
Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan, nos coups de cœur de la semaine, documentent des univers spécifiques. La première s’intéresse à la manière dont un milieu façonne les comportements amoureux tandis que la seconde a fait de la mode son domaine de prédilection.
Lalitâ-Kamalâ Valenta
« Le dernier projet sur lequel j’ai travaillé porte sur les liens existants entre nos environnements et nos comportements romantiques et sexuels. Cette thématique est venue d’une difficulté à devoir rapprivoiser la ville où j’ai grandi, Marseille, victime de la gentrification. Et par la suite, d’une difficulté plus générale à me sentir appartenir à un endroit ou une communauté seule, ayant des identités multiples », explique Lalitâ-Kamalâ Valenta. À la fois Française, Tchèque et Tunisienne, la photographe a décliné ce travail en plusieurs chapitres, façonnés comme les composantes d’un journal intime ayant trait au politique, confrontant sphères privées et publiques. Le premier cherche ainsi à comprendre en quoi l’arrivée de Parisiens dans la ville de son enfance a modifié la manière dont la jeunesse marseillaise appréhende les relations amoureuses. Le deuxième revient sur l’emménagement de l’autrice à Paris, au sortir du lycée, « entre premiers émois encore adolescents, et désillusions et aliénation liées à la ville ». Les suivants prennent place dans les métropoles où ses ancêtres ont vécu. « J’ai par la suite élargi ce projet à Prague et Tunis, indique-t-elle. Il a pour objectif de montrer comment, dans des environnements en perpétuelles mutations, le rapport à la sexualité – et par là je n’entends pas forcément les rapports sexuels, mais le rapport au genre, au performatif, aux relations aux autres, à la notion de désir, etc. – peut prendre une valeur positive et agir comme seul pilier stable au milieu d’une multiplicité d’identités et de lieux en changement. »





Kordélia Phan
C’est en tombant sur la sortie d’un défilé de Fashion Week, au hasard des rues, il y a deux ans, que Kordélia Phan se découvre un engouement pour la photographie. « C’était une effervescence qui m’a fascinée : les textiles, les attitudes, les silhouettes, les conversations volées, le mélange d’énergies. J’ai ressenti le besoin de capturer pas seulement la mode, mais ce qui se passait autour : les interactions, les détails. À ce moment-là, j’ai compris que je voulais documenter ce que je voyais, ce que je ressentais », se souvient-elle. Cet événement lui a fait si forte impression que, quelques mois plus, lorsqu’une des enseignantes de son école en direction artistique lui donne un devoir sur le thème « grasping reality » – ou, autrement dit, « saisir la réalité » –, elle décide de « prolonger cette expérience ». Dès lors, elle retrouve les clôtures de défilés qui l’émerveillent et s’immisce également dans les showrooms et les soirées de ce monde singulier. « J’ai photographié, enregistré, noté tout ce que j’entendais, toutes les petites absurdités et les éclats de vérité du milieu. De là est née une édition, mélange de textes et d’images. Ma professeure m’a dit : “Tu tiens quelque chose.” Alors j’ai continué. Depuis, tout s’est enchaîné : des collaborations avec des marques, des projets personnels, des rencontres. J’ai exploré des thèmes plus intimes, les tables de bars, les femmes qui s’ennuient, la distance. […] J’ai un goût certain pour la mise en scène aussi, mais je laisse toujours une grande part de liberté au modèle. Pour moi, la féminité est un espace en soi : un lieu où l’on devrait pouvoir s’affirmer et rêver librement. Et c’est cet espace-là que j’essaie de capturer à travers ma photographie », conclut-elle.




