Dossier Fisheye #47 : « Ce sont les étudiants qui m’ont fait le plus avancer, penser, déconstruire, inventer »

17 mai 2021   •  
Écrit par Eric Karsenty
Dossier Fisheye #47 : « Ce sont les étudiants qui m’ont fait le plus avancer, penser, déconstruire, inventer »

Dans le Fisheye n°47, nous sommes allés à la rencontre de plus d’une vingtaine d’acteurs du monde de la photo, pour enquêter sur l’intérêt de suivre un cursus scolaire spécialisé. Un dossier nuancé confrontant les points de vue d’anciens étudiants, professeurs et spécialistes. Pour approfondir, découvrez ici l’entretien complet de la photographe Alice Brygo, diplômée de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs et étudiante au Fresnoy. Propos recueillis par Éric Karsenty.

Ma formation m’a permis de rencontrer d’autres artistes de ma génération qui m’accompagnent aujourd’hui dans la vie. C’est le principal avantage des écoles, je crois, et de l’ENSAD (École Nationale Supérieure d’Arts Décoratifs) en particulier, car on se retrouve avec beaucoup de créatifs dans différentes spécialités. À part ça, je pense que ma formation m’a surtout endurci et appris à me débrouiller seule. Ce n’est peut-être pas ce qu’on attend d’une école, mais je ne regrette pourtant pas d’avoir choisi cette formation. D’une certaine manière, c’est un endroit où on est poussé à réfléchir, à questionner sans cesse notre rapport aux images, et le fait d’étudier simultanément la photo et la vidéo est assez intéressant. C’est une formation moins adaptée qu’une école de ciné classique quand on veut faire des films, ou qu’une école plus technique quand on veut faire de la photo son métier, mais plus singulière.

Lieux de culture alternatifs

Mon parcours scolaire m’a donné très peu de clés au niveau du monde professionnel, la bienveillance n’était pas toujours au rendez-vous, et j’ai manqué d’espaces d’expérimentation. J’ai trouvé cela à l’extérieur, comme beaucoup d’étudiants, dans des lieux de culture alternatifs ouverts par des activistes et artistes de mon âge. Ce qui pèche aussi principalement à l’ENSAD, c’est un accompagnement en production assez proche de zéro. Les professeurs te donnent leur avis intellectuel, mais quasiment pas d’outils pratiques pour réaliser tes projets. Il y a quelques techniciens d’une grande aide, et du matériel à disposition, mais ça s’arrête là. C’est pourquoi j’ai choisi d’aller ensuite au Fresnoy, cursus que je suis depuis septembre 2020, pour être mieux accompagnée à ce niveau. Même si beaucoup d’étudiants qui ont eu un parcours plus pro avant d’entrer au Fresnoy y trouvent à redire, pour moi venant de l’ENSAD c’est beaucoup plus confortable.

Les rencontres les plus importantes, ce sont surtout les étudiants (que ce soit du secteur photo/vidéo mais aussi de scénographie, d’art/espace, de design graphique) avec qui je suis devenue amie qui m’ont fait le plus avancer, penser, déconstruire, inventer, et qui sont aujourd’hui mes premiers collaborateurs. Il y a la photographe et réalisatrice Laura Sifi, mon binôme de réalisation. L’artiste Balthazar Heisch, avec qui nous donnons aujourd’hui des workshops en école d’art, Pauline Cormault, qui m’accompagne en écriture, Alix Sulmont et Louise Hallou qui travaillent à mes côtés en ce moment sur le décor et les accessoires de mon prochain film…

© Alice Brygo

Série de cinq panneaux de plexiglass sérigraphiés de 60 x 110cm
montées sur une structure en acier
Soleil Noir © Alice Brygo

Se perdre dans le flux

Sur les réseaux sociaux, j’aime bien suivre des choses assez narratives sur Insta, des pages militantes comme Décolonisons Nous, des pages de trouvailles internet absurdes, des bandes dessinées comme Bakonet Jackonet. Je regarde de moins en moins de comptes de photographes ou de personne travaillant dans l’image, car je trouve qu’elles se perdent dans le flux. Instagram ne me paraît paradoxalement pas le meilleur moyen de diffuser des photos. En ce qui concerne Facebook j’aime bien me perdre dans des groupes un peu obscurs. Les réseaux sociaux sont sans doute nécessaires quand on a pour objectif de faire de la photo de mode ou de collaborer avec des médias, mais ce n’est pas mon cas. Je pense au contraire qu’ils ont tendance à me distraire, à me faire chercher de la gratification facile en postant des images, tout en vidant celles-ci de leur consistance.

Si je devais donner un conseil à quelqu’un, cela dépend complètement de ce qu’elle veut en faire… Mais je dirai de ne pas avoir peur d’aller à la rencontre des artistes et photographes qui lui plaisent pour apprendre à leurs côtés, c’est peut-être la meilleure école pour apprendre à proprement parler. Aujourd’hui, je présente une installation et un film à 100% l’expo – Sorties d’écoles, à la Grande Halle de la Villette.

© Alice Brygo© Alice Brygo

© Alice Brygo

L’homme sans nombril © Alice Brygo

© Alice Brygo© Alice Brygo

Captures d’écran du film Les îles périphériques © Alice Brygo

© Alice Brygo

Ici tombent les anges, installation du film Les îles périphériques © Alice Brygo

Image d’ouverture : L’homme sans nombril © Alice Brygo

Explorez
Les coups de cœur #518 : Cecilia Pignocchi et Emma Corbineau
© Cecilia Pignocchi. Tempo Bello
Les coups de cœur #518 : Cecilia Pignocchi et Emma Corbineau
Cecilia Pignocchi et Emma Corbineau, nos coups de cœur de la semaine, dévoilent un cabinet de curiosités constitué de souvenirs et de...
11 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Approche 2024 ou l’art de mettre en scène
© Antoine De Winter Courtesy Hangar Gallery
Approche 2024 ou l’art de mettre en scène
Du 7 au 10 novembre 2024, le Salon Approche présente sa 8e édition. Au 40 rue de Richelieu, à Paris, quinze expositions personnelles...
07 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Paris Photo 2024 : Capitale en ébullition
© Claudia Andujar
Paris Photo 2024 : Capitale en ébullition
Rendez-vous incontournable de la scène photographique internationale, Paris Photo fait son retour au Grand Palais du 7 au 10 novembre....
07 novembre 2024   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Nothing Artificial : la Fisheye Gallery au-delà de ses murs
© Delphine Diallo
Nothing Artificial : la Fisheye Gallery au-delà de ses murs
À l’occasion de Paris Photo, la galerie parisienne de Fisheye amorce son nouveau positionnement en présentant, du 6 au 10...
05 novembre 2024   •  
Écrit par Milena III
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Regards du Grand Paris : six nouveaux noms s’ajoutent à la commande photographique
© Jade Joannès
Regards du Grand Paris : six nouveaux noms s’ajoutent à la commande photographique
Chaque année, six photographes rejoignent la commande nationale Regards du Grand Paris. Comme son nom le suggère, l’initiative entend...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Présidentielle américaine : polarisation maximale
Kamala Harris lors de la convention nationale démocrate américaine à Chicago, le 20 août 2024. © Natalie Keyssar pour le New Yorker.
Présidentielle américaine : polarisation maximale
Au cœur de la campagne électorale, les photojournalistes ont le pouvoir de capturer la puissance de l’Histoire, mais aussi de dévoiler...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La nature infestée de Claudia Fuggetti
Metamorphosis © Claudia Fuggetti
La nature infestée de Claudia Fuggetti
Dans Metamorphosis, Claudia Fuggetti compose les interférences artificielles qui existent entre le monde humain et la nature. Sa...
13 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Sabatina Leccia et Clara Chichin : au cœur de la ville, un jardin à préserver
© Clara Chichin et Sabatina Leccia / Lucie Pastureau
Sabatina Leccia et Clara Chichin : au cœur de la ville, un jardin à préserver
Jusqu’au 25 janvier 2025, les œuvres de Sabatina Leccia et Clara Chichin se dévoilent sur les cimaises de la Galerie XII. Intitulée Le...
13 novembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet