Eleana Konstantellos développe, depuis 2019, de nombreux projets photographiques mêlant mise en scène et recherche d’archives. Co-fondatrice du collectif Melka avec Valeria Arendar, son objectif tient de l’histoire comme des arts visuels : analyser, par l’image, les récits du passé pour dévoiler les processus politiques et culturels qui les sous-tendent.
1996, Mexique : une créature suceuse de sang, le Chupacabra, rôde à la une des quotidiens et des JT télévisuels. Une véritable psychose s’empare du pays, orchestrée par les grands groupes médiatiques pour masquer la crise économique et sociale qu’il traverse. Trente ans plus tard, Eleana Konstantellos revient sur cette montée de fièvre hémophile. « Dans ce projet, j’utilise une méthodologie de « reconstruction » : d’une part, j’emploie l’esthétique et les ressources des médias de masse pour mettre en avant leurs aspects scéniques. De cette manière, j’essaie de sensibiliser le·a spectateurice à l’omniprésence des artefacts de ce type de phénomènes, qui oscillent entre « vrai » et « plausible ». D’autre part, j’utilise des entretiens et j’invente des scénarios possibles pour réaliser mes images, cherchant à construire un événement imaginaire où les regardeur·ses peuvent explorer et révéler les mécanismes par lesquels ce mythe urbain a été élaboré et, à une échelle plus large, peut-être même comprendre comment les fake news sont créées » explique-t-elle. Citant un extrait de la thèse du photographe belge Max Pinckers – « La mise en scène [est] un moyen de ne pas tromper la façon dont le monde est représenté photographiquement » – l’artiste réussit à tenir à la fois les rigueurs d’une approche analytique et la beauté formelle des clichés mis en scène. S’en dégage l’inquiétante impression d’un monstre aux aguets – brebis errant dans la nuit, trace de morsures et sang sur la roche. Cette exigence double irrigue les séries plus récentes, de The Dice Was Loaded From The Start à son projet en cours, Habitar la lengua, entre installation, broderie et vidéo. « Il est essentiel de continuer à questionner notre réalité par le prisme l’art et la photographie, en réfléchissant aux images que nous consommons et à leur impact sur nous. À travers la mise en scène et l’imaginaire, nous créons de nouvelles réalités », conclut-elle.