Ce mois-ci, mon choix s’est porté sur le livre Ghana de Denis Dailleux, aux éditions du Bec en l’Air. Longtemps connu pour ses images égyptiennes, Denis Dailleux s’est intéressé depuis quelques années au Ghana, et plus particulièrement au port de James Town. On parle rarement du Ghana en France : ce pays anglophone ne fait pas partie de l’histoire française, et rares sont les photographes à s’être plongé dans sa réalité quotidienne. On connaît les images couleur, récentes et spectaculaires du Sud-Africain Pieter Hugo, mais les bibliophiles se souviennent surtout d’un livre en noir et blanc du grand Paul Strand sorti dans les années 1970 (une version française a été éditée aux éditions du Chêne en 1976, et on peut toujours la dénicher à un prix abordable).
Poésie et mélancolie
En coloriste subtile, Denis Dailleux s’inscrit clairement dans la lignée de Strand, à la fois reporter et portraitiste. Il est de ceux qui prennent le temps de peaufiner un cadrage limpide, d’attendre une lumière tamisée et de rechercher une harmonie douce des teintes. Les visages succèdent aux scènes de vie dans une approche à la fois documentaire et poétique. Rien de démonstratif ni de spectaculaire, mais une volonté de traduire un temps étiré et mélancolique où la gestuelle des corps prend vite le dessus.
C’est là, dans cette façon délicate de mettre la peau au premier plan, jouant de sa belle couleur sombre, que Dailleux marque sa différence et trouve son espace visuel. Le livre, joliment fabriqué et bien imprimé, restitue parfaitement l’esprit littéraire de cette série réalisée au 6×6 argentique avec du film Fuji 400 ISO. Le rythme de la maquette glisse sans à-coup et le choix de la reliure dite « suisse » (le bloc de feuille est désolidarisé de la couverture cartonnée) facilite la lisibilité des doubles-pages.
Un court (trop court ?) texte de l’auteur clôt le livre et nous apporte quelques éléments factuels. On se replonge alors avec plaisir dans une nouvelle déambulation visuelle, juste pour vérifier que l’on ne s’est pas fait avoir, que l’on n’a pas juste été séduit par la belle habileté de l’auteur. Non, les images tiennent pour elles-mêmes, à la fois seules et dans la continuité de la narration. Certaines s’incrustent même dans notre mémoire et se superposent à celles de Paul Strand. Que demander de plus ?
En (sa)voir plus
Ghana, de Denis Dailleux,
Éditions du Bec en l’air, 112 pages, 55 photos couleur
42 euros
Découvrez l’ensemble du travail de Denis Dailleux sur son site : www.denisdailleux.com