Felipe Romero Beltrán, lauréat du prix FUJIFILM Circulation(s) 2022

20 avril 2022   •  
Écrit par Eric Karsenty
Felipe Romero Beltrán, lauréat du prix FUJIFILM Circulation(s) 2022

Lauréat du prix FUJIFILM Circulation(s) 2022, Felipe Romero Beltrán expose sa nouvelle série Dialect au sein du festival de la jeune photographie européenne, au Centquatre-Paris, jusqu’au 29 mai. Son travail sur un groupe de jeunes migrants en attente d’un statut légal, qui associe photographie et vidéo au croisement du documentaire et de la fiction, a fait l’unanimité du jury. 

Ils sont jeunes, en short ou torse nu, immobiles, statiques, comme figés dans le temps. Les migrants photographiés par Felipe Romero Beltrán à Séville depuis 2020 sont en attente de normalisation de leur statut, une période transitoire qui peut durer entre un et trois ans selon la juridiction espagnole. Le temps pour l’administration de décider si ces mineurs qui viennent de traverser le détroit de Gibraltar – frontière maritime entre le Maroc et l’Espagne – en évitant les contrôles douaniers peuvent accéder à un statut légal dans le pays. Alors le temps s’étire indéfiniment et les corps s’ennuient. « Les photographies explorent différentes expériences, où le corps entre en dialogue avec les souvenirs », explique le photographe, qui a commencé ce travail en 2020 et projette de le terminer quand les jeunes hommes obtiendront leur autorisation de résidence, fin 2022 ou début 2023. 

© Felipe Romero Beltrán

Plonger dans le temps de l’attente 

Felipe Romero Beltrán a l’habitude de traiter des questions sociales dans son approche photographique qui associe l’écriture documentaire et les codes de la fiction. « Dans le projet, le documentaire et la fiction coexistent, ou plutôt se contaminent mutuellement », détaille l’auteur né à Bogota en 1992, et qui réside aujourd’hui en Espagne où il prépare un doctorat en photographie. Ces images se donnent à voir comme des tableaux photographiques, comme les photogrammes d’un film muet où le temps s’est figé. « La notion d’immobilité m’intéresse en photographie, poursuit le photographe. La dialectique que présentent le corps immobile et l’objet immobile me permet de plonger dans ce temps – hors la loi – de l’attente. » La scénarisation des images est assumée : certaines sont des « recréations d’événements antérieurs et font référence à un événement réel », d’autres sont « des événements de la vie quotidienne, mais en même temps je décide de ce que je vais montrer. Tout comme les jeunes qui décident de ce à quoi ils me donnent accès. Il s’agit toujours de la construction d’un récit », explique encore l’auteur. 

Pour prolonger notre questionnement, le photographe se fait vidéaste et demande aux jeunes migrants de lire, face caméra, les quatre premières pages de la loi espagnole sur l’immigration, le document qui régit et contrôle leur statut migratoire. Le ton se fait alors hésitant : « Ils essaient de les lire, mais ils ne les comprennent pas. La loi sur l’immigration comporte de multiples terminologies techniques pour définir une personne, et même pour un locuteur natif comme moi, précise l’auteur, il est difficile de tout comprendre. » Ces vidéos sont présentées en regard des images fixes et semblent en être les voix off, des paroles indécises qui répondent à une situation précaire. La scénographie efficace, cosignée par le photographe et l’équipe de Fetart – organisatrice du festival –, est installée en extérieur, un espace gratuit et en libre accès, une condition déterminante pour Felipe Romero Beltrán. 

 

Le prix FUJIFILM Circulation(s), dont Fisheye est partenaire, permet au lauréat de recevoir une dotation de matériel professionnel FUJIFILM composé d’un kit X-T4 + XF18-55 mm. Un soutien qui lui permettra non seulement de continuer son projet Dialect, toujours en cours, mais aussi de poursuivre ses autres recherches photographiques. 

© Felipe Romero Beltrán© Felipe Romero Beltrán
© Felipe Romero Beltrán© Felipe Romero Beltrán

© Felipe Romero Beltrán

© Felipe Romero Beltrán

Explorez
Simon Vansteenwinckel remporte le prix Nadar Gens d’images 2025
© Simon Vansteenwinckel
Simon Vansteenwinckel remporte le prix Nadar Gens d’images 2025
Le nom du lauréat de la 71e édition du prix Nadar Gens d’images vient d’être annoncé : il s’agit de Simon Vansteenwinckel. Le jury l’a...
06 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
a ppr oc he : Rencontre au cœur de l’image
© Emile Gostelie
a ppr oc he : Rencontre au cœur de l’image
Dans cet espace pensé comme une exposition, un·e photographe et un·e commissaire croisent leurs regards. Pour cette première édition...
06 novembre 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Fisheye #74 sonde la notion d’éthique en photographie
© Stan Desjeux
Fisheye #74 sonde la notion d’éthique en photographie
Fisheye #74 sera disponible en kiosque ce samedi 8 novembre ! En ce mois consacré à la photographie, notre nouveau numéro s’intéresse à...
06 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Laura Menassa : Beyrouth comme corps et paysage
© Laura Menassa
Laura Menassa : Beyrouth comme corps et paysage
Entre journal intime visuel et témoignage collectif, le travail de Laura Menassa explore la fragilité et la résilience au cœur de...
04 novembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 3 novembre 2025 : les actualités de Fisheye
© Ian Cheibub
Les images de la semaine du 3 novembre 2025 : les actualités de Fisheye
C’est l’heure du récap ! Entre la parution d’un nouvel ouvrage, la sortie du numéro #74 et celle d’un épisode de Focus, la semaine a été...
09 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
L’intimité au cœur de Planches Contact Festival 2025
© Carline Bourdelas / Planches Contact Festival
L’intimité au cœur de Planches Contact Festival 2025
Jusqu’au 4 janvier 2026, la 16e édition de Planches Contact Festival anime Deauville et propose une diversité de regards sur un même...
08 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Laura Lafon Cadilhac : s'indigner sur les cendres de l'été
Red Is Over My Lover. Not Anymore Mi Amor © Laura Lafon Cadilhac
Laura Lafon Cadilhac : s’indigner sur les cendres de l’été
Publié chez Saetta Books, Red Is Over My Lover. Not Anymore Mi Amor de Laura Lafon Cadilhac révèle un été interminable. L’ouvrage se veut...
07 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Écofemmes Fest : un rendez-vous pour créer, lutter, transmettre
Trenza, le lien qui nous unit, 2025 ©Gabriela Larrea Almeida
Écofemmes Fest : un rendez-vous pour créer, lutter, transmettre
Jusqu'au 9 novembre prochain, La Caserne, dans le 10e arrondissement de Paris, accueille la première édition d’Écofemmes Fest, un...
07 novembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas