Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité. Dans Exploded Views, l’artiste californien Kevin Cooley étudie les variations d’explosions en milieux contrôlés. Un travail aux dérives plastiques et à l’idéologie écologique.
Trainées d’étoiles filantes, méduses capturées dans les profondeurs océaniques, étincelles illuminant le ciel… Les explosions causées par Kevin Cooley convoquent apparitions chimériques et situations surréalistes. C’est après avoir jeté son dévolu sur la fumée dans Controlled Burns que l’artiste installé à Los Angeles s’est tourné vers son frère : le feu. Épaulé par un expert en pyrotechnie travaillant avec les feux d’artifice depuis une quarantaine d’années, il repousse les limites de son imagination en organisant des explosions dans des milieux variés – une manière pour l’auteur de contrôler l’incontrôlable.
Ancien étudiant en politiques internationales, « non pas parce que je m’intéressais à la diplomatie, mais plutôt parce que je voulais voyager », s’amuse-t-il, Kevin Cooley a finalement vu en la photographie un outil lui permettant d’étancher sa soif d’aventures. À la manière d’un scientifique, il enquête, expérimente, fait des erreurs et construit à partir de ses expériences des séries insolites aux formes inattendues. « L’abstraction est ce qui rend tout projet intéressant. Les moindres variations dans la chimie ou des formules utilisées donnent des résultats totalement différents. Et les changements de boîtiers, d’expositions, de lieux offrent des possibilités infinies », précise-t-il. Une collection nébuleuse flirtant avec le fantastique que l’artiste donne à voir dans Exploded Views.
Transformer l’indomptable
Mais en contrepoint de ces apparitions improbables, Kevin Cooley explore notre fascination pour le feu et ses formes les plus dangereuses. « On donne des noms aux feux de forêt, on explique leurs causes, leur histoire. Apprendre à maîtriser cet élément est partie intégrante de l’humanité. À une époque où la relation entre les incendies, l’hydrocarbure et le réchauffement climatique devient de plus en plus importante, il nous faut attiser notre curiosité », explique-t-il. Et quoi de mieux qu’une série d’explosions pour la nourrir ? Dans les images du photographe, réel et imaginaire se fondent l’un dans l’autre, tandis que les volutes et les traces laissées par les explosions dessinent des animaux aquatiques, ou des astres dans l’air. « L’échelle nous trompe également : certaines explosions paraissent microscopiques et d’autres ressemblent à des galaxies lointaines », s’amuse l’auteur. Autant de paramètres qui viennent enrichir son récit, et attiser notre fascination pour l’élément. « Ma propre relation avec le feu et son potentiel destructif est également très pertinente. Un incendie a ravagé la maison de ma mère, et – presque cinquante ans plus tard – un autre est passé à moins de cent mètres de mon studio à Los Angeles. Cet événement m’a fait reconsidérer l’envie de vivre dans une zone à haut risque, et m’a conduit à exprimer mes craintes à travers ce projet », confie-t-il. Source d’anxiété, fruit de fantasmes aussi effrayants que captivants, le feu revêt, grâce à Kevin Cooley, ses nombreux costumes. En isolant cet élément sauvage, l’auteur parvient à transformer l’indomptable en sujet clinique, à faire parler la science tout en faisant preuve de créativité. Une manière originale d’exorciser la peur tout en mettant en lumière des débats on ne peut plus urgents.
© Kevin Cooley