Fisheye #69 : éveiller les soupçons

08 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Fisheye #69 : éveiller les soupçons
© Mark Mahaney
© Alejandro « Luperca » Morales

En ce début d’année, Fisheye éveille la curiosité qui sommeille en nous en consacrant son premier numéro de 2025 à une thématique spécifique : les crimes et les faits divers. Au fil des pages, les photographes font fi de la théâtralisation pour aborder de sombres affaires de manière singulière.

« Dans les entrailles de ce numéro d’hiver, où l’on adore se faire peur en lisant des polars au coin du feu sous un plaid en mohair, Fisheye vous invite aux faits divers : pas de larcin, pas de forfait sans envergure, mais des crimes de sang, ceux qui sont élaborés, qui recèlent des motifs, parfois une préméditation, voire un esprit machiavélique. Évidemment, nous avons fait cela à la sauce Fisheye. Avec une certaine retenue, un pas de côté, de nouvelles narrations visuelles, des artistes qui transcendent le sujet pour réinventer des codes éculés », écrit Benoît Baume, fondateur du magazine, dans l’édito de notre numéro en kiosque. De fait, intitulé SoupçonFisheye #69 s’intéresse aux faits divers. Pour ce faire, il revient sur l’histoire de son traitement dans la presse et dévoile les projets de photographes qui renouvellent l’imagerie d’un genre qui fait couler beaucoup d’encre.

© Angela Strassheim
© Jean-Michel André

Suggérer le crime

Notre cahier central propose ainsi de nouvelles narrations du fait divers en offrant d’autres perspectives. Theo Wenner est le premier photographe à avoir pu s’immiscer dans le quotidien au sein de la division homicide du New York City Police Department, aussi connu sous le sigle NYPD. En résulte la série Homicide, qu’il a réalisée en deux ans, en suivant une équipe d’enquêteurs par intermittence. Angela Strassheim immortalise, quant à elle, des pavillons de banlieue tranquilles en apparence dans Evidence. Pourtant, comme le révèle le luminol qu’elle emploie dans ses tirages, ceux-ci ont été le théâtre de l’horreur. 

Dans El Retrato de tu Ausencia, Alejandro « Luperca » Morales suggère le crime en l’ôtant, d’une certaine manière, des images. Ses compositions prennent pour point de départ des clichés publiés dans les médias, montrant sans détour les conséquences dramatiques du narcotrafic. En effaçant les cadavres à l’aide d’une gomme en caoutchouc, il dénonce l’approche des tabloïds et se livre à une démarche réparatrice qui ne convoque plus que les imaginaires. Au travers Manila Gothic, Lawrence Sumulong évoque également les traumatismes laissés la lutte contre la drogue aux Philippines. 

Jean-Michel André revient sur un évènement intime et dramatique, survenu il y a quarante ans, dans Chambre 207. Alors qu’il faisait une halte dans un hôtel d’Avignon le temps d’une nuit d’été, son père et six autres personnes ont été assassinés. Poignante, sa série entremêle photographies des lieux actuels, éléments d’enquête, archives de presse et objets familiaux pour interroger la mémoire, le deuil et la réparation. Enfin, dans un registre tout à fait différent, Juno Calypso prend pour décor un bunker souterrain construit par un PDG, dans les années 1970, afin de se protéger d’une éventuelle guerre nucléaire. De cet espace étonnant découle What to Do with a Million Years, qui cristallise l’isolement et l’impression d’être pris au piège dans les profondeurs de la Terre. 

Retrouvez Fisheye #69 : Soupçon dans les kiosques et sur notre boutique en ligne,

© Fisheye Magazine
© Fisheye Magazine
© Fisheye Magazine
À lire aussi
Fisheye #68 : histoires en écho
© Lauren Beard
Fisheye #68 : histoires en écho
Juste à temps pour le début du mois de la photo, Fisheye #68 : Echo est disponible dans les kiosques et sur notre store ! Un numéro nous…
06 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Fisheye #67 : notre monde en fiction
© Matthieu Croizier
Fisheye #67 : notre monde en fiction
En cette rentrée 2024, Fisheye vous invite à prendre de la hauteur. Lorsque le contexte géopolitique, écologique ou encore social devient…
03 septembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Explorez
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
© Karim Kal
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
Le photographe franco-algérien Karim Kal a remporté le prix HCB 2023 pour son projet Haute Kabylie. Son exposition Mons Ferratus sera...
20 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
On Mass Hysteria : étude d'une résistance physique contre l'oppression
CASE PIECE #1 CHALCO, (Case 1, Mexico, On Mass Hysteria), 2023, Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris © Laia Abril
On Mass Hysteria : étude d’une résistance physique contre l’oppression
À travers l’exposition On Mass Hysteria - Une histoire de la misogynie, présentée au Bal jusqu’au 18 mai 2025, l’artiste catalane...
19 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Tisser des liens, capter des mondes : le regard de Noémie de Bellaigue
© Noémie de Bellaigue
Tisser des liens, capter des mondes : le regard de Noémie de Bellaigue
Photographe et journaliste, Noémie de Bellaigue capture des récits intimes à travers ses images, tissant des liens avec celles et ceux...
15 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Faits divers : savoir mener l’enquête
© Claude Closky, Soucoupe volante, rue Pierre Dupont (6), 1996.
Faits divers : savoir mener l’enquête
Au Mac Val, à Vitry-sur-Seine (94), l’exposition collective Faits divers – Une hypothèse en 26 lettres, 5 équations et aucune réponse...
13 février 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
© Aletheia Casey
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
À travers A Lost Place, Aletheia Casey matérialise des souvenirs traumatiques avec émotion. Résultant de cinq années de travail...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
© Karim Kal
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
Le photographe franco-algérien Karim Kal a remporté le prix HCB 2023 pour son projet Haute Kabylie. Son exposition Mons Ferratus sera...
20 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Juno Calypso : palais paranoïaque
© Juno Calypso. What to Do With a Million Years ? « Subterranean Kitchen »
Juno Calypso : palais paranoïaque
Dans sa série What to Do With a Million Years ? , la photographe britannique Juno Calypso investit un abri antiatomique extravagant non...
20 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger