaine. Vous souvenez-vous de vos rêves ? Jolien De Buyser écrit chacun de ses songes depuis son enfance. Dans Orphic, série sombre et surréaliste, elle les met en image.

Jolien De Buyser, photographe belge de 22 ans se spécialisant dans le fine art, a découvert le 8e art durant son adolescence. Très vite, le média la fascine grâce à sa capacité à raconter une histoire à partir d’une seule image. « Mon travail contient des énigmes sans réponse, des récits qui laissent au spectateur le soin d’imaginer leur début et leur fin », précise l’artiste. Sombres et mystérieuses, les créations visuelles de la série Orphic se détachent du réel et semblent convoquer le monde des songes.

« Lorsque j’avais sept ans, j’ai fait mon premier cauchemar, raconte Jolien De Buyser. Depuis, j’écris et je dessine tous mes rêves. » Une habitude étrange, qu’elle considère essentielle. Après ce premier épisode, d’autres ont suivi, effrayant la jeune fille. « Et puis une nuit, j’ai rêvé que des loups vivaient sous mon lit, me protégeant », précise-t-elle. Un point déterminant, qui l’aide à ne plus avoir peur. Pourtant, elle continue à écrire ses souvenirs d’endormie, remplissant des pages entières de récits fantastiques et symboliques. « Pour réaliser mon projet de fin d’études en art, j’ai regroupé tous ces souvenirs et construit 18 images de cauchemars, en concentrant tout un monde illusoire en un seul instant fort », explique-t-elle.

© Jolien De Buyser© Jolien De Buyser

Révéler son secret

Scènes macabres ou absurdes, les rêves imagés de Jolien De Buyser fascinent. Reprenant les codes d’interprétation des songes, l’artiste met en scène des instants difficiles. Une thérapie étrange et passionnante. « Les images les plus brutes sont souvent les moins métaphoriques », précise-t-elle. Pourtant, parmi la collection d’œuvres oniriques, se trouvent quelques créations surréalistes. « Il y a par exemple cette image d’une femme passant l’aspirateur, à la plage. Elle illustre un rêve au sujet d’une personne qui avait prétendu être mon amie. Dans mon journal, j’avais simplement écrit : “tu m’as donné cette fleur flétrie en me faisant croire qu’elle était en vie” », confie la photographe. Comment alors illustrer cette amitié artificielle ? Quelles actions pourraient-être définies comme complètement inutile ? Ainsi est née cette image absurde.

Un cliché représentant un manteau flottant sur une plage symbolise quant à lui la perte de son grand-père, mort noyé. « Il allait souvent pêcher sur un petit bateau, et portait toujours cette veste en mer », raconte l’artiste. Au cœur de son rêve, celle-ci avait imaginé un port vide, où la vie avait été remplacée par le silence. « Des manteaux qui portaient autrefois des âmes flottaient partout », ajoute-t-elle. Un songe tragique qui la pousse à écrire ces mots : « Je sais que tu es parti, mais je peux toujours te voir », à son réveil. Ces récits intimes et douloureux forment, pour l’artiste, une confession troublante ; sa seule chance de révéler au public son secret. Une collection de petits formats précieux, qui invitent les spectateurs à pénétrer dans cet étrange univers, à la manière d’Alice dans le terrier du lapin blanc. « Je ne veux pas que les gens voient simplement l’image, je souhaite qu’ils l’observent », conclut la photographe. Un travail introspectif fascinant.

© Jolien De Buyser© Jolien De Buyser
© Jolien De Buyser© Jolien De Buyser
© Jolien De Buyser© Jolien De Buyser

© Jolien De Buyser

Explorez
Blue Screen of Death : Les photogrammes hybrides de Baptiste Rabichon
Blue Screen of Death © Baptiste Rabichon
Blue Screen of Death : Les photogrammes hybrides de Baptiste Rabichon
Baptiste Rabichon, artiste phare de la Galerie Binome, nous confronte à notre rapport ambigu aux images et à la technologie à travers...
À l'instant   •  
Écrit par Cassandre Thomas
La sélection Instagram #510 : Quand le flou fait image
@ Daniel Rampulla / Instagram
La sélection Instagram #510 : Quand le flou fait image
Le flou peut transformer, voiler ou révéler ce qui habite une image. Les photographes de notre sélection Instagram de la semaine jouent...
10 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les coups de cœur #546 : Marine Toux et Aziyadé Abauzit
© Marine Toux
Les coups de cœur #546 : Marine Toux et Aziyadé Abauzit
Dans leurs travaux respectifs, Marine Toux et Aziyadé Abauzit, nos coups de cœur de la semaine, font toutes deux l’éloge du fragment. La...
09 juin 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 2 juin 2025 : vide, étrangeté et expositions
© Marie Le Moigne / Instagram
Les images de la semaine du 2 juin 2025 : vide, étrangeté et expositions
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye vous parlent d’étrangeté, évoquent un vide à combler et vous font découvrir...
08 juin 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Blue Screen of Death : Les photogrammes hybrides de Baptiste Rabichon
Blue Screen of Death © Baptiste Rabichon
Blue Screen of Death : Les photogrammes hybrides de Baptiste Rabichon
Baptiste Rabichon, artiste phare de la Galerie Binome, nous confronte à notre rapport ambigu aux images et à la technologie à travers...
À l'instant   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Eman Ali : dans les interstices des identités tokyoïtes
Nadya Akane, dans la série In Praise of Silence © Eman Ali
Eman Ali : dans les interstices des identités tokyoïtes
Eman Ali compose The Praise of Silence, fruit d’une résidence artistique à Tokyo. La photographe explore, dans un travail collaboratif...
11 juin 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
18 séries photo à découvrir aux Rencontres d'Arles 2025
Extrait de Father (Atelier EXB Paris, 2024) © Diana Markosian
18 séries photo à découvrir aux Rencontres d’Arles 2025
Alors que la 56e édition des Rencontres de la photographie d’Arles approche à grands pas, la rédaction de Fisheye vous invite à...
11 juin 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La sélection Instagram #510 : Quand le flou fait image
@ Daniel Rampulla / Instagram
La sélection Instagram #510 : Quand le flou fait image
Le flou peut transformer, voiler ou révéler ce qui habite une image. Les photographes de notre sélection Instagram de la semaine jouent...
10 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot