Photocollage est la première grande rétrospective consacrée à l’icone Deborah Turbeville. Artiste novatrice, Turbeville a bouleversé l’image de la femme en photographie en la sortant du carcan idéalisé et romantique dans lequel elle était emprisonnée. L’exposition aura lieu du 16 mars au 16 avril au musée Huis Marseille d’Amsterdam.
En mars 2024, Huis Marseille présentera la première grande rétrospective de l’artiste américaine Deborah Turbeville (Stoneham, 1932-New York, 2013). La dernière exposition de Tuberville en France s’est tenue en 1986. Aujourd’hui pourtant, son travail est plus actuel que jamais. Dans le fond comme dans la forme, son œuvre bouleverse les canons de représentation de la femme et du vêtement. Ses innovations touchent à une nouvelle manière de raconter l’intimité mais aussi de concevoir la photographie de mode. L’exposition contient un large éventail de collages vintage, des créations uniques dont certaines n’ont jamais été montrées auparavant. Une sélection qui revient sur le style unique de cette photographe, qui accordait une énorme importance à la mise en place d’une atmosphère. Un talent de scénographie qui lui permettait de photographier pour des marques de mode tout en s’émancipant des contraintes commerciale dictées par la publicité. Comme l’expliquent les curateur·ices de l’exposition, son style est reconnaissable dès ses premières œuvres datant des années 1970, avec des teintes sépia qui colorent ses images en noir et blanc, et elle utilise la surexposition et une mise au point douce qui voilent ses sujets. Photocollage rassemble pour la première fois des images de ses séries les plus importantes, dont Bathhouse (1975), École des Beaux-Arts (1977), Unseen Versailles (1982) et Studio St. Petersburg (1995-96). Elle s’articule autour de cinq thèmes : « Le début », « Révélations », « Architecture du passé », « Autres maisons » et « Fictions ». Un parcours inédit et immersif, nous plongeant dans l’univers d’une grande innovatrice du 8e art.
S’affirmer en tant que femme photographe
Deborah Turbeville a, à sa façon, contribué à briser les normes qui entouraient la représentations féminine dans l’art. Ses héroïnes s’émancipent des clichés romanesques qui voudraient que les femmes se cantonnent à un rôle de muse, d’objet ou de créature fragile. Au contraire, dans ses mises en scène, elles habitent un univers dense, aux atmosphères inquiétantes, enveloppées de mystère. Au cœur de son travail, des figures posent au sein d’espaces publics, à l’intérieur de bâtiments majestueux, ou bien elles errent dans des paysages hivernaux désolés. Les images évoquent la rêverie ou un monde désormais révolu.
Quelque peu isolée dans un champ artistique dominé par les hommes, Turbeville entreprend un parcours très différent de celui de ses collègues : les femmes de ses photographies dévoilent leur univers intérieur et souvent, elles ne sont pas des mannequins professionnels (même si, époque oblige, il s’agit dans une large majorité de personnes blanches et minces). Alors que les magazines de mode glorifient une féminité ultra sexualisée, Turbeville préfère un registre plus poétique, subtil, laissant entrevoir des personnages perdus dans leurs pensées. Si aujourd’hui, cette lasciveté et cette forme de passivité paraissent un peu passées, véhiculant d’autres clichés sur la condition féminine, la photographe a néanmoins tenté de complexifier la relation entre les femmes et le médium, de leur frayer un chemin dans les représentations et de s’affirmer en tant que femme photographe dans un contexte profondément misogyne. L’artiste avait à cœur de voir au-delà de l’apparence de ses modèles : « Je rentre dans le monde privé d’une femme, là où vous n’allez jamais », a-t-elle déclaré un jour.