En immersion avec Anne-Laure Étienne

30 décembre 2015   •  
Écrit par Fisheye Magazine
En immersion avec Anne-Laure Étienne
C’est au Salon de la Photo que nous avons découvert le travail d’Anne-Laure Étienne. Cette jeune photographe très productive nous a séduit par la beauté et la richesse de son univers abstrait et chimérique. Entretien.

Fisheye : Qu’as-tu cherché à représenter avec “Infinités des possibles” ?

Anne-Laure Étienne : Cette série représente l’immersion, l’ensevelissement, l’acceptation d’un moment d’oubli et un renoncement à sa propre responsabilité. L’immersion satisfait un besoin de détente, de sécurité, de ressourcement, ainsi que le retour à la matrice originelle qui est un retour à « la source de vie ». La masse des eaux représente « l’Infinité des possibles » car elle contient le virtuel, l’informel, toutes les promesses de développement mais aussi toutes les menaces de résorption.

© Anne-Laure Étienne, 2015
© Anne-Laure Étienne, 2015

Quand as-tu commencé cette série et combien de temps as-tu travaillé dessus ?

J’ai commencé cette série cet été, lorsque le temps était favorable à la réalisation de ce type d’images. Comme j’ai travaillé en milieu naturel, j’avais besoin de beaucoup de lumière, mais aussi qu’il fasse chaud. Disons que toutes ces éléments rendaient les séances confortables et propices à la réalisation de jolies photos. Il a fallu en tout cinq séances, étalées sur deux mois pour toute cette série.

Qu’as-tu cherché à exprimer ?

L’eau possède beaucoup de significations et a une très forte symbolique. Il y a une très grande richesse dans les « possibilités » d’interprétation. Pour ma part j’ai voulu représenter la frontière entre le monde des vivants et le monde des morts. Dans certaines images, on voit un sujet qui se laisse couler, désemparé, qui touche le fond. Dans d’autres, il y a comme une volonté de retrouver surface, une lutte acharnée pour ne pas se laisser happer par la profondeur des eaux noires et troubles. Il s’agit de situations déroutantes où on ne sait plus si l’esprit émotif est dirigé par le désir de vie ou par la peur.

Pourquoi l’eau est l’élément qui t’as attiré ?

Depuis que je fais de la photographie, mon rêve est de faire des images sous l’eau. Je voulais absolument explorer cet élément si mystérieux. Quand j’étais enfant, j’avais la phobie de l’eau et surtout des profondeurs. J’étais très effrayée par ce « monde » où tout n’est que silence, où tous nos mouvements semblent décélérés. C’est comme si la notion du temps disparaissait.

Qui est la jeune fille que tu as photographié sous l’eau ?

J’ai travaillé en collaboration avec une amie d’enfance (Helena Aubertin), danseuse et modèle. Comme je n’avais encore jamais travaillé dans cet élément, je voulais rendre la tâche plus simple en collaborant avec un modèle déjà à l’aise avec son corps. Je lui ai demandé de danser sous l’eau. Il y a également certaines images ou j’apparais en autoportrait, car je voulais absolument tenter cette expérience insolite et travailler sur moi même.

© Anne-Laure Étienne, 2015
© Anne-Laure Étienne, 2015

Il y a un jeu intéressant autour de la couleur et de la matière : comment l’as tu réfléchi ?

On peut exprimer beaucoup de choses avec un vêtement. Il est l’un des premiers indices d’une conscience de soi. Sous l’eau, la matière prends un tout autre aspect et apporte des textures visuelles très intéressantes. Je voulais travailler sur une esthétique poignante, qui ferait opposition avec le fond neutre dans lequel le sujet est plongé. En ce qui concerne les couleurs, il me fallait quelque chose d’éclatant, de lumineux pour trancher avec le côté sombre de l’eau. Le blanc, car il représente l’absence, mais aussi la somme des couleurs. Le rouge, car il est considéré comme le symbole fondamental du principe de vie.

Quelles sont tes influences ?

Je suis une fan inconditionnelle de Francesca Woodman. J’aime aussi beaucoup le travail d’Alison Scarpulla et l’univers fascinant de Jan Durina. J’écoute aussi beaucoup de musique, et je m’en inspire souvent.

Pourquoi es-tu devenue photographe ?

C’est venu naturellement. J’ai commencé avec la volonté de figer l’instant présent. Par la suite, j’ai découvert que ça ne me suffisait plus, que j’avais besoin d’aller plus loin et de créer mes propres instants. Faire de la photographie est devenu un excellent moyen d’expression, une façon d’extérioriser mes contradictions, mes peurs et certaines facettes de mon inconscient.

Enfin, trois mots pour décrire cette série ?

Intemporelle, informelle, et spirituelle

ETIENNE-AnneLaure-fisheyelemag-11ETIENNE-AnneLaure-fisheyelemag-16ETIENNE-AnneLaure-fisheyelemag-19ETIENNE-AnneLaure-fisheyelemag-22ETIENNE-AnneLaure-fisheyelemag-33ETIENNE-AnneLaure-fisheyelemag-34ETIENNE-AnneLaure-fisheyelemag-35ETIENNE-AnneLaure-fisheyelemag-36

Propos recueillis par Marie Moglia

En (sa)voir plus

→ L’intégralité de cette série est à découvrir sur le site d’Anne-Laure : www.unspokenimage.com

Explorez
Les images de la semaine du 18.11.24 au 24.11.24 : un cycle d’existence
© Eimear Lynch
Les images de la semaine du 18.11.24 au 24.11.24 : un cycle d’existence
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye esquissent les contours d’un cycle d’existence pétri de souvenirs et...
24 novembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Massimiliano Perasso ou les larmes sublimes de la mélancolie
© Massimiliano Perasso
Massimiliano Perasso ou les larmes sublimes de la mélancolie
Dans l'objectif de Massimiliano Perasso, il y a « la vie en marge, le long des frontières », déclare celui-ci. Né à Genève, en Italie, ce...
21 novembre 2023   •  
Écrit par Milena III
La sélection Instagram #221
La sélection Instagram #221
Le mardi, on vous propose de faire le plein d'inspiration ! Street photo, poésie, ou engagement, chacun pourra s'y retrouver avec notre...
26 novembre 2019   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La sélection Instagram #220
La sélection Instagram #220
Explorations urbaines, portraits atypiques et panoramas dépaysants… Les photographes de cette sélection Instagram #220 nous emmènent loin...
19 novembre 2019   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
Kara Hayward dans Moonrise Kingdom (2012), image tirée du film © DR
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
L'univers de Wes Anderson s'apparente à une galerie d'images où chaque plan pourrait figurer dans une exposition. Cela tombe à pic : du...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
© Aletheia Casey
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
À travers A Lost Place, Aletheia Casey matérialise des souvenirs traumatiques avec émotion. Résultant de cinq années de travail...
21 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les...
21 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
© Karim Kal
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
Le photographe franco-algérien Karim Kal a remporté le prix HCB 2023 pour son projet Haute Kabylie. Son exposition Mons Ferratus sera...
20 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina