En ce début d’année, Fisheye éveille la curiosité qui sommeille en nous en consacrant son premier numéro de 2025 à une thématique spécifique : les crimes et les faits divers. Au fil des pages, les photographes font fi de la théâtralisation pour aborder de sombres affaires de manière singulière.
« Dans les entrailles de ce numéro d’hiver, où l’on adore se faire peur en lisant des polars au coin du feu sous un plaid en mohair, Fisheye vous invite aux faits divers : pas de larcin, pas de forfait sans envergure, mais des crimes de sang, ceux qui sont élaborés, qui recèlent des motifs, parfois une préméditation, voire un esprit machiavélique. Évidemment, nous avons fait cela à la sauce Fisheye. Avec une certaine retenue, un pas de côté, de nouvelles narrations visuelles, des artistes qui transcendent le sujet pour réinventer des codes éculés », écrit Benoît Baume, fondateur du magazine, dans l’édito de notre numéro en kiosque. De fait, intitulé Soupçon, Fisheye #69 s’intéresse aux faits divers. Pour ce faire, il revient sur l’histoire de son traitement dans la presse et dévoile les projets de photographes qui renouvellent l’imagerie d’un genre qui fait couler beaucoup d’encre.
Suggérer le crime
Notre cahier central propose ainsi de nouvelles narrations du fait divers en offrant d’autres perspectives. Theo Wenner est le premier photographe à avoir pu s’immiscer dans le quotidien au sein de la division homicide du New York City Police Department, aussi connu sous le sigle NYPD. En résulte la série Homicide, qu’il a réalisée en deux ans, en suivant une équipe d’enquêteurs par intermittence. Angela Strassheim immortalise, quant à elle, des pavillons de banlieue tranquilles en apparence dans Evidence. Pourtant, comme le révèle le luminol qu’elle emploie dans ses tirages, ceux-ci ont été le théâtre de l’horreur.
Dans El Retrato de tu Ausencia, Alejandro « Luperca » Morales suggère le crime en l’ôtant, d’une certaine manière, des images. Ses compositions prennent pour point de départ des clichés publiés dans les médias, montrant sans détour les conséquences dramatiques du narcotrafic. En effaçant les cadavres à l’aide d’une gomme en caoutchouc, il dénonce l’approche des tabloïds et se livre à une démarche réparatrice qui ne convoque plus que les imaginaires. Au travers Manila Gothic, Lawrence Sumulong évoque également les traumatismes laissés la lutte contre la drogue aux Philippines.
Jean-Michel André revient sur un évènement intime et dramatique, survenu il y a quarante ans, dans Chambre 207. Alors qu’il faisait une halte dans un hôtel d’Avignon le temps d’une nuit d’été, son père et six autres personnes ont été assassinés. Poignante, sa série entremêle photographies des lieux actuels, éléments d’enquête, archives de presse et objets familiaux pour interroger la mémoire, le deuil et la réparation. Enfin, dans un registre tout à fait différent, Juno Calypso prend pour décor un bunker souterrain construit par un PDG, dans les années 1970, afin de se protéger d’une éventuelle guerre nucléaire. De cet espace étonnant découle What to Do with a Million Years, qui cristallise l’isolement et l’impression d’être pris au piège dans les profondeurs de la Terre.
Retrouvez Fisheye #69 : Soupçon dans les kiosques et sur notre boutique en ligne,