Fictions Documentaires : la jeunesse face à ses inquiétudes

08 décembre 2022   •  
Écrit par Costanza Spina
Fictions Documentaires : la jeunesse face à ses inquiétudes
Jusqu’au 17 décembre, le festival Fictions Documentaires, organisé par l’association GRAPh, dévoile le point de vue de plusieurs photographes sur le monde contemporain. Pour cette sixième édition, les femmes sont à l’honneur et portent haut et fort les luttes pour la protection de la planète !
Dans cette édition 2022 de Fictions Documentaires, l’accent est mis sur les inquiétudes des nouvelles générations et sur la capacité des artistes contemporain·e·s à imaginer des mondes nouveaux. Par leur regard, les photographes exposé·e·s sensibilisent le spectateur à l’état du monde actuel, en mélangeant documentaire et narration. Un croisement des genres s’imposant comme un formidable terrain de jeu, permettant à la fois de se saisir d’enjeux journalistiques actuels, et de bâtir des récits personnels déployés grâce aux techniques de l’art contemporain. Collage, métaphore, mise en scène, symbolisme… le genre photographique entend dévoiler le regard d’un·e artiste sur un fait de société.
« Cette diversité de propositions et de mises en œuvres révèle combien les fictions documentaires voient des artistes de différentes origines et de différentes générations s’attacher à traduire des préoccupations contemporaines inscrites dans des communautés ou partagées de façon plus universelle » affirme Christian Gattinoni, commissaire du festival. Et cette année, l’anxiété écologique et la guerre sont les deux grands thèmes de prédilection des auteurices invité·es : Parmi elleux, Annika Haas dénonce l’effet de serre dans sa série The Greenhouse Effect alors que Tiphaine Populu de la Forge, à travers Solastalgia, dresse un parallèle entre des photographies de maisons délabrées et les images de notre planète prises par l’agence spatiale européenne, l’ESA. Lumière sur leurs travaux.

© Annika Haas

© Annika Haas

Éco-anxiété : un cri d’alerte pour une planète fragile

Ce sont les inquiétudes écologiques de la jeune génération que scénarise l’artiste estonienne Annika Haas, dans The Greenhouse Effect. Ce projet au long cours est dédié aux jeunes venu·es de son pays qui affrontent des problématiques dues à la surconsommation, au gaspillage et à l’exploitation agressive des ressources naturelles. Mais il vise aussi  à sensibiliser la jeune population aux techniques pour préserver l’environnement et consommer autrement, à la conservation de la nature et aux manières de minimiser l’empreinte écologique grâce à leurs contributions personnelles. Au cœur des images d’Annika Haas, on perçoit la banlieue de la capitale estonienne, Tallinn, autrefois composée de parcelles de jardins et dont la présence de nombreuses serres abandonnées lui confèrent des allures apocalyptiques. Dans des mises en scènes troublantes, l’artiste fait poser ses modèles avec des bâches en plastique, tantôt enveloppant leur corps tantôt sortant de leur bouche.

Le fil rouge de l’environnement est également repris par Tiphaine Populu de la Forge, dans sa série Solastalgiaun néologisme construit sur l’anglais solace dérivé du latin solacium signifiant « consolation, réconfort » et algie, suffixe emprunté à nostalgie et traduit par « douleur » en français. Ce concept, inventé en 2003 par Glenn Albrecht, décrit le sentiment de profonde détresse que nous pouvons ressentir face au spectacle imposé de la dégradation de la nature. Inspirée par ce dernier, la photographe met en parallèle des ruines domestiques et des images prises par l’Agence Spatiale Européenne (ESA). Selon elle, les murs rejouent le paradigme de la terre malade, polluée ou artificialisée, brûlée ou inondée et matérialisent la complexité de notre rapport aux enjeux environnementaux. Par ces associations, les spectateurices assistent alors à la fissuration de tout un système, d’une planète qui devrait être notre espace d’habitation.  En rapprochant ces deux niveaux de perception, l’intime et le global, Tiphaine Populu de la Forge illustre parfaitement la finitude de la Terre et sa dégradation face à notre manque de soin.

 

Retrouvez toutes les informations sur le programme,  à découvrir jusqu’au 17 décembre. 

© Tiphaine Populu de La Farge© Ymane Fakhir

© à g. Tiphaine Populu de la Forge, à d. Ymane Fakhir

© Marianne et Katazina Wasowska© Marianne et Katazina Wasowska

© Marianne et Katazina Wasowska

© Tiphaine Populu de la Forge

© Tiphaine Populu de la Forge

Image d’ouverture : © Annika Haas

Explorez
Dans l’œil d’Aletheia Casey : le rouge de la colère et du feu
© Aletheia Casey
Dans l’œil d’Aletheia Casey : le rouge de la colère et du feu
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil d’Aletheia Casey, dont nous vous avons déjà parlé il y a quelques mois. Pour Fisheye, elle...
28 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 21 avril 2025 : la Terre à l’honneur
© Thomas Amen
Les images de la semaine du 21 avril 2025 : la Terre à l’honneur
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye célèbrent la Terre. Dans des approches disparates, les photographes évoquent...
27 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Rephotographier les monts Uinta pour montrer que le changement climatique s’accélère
© William Henry Jackson, 1870 et Joanna Corimanya, Anahi Quezada, et Town Peterson, 2024.
Rephotographier les monts Uinta pour montrer que le changement climatique s’accélère
En septembre 2024, le géologue Jeff Munroe et l’écologiste Joanna Corimanya entreprenaient un trek de 50 kilomètres dans la toundra des...
23 avril 2025   •  
Écrit par Thomas Andrei
Les photographes dans Fisheye célèbrent la Terre, sa fragilité et sa grandeur
Camsuza © Julie Arnoux
Les photographes dans Fisheye célèbrent la Terre, sa fragilité et sa grandeur
Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le biais des images, les préoccupations de notre époque. À...
22 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Marion Gronier, la folie et le regard
© Marion Gronier, Quelque chose comme une araignée / Courtesy of the artist and Prix Caritas Photo Sociale
Marion Gronier, la folie et le regard
Pendant deux ans, Marion Gronier a arpenté des institutions psychiatriques en France et au Sénégal. Sans jamais montrer de visages, elle...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Milena III
Anouk Durocher : portrait d'une révolution intime
© Anouk Durocher
Anouk Durocher : portrait d’une révolution intime
Nous avons posé quelques questions à Anouk Durocher, artiste exposée à Circulation(s) 2025. Dans son travail, elle explore l'approche...
08 mai 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Daniel Obasi : l'étoffe de la révolte
Beautiful Resistance © Daniel Obasi
Daniel Obasi : l’étoffe de la révolte
À Lagos, Daniel Obasi, 30 ans, met en lumière les communautés marginalisées du Niger à travers une mode émancipatrice et...
08 mai 2025   •  
Écrit par Milena III
Santé mentale et photographie : 22 séries qui expriment les maux
© No Sovereign Author
Santé mentale et photographie : 22 séries qui expriment les maux
La santé mentale est la grande cause de l’année 2025 en France. Pour cette occasion, la rédaction de Fisheye vous invite à (re)découvrir...
07 mai 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine