« Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité »

30 octobre 2019   •  
Écrit par Anaïs Viand
« Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité »

Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité de la semaine. Il n’est pas cosplayer et pourtant depuis 2016, le photographe italien Filippo Trojano a fait du Cosplay son terrain de jeux. Immersion dans un univers coloré où chacun trouve son rôle.

« Depuis que je suis enfant, je suis fasciné par les arts visuels, et le cinéma en particulier. J’ai d’ailleurs participé à quelques courts métrages en tant qu’acteur. La photographie est un moyen d’inventer des histoires, que je conçois toujours comme des mises en scène. Ma mère est peintre et professeur en restauration, l’art m’a accompagné dès les premières années donc, annonce Filippo Trojano, un photographe et professeur de 42 ans installé à Rome. Enfant, je me souviens avoir passé de nombreuses heures à écouter des disques de 33 tours en regardant les pochettes et les photos ». Un détail qui a toute son importance, car l’artiste conçoit le 8e art comme une « pause musicale ». « Je m’interroge depuis longtemps sur la capacité qu’ont les gens à se projeter dans les images. Je revois par exemple ma grand-mère embrasser des photos de son mari ou de ses parents décédés avant de se coucher. J’ai poursuivi cette réflexion au fil de ma pratique photo. » Observer la relation à l’image n’est pour lui qu’un prétexte pour analyser la relation à l’autre.

© Filippo Trojano

Un écho à ces rites d’antan

En 2016, alors qu’il se rend à Rome, il aperçoit un garçon déguisé en vache au milieu de son wagon de train. « Celui-ci parlait avec un ami assis devant lui, et toutes les personnes autour poursuivaient leurs activités, comme si de rien n’était ». Cette première image en a amené bien d’autres. Leur point commun ? Le Cosplay. « En Italie, la mode du Cosplay s’est fortement développée ses dix dernières années, notamment grâce à deux foires de la bande dessinée qui se tiennent à Lucques, et à Rome ». Deux événements qui, chaque année, drainent argent et visiteurs. « Il s’agissait au départ d’un secteur masculin, mais depuis quelques années, les filles intègrent cet univers », précise le photographe. Fasciné depuis toujours par les masques, et leur usage, l’artiste amorce un travail dans le temps. « Dès l’âge primitif, les masques existaient. C’est comme si, aujourd’hui, le Cosplay faisait écho à ces rites d’antan.»

Avec Cosplay, il livre une réflexion sur le sens et l’utilisation du masque à notre époque, et s’interroge in fine sur le rapport que nous entretenons avec la réalité. Que gardons-nous des personnages ayant bercé notre enfance ? Que devient le héros sorti de l’écran ou de la bande dessinée ? « J’entrevois un étrange paradoxe. Si le masque permet d’échapper à la réalité, il est aussi un ancrage dans la société : en se montrant, on se révèle au monde », commente-t-il. Qui se cache donc derrière le costume de Batman ou Spiderman ? De grands enfants naïfs, des adultes timides ou des individus à l’égo sur-développé ? Une chose est certaine, dans la vie quotidienne, nombreux sont ceux qui jouent un rôle. « Pourtant, la vie n’est pas un spectacle », déplore Filippo Trojano. Il reste néanmoins optimiste, et affirme comme Oscar Wilde : « « Donnez-lui un masque et il dira la vérité ». Je pense que chaque déguisement fait ressurgir notre “moi” profond – un choix qui n’est d’ailleurs jamais fait au hasard. » Qu’il se focalise sur l’humanité des héros, ou qu’il dresse des portraits ironiques, Filippo Trojano ne cherche que partiellement à faire tomber les masques. « Aujourd’hui, je ne pense pas en porter, mails il est certain que j’en avais un dans le passé ». Il signe avec Cosplay une histoire personnelle, avant tout.

© Filippo Trojano

© Filippo Trojano

© Filippo Trojano

© Filippo Trojano

© Filippo Trojano
Andrea is part of the official Star Wars Cosplayer group. Many consider them a sort of elite also because of the strict rules they respect to be part of the group. In addition to the costume that must be perfectly matched in every detail to the original, the physicality of the person is one of the requirements to be accepted to interpret that cosplay. Thanks to his costume of one of the soldiers of the saga he was able to travel the world for numerous events, but what he loves most of all is the charity initiatives in favor of children.
© Filippo Trojano
Andrea is part of the official Star Wars Cosplayer group. Many consider them a sort of elite also because of the strict rules they respect to be part of the group. In addition to the costume that must be perfectly matched in every detail to the original, the physicality of the person is one of the requirements to be accepted to interpret that cosplay. Thanks to his costume of one of the soldiers of the saga he was able to travel the world for numerous events, but what he loves most of all is the charity initiatives in favor of children.

© Filippo Trojano© Filippo Trojano© Filippo Trojano

© Fillippo Trojano

Explorez
La sélection Instagram #514 : images indociles
© séquoia photos / Instagram
La sélection Instagram #514 : images indociles
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine incarnent, chacun·e à leur manière, le thème de la 56e édition des célèbres...
08 juillet 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Yves Saint Laurent : une histoire en miroir de la photographie et la mode
Polaroïd pris par le personnel de la maison de couture, cabines du 5, avenue Marceau, Paris. Robe de mariée portée par Laetitia Casta, collection haute couture printemps-été 2000, janvier 2000. © Yves Saint Laurent © Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent
Yves Saint Laurent : une histoire en miroir de la photographie et la mode
Cet été, parmi les accrochages à retrouver aux Rencontres d’Arles se compte Yves Saint Laurent et la photographie, visible à la Mécanique...
07 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Wolfgang Tillmans revient sur sa carte blanche au Centre Pompidou
Wolfgang Tillmans à la Bpi, janvier 2025 © Centre Pompidou
Wolfgang Tillmans revient sur sa carte blanche au Centre Pompidou
Le Centre Pompidou lui donne carte blanche jusqu’au 22 septembre 2025, dernier accrochage avant la fermeture du bâtiment pour cinq ans de...
03 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Marco Dos Santos fait feu de tout bois
© Marco Dos Santos
Marco Dos Santos fait feu de tout bois
Mais peut-il seulement tenir en place ? Depuis plus de vingt ans, Marco Dos Santos trace une trajectoire indocile à travers les scènes...
02 juillet 2025   •  
Écrit par Milena III
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Camille Lévêque décortique la figure du père
© Camille Lévêque. Glitch, 2014. Avec l’aimable autorisation de l’artiste
Camille Lévêque décortique la figure du père
Dans À la recherche du père, Camille Lévêque rend compte de questionnements qui l’ont traversée pendant de longues années....
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Le Brésil au grand angle
De la série Rua Direita, São Paulo, SP, vers 1970. © Claudia Andujar. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Instituto Moreira Salles.
Le Brésil au grand angle
Climat et transition écologique, diversité des sociétés, démocratie et mondialisation équitable… tels sont les trois thèmes de la saison...
10 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Pour ses vingt ans, MYOP rend hommage au passé pour mieux se tourner vers l’avenir
Militaires russes en visite sur le site de Chersonèse, Ukraine, 2005 © Julien Daniel / MYOP
Pour ses vingt ans, MYOP rend hommage au passé pour mieux se tourner vers l’avenir
Cette année, MYOP fête ses vingt ans. À cette occasion et dans le cadre des Rencontres d’Arles, les photographes de l’agence...
09 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Kikuji Kawada : la carte infinie d'un Japon en mutation
Endless Map © Kikuji Kawada, Courtesy PGI
Kikuji Kawada : la carte infinie d’un Japon en mutation
Jusqu’au 5 octobre 2025, à l’occasion des Rencontres de la photographie d’Arles, Kikuji Kawada investit l’espace Vague pour une...
09 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger