Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité de la semaine. Accueillie par le Lavoir Numérique, l’exposition de l’artiste digitale Anne Horel est un florilège de créations numériques. Tantôt trash, tantôt loufoques, elles interrogent notre rapport à l’image et les potentialités artistiques qu’offrent les réseaux sociaux.
Installé à Gentilly, le Lavoir Numérique – lieu de création audiovisuelle, d’apprentissage et de diffusion – présente l’exposition de « l’artiste digitale polymorphe », « collageuse » et certifiée artiste Giphy, Anne Horel. De MySpace à YouTube en passant pas Facebook, Vine, Twitter, Instagram ou Snapchat et aujourd’hui TikTok, elle officie depuis une dizaine d’année sur les médias sociaux et développe son art au fil de leur influence grandissante. Des plateformes que l’ancienne diplômée des Beaux-Arts perçoit comme des « énergies » fluctuantes où les communautés sont multiples et interagissent différemment. Bref, une véritable aire de jeux expansible à l’infini, synonyme de partages et de créations.
À travers une scénographie interactive, le spectateur est immergé dans l’univers saturé d’images d’Anne Horel. Pensée comme une navigation symbolique à travers son historique artistique (et internet), l’exposition retrace ses pérégrinations numériques de 2009 à nos jours. « @annehorel, c’est un parcours archéologique, c’est ma contribution au social media art [dit l’art sur les médias sociaux] », confie l’artiste. Papiers peints remplis d’émojis respectant une colorimétrie variée, vidéos sarcastiques et clips musicaux parodiques lancés en boucle sur des tablettes, QR codes comme passerelles vers ses comptes respectifs… La créatrice s’amuse des convenances en détournant des éléments de la pop culture. Une à une, ses compositions laissent transparaître son goût pour l’excessivement kitsch .
© Anne Horel
Une harmonie dans l’hubris
« Certains sujets m’intéressent plus particulièrement : l’artiste et le réseau, exposer l’art des réseaux sociaux dans l’espace physique et légitimer sa place dans l’art contemporain, penser la culture mème et le Pop Art 3.0, la réalité augmentée, l’absurde, le « too much », l’autodérision, les influenceurs mais aussi la spiritualité et l’émergence d’une nouvelle culture ésotérique liée à l’ecoféminisme et aux sorcières du nouveau millénaire… mais aussi les pizzas ».
Dans le monde d’Anne Horel, le regard est porté vers l’outrance. Mais dans cette apparente démesure, une équilibre se crée : des motifs, thématiques et schémas se répètent, se complètent et sont détournés de plusieurs manières. Ici, Kim Kardashian, Madonna ou Beyoncé deviennent des figures emblématiques du tarot : la mort, l’étoile, le pendu… Au détour de multiples supports, l’autrice réalise le portrait burlesque de notre époque divergente où le filtre est devenu un apparat, où les likes sont des récompenses et déterminent notre place dans la société, mais où chacun·e peut – à son échelle – explorer, faire muter sa créativité sans limites.
Car aujourd’hui, la toile de « l’artiste digitale polymorphe » n’est autre que le web. Plus que tout, elle s’interroge sur la place de l’image derrière nos écrans et dévoile une partie de l’iconographie de notre génération ultra-connectée, où « tout est réseau, tout est média, tout est social », ajoute-t-elle. Dans cette opulence de contenus, où notre esprit divague et s’égare parfois, un message subsiste : amusez-vous de ce qui est présent devant vous, de ce qui vous effraie, composez avec, et continuez de créer selon vos envies, sans contraintes. Et ce message, Anne Horel en a fait son mantra.
Jusqu’au 5 juin 2022, découvrez l’exposition @annehorel au Lavoir Numérique et participez à des ateliers et tirages de cartes, au 4 rue de Freiberg, 94250 Gentilly.
© Anne Horel