Et nos morts ? : La photographie post mortem aujourd’hui

26 septembre 2023   •  
Écrit par Costanza Spina
Et nos morts ? : La photographie post mortem aujourd’hui
© Christine Delory Momberger
© Frédéric Pawel
© Eric Dexheimer

Du 22 septembre 2023 au 18 février 2024, la Maison Doisneau présente Et nos morts ? une exposition collective rassemblant vingt auteurs et autrices, accompagnée d’une publication, autour du corps mort et de sa représentation. Un projet inhabituel qui néanmoins incarne tout le sens de la photographie humaniste, vouée à raconter l’expérience humaine sur Terre.

L’exposition Et nos morts ? à la Maison Doisneau, ouvre les portes de l’extra-terrien et nous introduit à une pratique peu connue et peu montrée : la photographie post mortem. Ce pan de la photographie est éminemment humaniste et nous invite à questionner ce qu’est l’humain, son histoire contemporaine et son rapport avec l’existence. Pourtant, l’affirmation de cette forme d’art a été longue et encore aujourd’hui, sa monstration fait face au tabou qui entoure la mort dans nos sociétés occidentales. Jusqu’aux années 1970, le corps mort n’était photographié que pour la presse, les archives familiales ou encore les archives scientifiques ou médico-légales. Lorsque la photographie s’affirme comme forme d’art à part entière, quelques artistes commencent à entrevoir dans le portrait post mortem une possibilité d’expression créative. L’exposition à la Maison Doisneau présente des œuvres récentes introduites par les travaux avant-gardistes de photographes du milieu du 20e siècle (Jacques Henri Lartigue, Laure Albin Guillot, Robert Doisneau, Raymond Voinquel). Le parcours donne à voir les transformations de notre rapport collectif avec la mort jusqu’à arriver à l’époque contemporaine, où le corps décédé et l’idée même de finitude semblent être devenus intolérables à nos yeux.

La photographie post-mortem : quand l’Occident se confronte avec la mort

Selon l’autrice Susan Sontag, la photographie, au gré de ses évolutions des deux derniers siècles, a montré ce que nous avions le droit de voir. Par défaut, elle témoigne aussi de ce qui nous est interdit. Nous remarquerons alors qu’en Europe, l’image du corps mort est devenue un tabou culturel et que nos mort·es sont rélégué·es au domaine de l’invisible, du caché et du morbide. Une tendance qui va de pair avec une folle course capitaliste à l’immortalité et avec un refus de cultiver un art de vivre et donc, de mourir. La photographie post-mortem défie cet état des choses, même si rarement elle sort de la sphère intime. Les images montrant des corps occidentaux trépassés, ne paraissent quasiment pas dans les médias. C’est cette dimension exceptionnelle qui a fait que les corps emportés par le COVID-19 ont autant marqué les esprits et redoublé notre peur de la maladie : dans l’Occident contemporain, le plus souvent, nous n’interagissons pas avec la mort jusqu’à un âge avancé. « La mort est aujourd’hui perçue comme un intolérable terme à une vie qui se doit d’être riche et remplie, constate Michaël Houlette, Directeur de la Maison Doisneau. Le devoir de bonheur vécu comme une valeur positive dans nos sociétés de consommation aurait d’ailleurs tendance à brider les émotions supposées négatives comme le chagrin lié au deuil, la peur ou l’angoisse de la mort. » L’exposition Et nos morts ? veut alors prendre le contre-pied de cette propension culturelle au déni et soulève une question anthropologique cruciale : que penser d’une société qui cache ses mort·es ? Ce séjour dans l’au-delà, percé par la photographie, fait ressurgir des émotions enfouies et pourtant ancestrales, liées à la douleur suprême du deuil et à la peur ultime de disparaître. 

© Irène Jonas

© Frédéric Pawels
© Dunne Odhrann
Explorez
Les images de la semaine du 16.12.24 au 22.12.24 : une multitude de dialogues
© Rebecca Najdowski
Les images de la semaine du 16.12.24 au 22.12.24 : une multitude de dialogues
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye dévoilent une multitude de dialogues initiés par la photographie.
22 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
The Color of Money and Trees: portraits de l'Amérique désaxée
©Tony Dočekal. Chad on Skid Row
The Color of Money and Trees: portraits de l’Amérique désaxée
Livre magistral de Tony Dočekal, The Color of Money and Trees aborde les marginalités américaines. Entre le Minnesota et la Californie...
21 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
© Prune Phi
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
Du 7 février au 23 mars 2025, le Jeu de Paume accueille le festival Paysages mouvants, un temps de réflexion et de découverte dédié à la...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
La BnF célèbre les prix photographiques !
© Karla Hiraldo Voleau, Série « Doble Moral », 2023 / La Bourse du Talent, 2024.
La BnF célèbre les prix photographiques !
À la Bibliothèque nationale de France, quatre grands prix photographiques se réunissent pour la 4e édition de l’exposition La...
17 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les coups de cœur #524 : Jan Makowski et Mathilde Cybulski
À nos balades écarlates © Mathilde Cybulski
Les coups de cœur #524 : Jan Makowski et Mathilde Cybulski
Jan Makowski et Mathilde Cybulski, nos coups de cœur de la semaine, nous emmènent sur le chemin des émotions. Tandis que le premier...
23 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 16.12.24 au 22.12.24 : une multitude de dialogues
© Rebecca Najdowski
Les images de la semaine du 16.12.24 au 22.12.24 : une multitude de dialogues
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye dévoilent une multitude de dialogues initiés par la photographie.
22 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
The Color of Money and Trees: portraits de l'Amérique désaxée
©Tony Dočekal. Chad on Skid Row
The Color of Money and Trees: portraits de l’Amérique désaxée
Livre magistral de Tony Dočekal, The Color of Money and Trees aborde les marginalités américaines. Entre le Minnesota et la Californie...
21 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
© Prune Phi
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
Du 7 février au 23 mars 2025, le Jeu de Paume accueille le festival Paysages mouvants, un temps de réflexion et de découverte dédié à la...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina