Dans le Pigalle des années 1970

10 août 2018   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Dans le Pigalle des années 1970

Alors qu’elle réalise une série sur les prostituées de la rue des Lombards, en 1978, Jane Evelyn Atwood fait la connaissance des trans du quartier. Plusieurs années plus tard, elle retrouve les clichés de ces femmes écorchées et décide de les publier. Un témoignage poignant à retrouver dans Pigalle People.

Pigalle, 1978. Jane Evelyn Atwood se rend régulièrement dans le quartier parisien, pour photographier les prostituées de la rue des Lombards. Alors qu’elle finit une journée de travail, une de ses modèles lui conseille de rencontrer Barbara, une transsexuelle de Pigalle. Si la photographe est profondément touchée par cette femme, son travail précédent lui semble plus important, et les photographies qu’elle prend de ces trans restent rangées dans des cartons. « Puis il y a quelques années, j’ai retrouvé ces images, et je les ai trouvées très intéressantes », confie Jane Evelyn. « Entre temps, j’étais revenue à Pigalle, et j’avais repris contact avec Nouja, l’une des transsexuelles. Nous avons parlé des changements de ce quartier, qui n’était plus comme avant… Et finalement j’ai compris qu’il me fallait publier ces photographies ».

Pigalle People est un voyage dans le passé d’un quartier sulfureux, connu pour ses débordements comme pour ses attractions touristiques. « La grande différence, c’est que tout le monde était mélangé, à l’époque », explique la photographe. « J’ai appelé ce livre Pigalle People justement parce qu’il y a tout type de personnes dans mes photos, des trans, mais aussi des gens qui s’entendaient bien avec elles, qui les fréquentaient ». Dans une mise en page élégante, les clichés en noir et blanc présentent un univers à part, rythmé par les bruits des rues, les pas des passants. Un monde brut et dur, dans lequel évoluaient, tant bien que mal, ces femmes trans.

© Jane Evelyn Atwood

Un récit d’amitiés

Dans Pigalle People, la rue est omniprésente. Elle accueille les prostitués comme les passants, elle est le centre de l’action. « Tout se passait dans la rue, c’est ce qui m’a interpellée au départ », précise Jane Evelyn. « Après avoir appris à connaître ces gens, j’entrais à l’intérieur des appartements, dans leur intimité ». Mais elle y découvre un quotidien limité, influencé par l’héroïne, la violence et le sexe. Si les trans qu’elle photographie jouent le jeu, elles ne montrent que rarement leur fragilité. « C’était une vie très dure », confie l’artiste. « À l’époque, on ne comprenait pas du tout l’idée de transgenre. Encore aujourd’hui, les choses changent avec beaucoup de réticence ». Avec délicatesse, Jane Evelyn redonne une dignité à ces femmes. Au cœur d’un ouvrage élégant, elle dévoile sa profonde affection pour ses modèles. Le livre se conclut par un texte qui nous plonge dans ces années-là, un aperçu poignant de la vie de ces Pigalle people. C’est d’ailleurs avec émotion que la photographe dédie cette publication à Nouja, l’une des trans qu’elle aimait beaucoup. « C’était une amie proche qui, contre toute attente, avait survécu à Pigalle, à la drogue et au SIDA, mais qui malheureusement n’a pas vécu assez longtemps pour voir ce livre ».

© Jane Evelyn Atwood© Jane Evelyn Atwood

© Jane Evelyn Atwood

© Jane Evelyn Atwood© Jane Evelyn Atwood

© Jane Evelyn Atwood

© Jane Evelyn Atwood© Jane Evelyn Atwood

© Jane Evelyn Atwood

Pigalle People, Éditions Le bec en l’air, 36 €, 144 p.

Explorez
Les Femmes et la mer : mondes liquides
© Louise A. Depaume, Trouble / courtesy of the artist and festival Les Femmes et la mer
Les Femmes et la mer : mondes liquides
Cette année, le festival photographique du Guilvinec, dans le Finistère, prend un nouveau nom le temps de l'été : Les femmes et la mer....
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Milena III
La sélection Instagram #522 : la rentrée est de sortie
© Nicholas Ip / Instagram
La sélection Instagram #522 : la rentrée est de sortie
Annonçant la fin de l’été, le mois de septembre est pour beaucoup synonyme de rentrée. Source d’enthousiasme pour certain·es...
02 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les images de la semaine du 25 août 2025 : Palestine, puissance des femmes et fin de l'été
La mer dévore les tentes des déplacé·es, Bande de Gaza, Palestine, 2024 © Moayed Abu Ammouna
Les images de la semaine du 25 août 2025 : Palestine, puissance des femmes et fin de l’été
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes publiés sur les pages de Fisheye s’emparent de divers sujets. Ils et elles...
31 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Adam Rouhana et Moayed Abu Ammouna : les silences de la violence
Tarqumiya, Palestine, 2022 © Adam Rouhana
Adam Rouhana et Moayed Abu Ammouna : les silences de la violence
Adam Rouhana et Moayed Abu Ammouna, refusant les récits dominants, photographient une Palestine pleine de vie. Leurs images agissent...
28 août 2025   •  
Écrit par Anaïs Viand
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les Femmes et la mer : mondes liquides
© Louise A. Depaume, Trouble / courtesy of the artist and festival Les Femmes et la mer
Les Femmes et la mer : mondes liquides
Cette année, le festival photographique du Guilvinec, dans le Finistère, prend un nouveau nom le temps de l'été : Les femmes et la mer....
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Milena III
Les photographes montent sur le ring
© Mathias Zwick / Inland Stories. En jeu !, 2023
Les photographes montent sur le ring
Quelle meilleure façon de démarrer les Rencontres d’Arles 2025 qu’avec un battle d’images ? C’est la proposition d’Inland Stories pour la...
02 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
La sélection Instagram #522 : la rentrée est de sortie
© Nicholas Ip / Instagram
La sélection Instagram #522 : la rentrée est de sortie
Annonçant la fin de l’été, le mois de septembre est pour beaucoup synonyme de rentrée. Source d’enthousiasme pour certain·es...
02 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Dans l’œil de Valentine de Villemeur : un réfrigérateur révélateur
© Valentine de Villemeur
Dans l’œil de Valentine de Villemeur : un réfrigérateur révélateur
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Valentine de Villemeur. La photographe a consigné le parcours de sa procréation...
01 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet