Jusqu’au 26 janvier, au Point du Jour, à Cherbourg, l’artiste Sammy Bajoli explore l’histoire de son pays d’origine. Congo, fragments d’une histoire révèle les traces d’un passé récent enfouit sous la modernité tardive.
L’histoire moderne du continent africain est complexe et celle de la République Démocratique du Congo l’est tout autant. L’exposition que Sammy Baloji présente au Point du Jour, à Cherbourg, tente de rendre compte de cette histoire en assemblant photographie, sculpture, archives et vidéo. L’artiste congolais explore le patrimoine culturel, architectural et industriel de son pays d’origine. Au début des années 2000, grâce à l’Institut Français où il était bénévole, Sammy Baloji a pu pratiquer l’image dans le studio mis à sa disposition. C’est aussi via cette institution qu’il accède aux archives qui documentent le passé minier du Congo – éléments alimentant son travail aujourd’hui. « La découverte de ces archives a été violente pour moi. Ce fut la révélation d’un passé qu’on ne nous enseignait pas à l’école », se rappelle le photographe.
L’exposition a été conçue en deux parties. Dès la première salle, le spectateur plonge dans l’histoire à travers l’installation Fragments of interlaced dialogues. Une longue lettre que le roi du Kongo, Alfonso 1er, adresse au roi du Portugal Manuel 1er en 1514. « On ne considère souvent l’histoire de l’Afrique que par sa période moderne et coloniale, explique Sammy Baloji. Par cette missive, j’ai voulu montrer que les relations entre Afrique subsaharienne et Europe sont anciennes. » Dans cette lettre du deuxième monarque chrétien du royaume sont évoquées les relations diplomatiques et commerciales tendues entre les deux pays. Ce texte est mis en regard de sceptres sculptés en impression 3D et placés sur des cartes minimalistes du Congo colonial et contemporain. « On m’a donné des cartes des zones minières mais dépouillée de toute information. Ces endroits sont hautement stratégiques. Mais c’est aussi une expression du pouvoir, car ces cartes sont détenues par les autorités belges. »
Des villages voués à la disparition
Mais le vrai travail photographique se situe dans la deuxième section de l’exposition. Dans cette pièce sont réunies des images extraites des séries Kolwezi (2012) et Urban now (2016). Cette partie s’intéresse au développement urbain et à l’exploitation minière artisanale. Dans ces images, on peut voir des traces des différentes strates de l’histoire récente du Congo. Devant nous, des portraits de chefs au pouvoir plus symbolique que réel. « La ville avale le pouvoir traditionnel, constate Sammy Baloji. Et pourtant, ce pouvoir est responsable de sa déchéance. Ils ont eux-mêmes vendu leurs terres et ainsi réduit leurs espaces d’influence. » À côté, nous trouvons des administrations décrépites laissées en gérance aux anciens salariés. « Les espaces délaissés sont occupés par les anciens employés des administrations, précise le photographe. Comme ils n’étaient plus payés, on leur a donné l’autorisation de s’installer, tout est réutilisé. »
Sammy Baloji chronique le quotidien des villes, mais aussi des zones rurales et villages voués à la disparition pour la construction de nouveaux aménagements. Les populations ainsi déplacées se retrouvent dans des camps de briques rouges que l’artiste a documenté. Avec Congo, fragments d’une histoire, le photographe explore différents interstices du temps ; il en saisit les origines, les divers enjeux et les conséquences historiques. « Résumer l’œuvre de Sammy Baloji à un art postcolonial serait réducteur, souligne la codirectrice du lieu, Béatrice Didier, il y a plusieurs couches narratives et plusieurs interprétations possibles. » Ce qui est certain, c’est que Sammy Baloji ne fait pas de concession et sait rappeler les responsabilités de chacun dans tout ce que l’objectivité photographique peut apporter comme témoignage.
Congo, fragment d’une histoire – Sammy Baloji
Exposition du 6 octobre au 26 janvier
Point du jour – 107 avenue de Paris, 50100 Cherbourg-en-Cotentin
© Sammy Baloji / Courtesy de l’artiste et de la galerie Imane Farès, Paris