Le 8 janvier 2020, le Prix Camera Clara a récompensé la photographe Delphine Balley, dont l’œuvre étrange et picturale s’inspire de l’imagerie des croyances religieuses ou sectaires.
L’image aujourd’hui est omniprésente. Elle sature notre quotidien et se multiplie, créée et digérée rapidement. C’est en réponse à cette saturation que le Prix Camera Clara a vu le jour, en 2012. Dédié à la chambre photographique, le concours récompense chaque année un travail d’auteur inédit et réfléchi. Les contraintes liées à cet outil invitent son utilisateur a prendre du recul et s’abandonner à la création, en laissant le temps agir. Durant la soirée de remise de prix, organisé à la Galerie Folia le 8 janvier, la lauréate 2020, Delphine Balley, a été récompensée. Elle remporte la somme de 6000 euros, et son travail est à découvrir jusqu’au 22 février à la galerie. La délicate poésie de l’œuvre d’Arno Brignon a également été saluée par le jury, qui lui a attribué une mention spéciale.
© Arno Brignon
Faire croire à l’invisible
Dans les créations de Delphine Balley, les clairs-obscurs dominent, dissimulant et révélant certains détails. Ils donnent au monde une dimension spectaculaire, invitant l’illusion, la performance dans notre quotidien. À travers ce projet intriguant, la photographe française s’interroge sur la fabrication des images. Un travail inspiré par un cliché pris, il y a longtemps, dans la salle du temple de l’organisation de L’Ordre du temple solaire – une secte ésotérique, responsable de massacres dans les années 1990. Un lieu, pour l’artiste, marqué par une mise en scène destinée à « faire croire à l’invisible ».
Elle s’aperçoit alors que cette dimension performative, cet artifice se retrouve dans de nombreux groupes religieux. Loin de dissimuler les incohérences, ces communautés les laissent au contraire exister, persuadées que la foi les effacera. Avec élégance, Delphine Balley a repris ces constructions visuelles, créant des décors étranges, vacillants, questionnant notre rapport au réel. À l’aide de matériaux simples : cartons, bois, plâtre, et d’une esthétique picturale rappelant les tableaux classiques, elle tente de représenter l’image véhiculée par les groupes religieux, celle qui aide la croyance à se bâtir. Une immersion passionnante.
© Delphine Balley
Image d’ouverture : © Delphine Balley