« Milad est Iranien, je ne sais pas ce qui lui est arrivé à la main et je ne lui ai jamais demandé. »
Cette semaine, plongée dans l’œil de Lara Sanchez, jeune artiste profondément investie dans les questions sociales. Son œuvre graphique, inspirée de l’esthétique de la photographie de mode, suit un but bien particulier : montrer celleux que l’on ne voit pas, poser les questions que l’on évite. Qu’est-ce que l’exil fait au corps ? Quelle liberté peut-on seulement atteindre, dans le monde actuel ? Pour Fisheye, elle revient pour nous sur l’une de ses images.
« J’ai réalisé cette image il y a à peu près deux ans, me semble-t-il, pour mon diplôme des Gobelins. Je savais que j’allais travailler sur le thème de la migration, car ma famille a migré de l’Andalousie vers l’Algérie puis d’Algérie vers la France. Il s’agit donc de quelque chose de très présent dans mon histoire personnelle. Cette photographie, je l’ai réalisée avec Milad, un ami réfugié, que j’ai rencontré grâce à Scarabée, à Malakoff – une association qui aide les personnes réfugiées en donnant des cours de français, en apportant une aide administrative, etc. Mon projet Devant la douceur des autres, je l’ai construit autour d’une volonté de parler des personnes réfugiées, et de raconter leur histoire. Milad est Iranien, je ne sais pas ce qui lui est arrivé à la main et je ne lui ai jamais demandé. Dans cette association, on apprend à être en position d’écoute. Ce sont les réfugié·es qui nous transmettent les détails de leur histoire, si et seulement si iels le souhaitent. J’ai souhaité raconter, par cette image, la terre parcourue et battue entre l’Iran et la France par Milad, la couleur rouge représentant la force mais aussi la violence. C’est une des images les plus fortes de la série, et en même temps, elle contient une belle délicatesse. Pour la réaliser, nous sommes parti·es ensemble en Picardie, dans les carrières, mais en réalité, le cadre importe peu. Avec un cadrage aussi serré, j’aurais très bien pu la faire en bas de chez moi. Mais le voyage a lui-même son importance, car il crée des moments de partage et de rapprochement. »