Qui a déjà entendu parler du Voguing ? Ce mouvement, né dans le Harlem des années 1960-1970 aux États-Unis, connaît une seconde vie en France depuis les années 2000. Le photographe Damien Paillard en a capté l’essence. Cet article, rédigé par Solenn Cordroc’h, est à retrouver dans notre dernier numéro.
« Peu importe que tu sois Noir ou Blanc, un garçon ou une fille, si la musique résonne, elle te donnera une nouvelle vie, tu es une superstar, oui, voilà ce que tu es, tu le sais »
, scandait Madonna en 1990, dans son titre phare Vogue. Si le mouvement a été popularisé notamment par ce tube, l’origine du voguing remonterait aux années 1960-1970. Né dans l’underground américain, plus précisément à Harlem, ce mouvement a été initié par les drags et les trans afros et latinos en réaction au racisme blanc. Se sentant en permanence discriminée lors des balls – des concours de beauté et de défilés entre gay et trans aussi bien noirs que blancs –, la communauté noire et latino a fini par créer ses propres événements.
Pierre angulaire du courant, la danse voguing, qui transcende les genres et les codes, s’inspire, comme son nom l’évoque, des poses que prennent les mannequins dans les magazines de mode tels que Vogue. Mais loin d’être seulement une danse, le voguing est une culture complexe avec ses règles, ses codes et son histoire éminemment politisée. La communauté LGBT parodiait, lors de ces soirées-concours de danse, les privilèges de l’élite blanche auxquels elle n’avait pas accès. La mode, le luxe, l’argent. Ces balls voient plusieurs maisons s’affronter sous les feux des projecteurs. Chaque danseur fait partie d’une house – en référence aux maisons de mode – régie par une mother et un father qui s’occupent de leurs kids. Cette famille secondaire devenant parfois un refuge pour les jeunes rejetés par leur famille biologique en raison de leur orientation sexuelle.
Sans le moindre jugement
Lors de ces célébrations, les danseurs prennent des poses lascives, s’étirent, tombent et se relèvent sur une musique saccadée, à l’image de Love Is The Message de MFSB, un morceau disco paru en 1973, devenu emblématique du mouvement. Les infatigables danseurs sont libres, dans ces espaces sécurisés, d’affirmer pleinement leur sexualité, leurs origines, sans le moindre jugement. Damien Paillard, photographe autodidacte depuis dix ans, récemment diplômé de l’École des métiers de l’information (EMI- CFD), épris des cultures underground, a découvert la Ballroom Scene en 2012 lors d’un événement où il était convié en tant que cameraman. « Je voulais un sujet photographique qui sorte de l’ordinaire, qui allie le mouvement et les corps : il y a tout ça dans le voguing et bien plus », explique-t-il. De ses instantanés photographiques glanés dans les coulisses aux portraits intimes des représentants de la scène parisienne, Damien Paillard documente le voguing qu’il a photographié pendant un an jusqu’à son apogée actuelle.
Si la scène parisienne du voguing est devenue, depuis les années 2010, l’une des plus prolifiques d’Europe, c’est en partie grâce à Lasseindra Ninja. De stature internationale, elle est arrivée en France en 2005 et a participé à la popularisation du mouvement en y organisant les premières balls. Après avoir été adoptée très jeune par la House of Ninja, l’une des maisons les plus réputées de la scène new-yorkaise, elle a insufflé un nouvel essor au voguing hexagonal aidée de Steffie Mizrahi avec laquelle elle crée une Ballroom Scene à Paris autour de 2009.
Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #40, en kiosque et disponible ici.
© Damien Paillard