Dans la bibliothèque de Jean-Christophe Béchet #5

07 février 2017   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Dans la bibliothèque de Jean-Christophe Béchet #5

 La transparence qui régit cette rubrique « livresque » me pousse à dire d’emblée que Duroy est, depuis une dizaine d’années, un de mes amis et « frère d’arme » en édition photographique. J’attendais donc ce nouvel opus avec impatience et mon avis est forcément traversé par cette proximité. Agé aujourd’hui de 69 ans, Duroy fut d’abord un photo-reporter « classique » avant d’opter pour une approche radicale et minimaliste de la photographie dite « documentaire ».

Détruisant bon nombre de ses images « illustratives », il s’est concentré sur quelques territoires rugueux (le nord de l’Angleterre, le Portugal, Berlin, l’état du Montana aux USA), des espaces marqués par les cicatrices de l’histoire contemporaine. Muni de son fidèle Leica argentique, il marche seul, déclenche rarement et  sélectionne très peu d’images dans des livres « squelettiques », aussi silencieux qu’habités par les fantômes de la mémoire. Fortement influencé par la littérature, Duroy n’est plus vraiment concerné par la « pure » photographie. Et c’est avec ce recul qu’il faut se plonger dans « Unknown #2 »  où il nous propose une relecture visuelle de son livre de 2007 « Unknown » consacré à l’immigration américaine.

Fisheye Magazine | Dans la bibliothèque de Jean-Christophe Béchet #5
© Stéphane Duroy / Extrait de Unknown #2 – Tentative d ‘épuisement d’un livre » / © Éditions Filigranes
Fisheye Magazine | Dans la bibliothèque de Jean-Christophe Béchet #5
© Stéphane Duroy / Extrait de Unknown #2 – Tentative d ‘épuisement d’un livre » / © Éditions Filigranes
Fisheye Magazine | Dans la bibliothèque de Jean-Christophe Béchet #5
© Stéphane Duroy / Extrait de Unknown #2 – Tentative d ‘épuisement d’un livre » / © Éditions Filigranes

Un livre “redessiné”

Normalement, une fois un livre achevé, l’œuvre ne bouge plus. Stéphane Duroy, lui, a voulu faire évoluer son projet éditorial : mettant la main sur une centaine d’exemplaires défraîchis, il a choisi de « redessiner » le livre à coup de marqueur, de colle et de ciseaux, ajoutant des collages, des coupures de presse, des photographies anonymes et des peintures abstraites à l’œuvre initiale. Ce travail plastique est ici rassemblé dans une belle édition en éventail (format Leporello pour les techniciens) de 64 pages. Ainsi naît un long panoramique en accordéon, imprimé recto-verso, aussi déconcertant qu’angoissant.

Bien sûr ce livre n’existe qu’en écho aux précédents et ceux qui découvriront ce travail avec lui seront sans doute désorientés. Il leur faudra alors se laisser porter par cette poésie de la mélancolie et ce désir absolu de réduire la photographie à son statut d’empreinte et de traces. Ainsi désossée, l’image imprimée peut de nouveau être « esthétisée » au moyen de puissantes interventions graphiques, toutes guidées par la hantise de l’effacement et de l’épuisement. L’absence de texte rend l’ouvrage un peu hermétique. Pour en savoir plus, on pourra acquérir chez le même éditeur, Filigranes, (grand complice de Duroy) un livre de poche contenant un texte analytique. Rédigé par Ezra Nahmad, critique et artiste, cet additif donne de nombreuses clefs pour entrer dans le monde superbement désenchanté de Stéphane Duroy.

Fisheye Magazine | Dans la bibliothèque de Jean-Christophe Béchet #5
« Unknown #2 – Tentative d ‘épuisement d’un livre »

En (sa)voir plus

« Unknown #2 – Tentative d ‘épuisement d’un livre »
Éd. Filigranes
63 photographies en couleur, 64 p.
40 €

Explorez
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
© Arpita Shah
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
À travers sa série Nalini, la photographe indo-britannique Arpita Shah explore l’histoire de sa famille et des générations de...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Caroline Furneaux : l'amour en boîte
Rosa, The Mothers I Might Have Had © Caroline Furneaux
Caroline Furneaux : l’amour en boîte
Dans son ouvrage The Mothers I Might Have Had, Caroline Furneaux exhume l'archive intime de films 35 mm de son père décédé pour une...
11 septembre 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
InCadaqués Festival : Lieh Sugai remporte le Premi Fotografia Femenina 2025
© Lieh Sugai
InCadaqués Festival : Lieh Sugai remporte le Premi Fotografia Femenina 2025
Le Premi Fotografia Femenina Fisheye x InCadaqués a révélé le nom de sa lauréate 2025 : il s’agit de Lieh Sugai. Composée de...
10 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
L'errance incarnée par Alison McCauley
© Alison McCauley, Anywhere But Here
L’errance incarnée par Alison McCauley
Avec Anywhere But Here (« Partout sauf ici », en français), Alison McCauley signe un livre d’une grande justesse émotionnelle. Par une...
10 septembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
© Arpita Shah
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
À travers sa série Nalini, la photographe indo-britannique Arpita Shah explore l’histoire de sa famille et des générations de...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Samuel Bollendorff : comment alerter sur la crise écologique ?
#paradise - curateur : Samuel Bollendorff.
Samuel Bollendorff : comment alerter sur la crise écologique ?
Le festival de photojournalisme Visa pour l’image revient pour sa 37e édition jusqu'au 14 septembre 2025. Parmi les 26 expositions...
12 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Couldn’t Care Less de Thomas Lélu et Lee Shulman : un livre à votre image
Couldn't Care Less © Thomas Lélu et Lee Shulman
Couldn’t Care Less de Thomas Lélu et Lee Shulman : un livre à votre image
Sous le soleil arlésien, nous avons rencontré Lee Shulman et Thomas Lélu à l’occasion de la sortie de Couldn’t Care Less. Pour réaliser...
11 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Caroline Furneaux : l'amour en boîte
Rosa, The Mothers I Might Have Had © Caroline Furneaux
Caroline Furneaux : l’amour en boîte
Dans son ouvrage The Mothers I Might Have Had, Caroline Furneaux exhume l'archive intime de films 35 mm de son père décédé pour une...
11 septembre 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas