Francesco Gioia : capturer la rue sans contrôle

25 octobre 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Francesco Gioia : capturer la rue sans contrôle
© Francesco Gioia

Installé à Londres, le photographe Francesco Gioia capture le graphisme, les textures et les habitants du monde urbain. Une œuvre théâtrale guidée par une notion abstraite : le temps.

Un mur de journaux, un couple anonyme, fuyant la ville dans une voiture rétro, les rides d’un visage révélées par un soleil aveuglant, la touche colorée d’une cravate qui s’agite dans la brise… Çà et là, dans le labyrinthe des rues, révélés par les clairs-obscurs dramatiques propres à la street photography, les sujets de Francesco Gioia se dévoilent, laissent apparaître des détails, des fragments de silhouettes, des bribes d’histoires. Ils nous guident, à coup de talons qui claquent, ou d’instants de perdition, perdus dans le chaos des métropoles et nous invitent à redécouvrir le monde qui nous entourent pour mieux apprécier sa beauté.

C’est au sein d’une agence de photojournalisme que l’artiste italien de 30 ans – désormais installé à Londres – est tombé amoureux du 8e art. « J’étais le conservateur d’une archive historique de plus de trois millions d’images, prises entre 1944 et 1980, par le fondateur, Giulio Torrini », se souvient-il. En s’installant au Royaume-Uni, en 2015, la passion perdure, et l’auteur se lance à son tour dans la création. S’il ne se considère pas comme un photographe de rue, mais comme un « photographe tout court », Francesco Gioia trouve néanmoins dans l’espace urbain une folie, une dimension instinctive qui l’inspire. « J’aime m’exprimer sans avoir à suivre de direction précise. Souvent, je me trompe, mais mon intuition me mène parfois vers de l’inattendu, de l’intéressant. Je crois qu’il nous faut apprendre le langage de la photo par nous-mêmes, et nous découvrir à travers lui », confie-t-il.

© Francesco Gioia© Francesco Gioia

Transformer l’anecdotique en éternel

Désireux de ne pas se limiter à un seul genre, une seule esthétique, le photographe s’est intéressé, depuis le début de la pandémie à une notion abstraite : l’éphémère. « On peut profiter de tout brièvement, dans le moment, comme une transition », commente-t-il. Et, au cœur de cette exploration, le temps et sa nature complexe forment un fil rouge, aiguillant ses prises de vue. « Son instabilité, sa fugacité me plaisent. J’adore travailler sur la mémoire, et ses multiples facettes font partie intégrante de mon œuvre », poursuit-il. Une recherche qui le pousse à la perte de contrôle. Là, sur place, au cœur des mouvements, des flux, il braque son appareil sur des scènes pour parvenir à saisir l’anecdotique, et le transformer en éternel. « L’illusion que l’on possède du pouvoir sur quoi ou qui ce soit est ce qui me plaît le plus dans la photographie de rue. Chaque cliché, selon moi, doit être pris à un moment précis, mais pourtant, je ne saurais absolument pas expliquer pourquoi », ajoute l’auteur.

Inspiré par les toiles des grands peintres – Paul Klee, Jackson Pollock, Vincent Van Gogh, Paul Cézanne, ou encore Norman Lewis – et par les coloristes de renom – Ernst Haas, Harry Gruyaert, Saul Leiter, William Eggleston…  –  Francesco Gioia trace sur le monde moderne des coups de pinceau sensibles et incisifs. Dramatiques, captivantes, ses images saisissent la théâtralité du quotidien, au sein d’un territoire en mouvement constant, où le regard ne se pose que pour oublier, dans les quelques secondes suivantes, le sublime qu’il aperçoit. Des expressions des passants anonymes aux rencontres graphiques de deux étrangers. Des jeux de textures et de reflets aux nuances bariolées des accessoires portés par ses sujets, Francesco Gioia écrit une symphonie. Une ode au temps qui passe, et aux trésors qu’il laisse dans son sillage.

© Francesco Gioia

© Francesco Gioia© Francesco Gioia
© Francesco Gioia© Francesco Gioia
© Francesco Gioia© Francesco Gioia

© Francesco Gioia

© Francesco Gioia© Francesco Gioia
© Francesco Gioia© Francesco Gioia
© Francesco Gioia© Francesco Gioia

© Francesco Gioia

© Francesco Gioia

Explorez
« Chère et tendre IA »… conversation entre l’artiste et la machine
© Rineke Djikstra
« Chère et tendre IA »… conversation entre l’artiste et la machine
Imaginé dans le cadre d’une résidence à la Maison européenne de la photographie (MEP), Photo Against the Machine est un ouvrage...
19 décembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Focus : rituels vampiriques, fouilles archéologiques et mélancolie poétique
© Devin Yalkin, Until Dawn.
Focus : rituels vampiriques, fouilles archéologiques et mélancolie poétique
Créé par les équipes de Fisheye, Focus est un format vidéo innovant qui permet de découvrir une série photo en étant guidé·e par la...
18 décembre 2024   •  
16 expositions photos à voir pendant les vacances de Noël
© Ali Kazma / Courtesy Francesca Minini, Milan
16 expositions photos à voir pendant les vacances de Noël
Les fêtes de fin d’année sont souvent l’occasion de passer du temps avec nos proches, de nous reposer et de trouver les nouvelles...
16 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
20 beaux-livres de photographie à (s’)offrir à Noël
Service à bord d’une voiture-restaurant du train Capitole, 1966. © Fonds de dotation Orient Express
20 beaux-livres de photographie à (s’)offrir à Noël
Offrir un ouvrage à Noël est toujours une belle manière d’ouvrir des portes sur de nouveaux mondes. À cet effet, la rédaction...
13 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
The Color of Money and Trees: portraits de l'Amérique désaxée
©Tony Dočekal. Chad on Skid Row
The Color of Money and Trees: portraits de l’Amérique désaxée
Livre magistral de Tony Dočekal, The Color of Money and Trees aborde les marginalités américaines. Entre le Minnesota et la Californie...
21 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
© Prune Phi
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
Du 7 février au 23 mars 2025, le Jeu de Paume accueille le festival Paysages mouvants, un temps de réflexion et de découverte dédié à la...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
© Mirko Ostuni, Onde Sommerse.
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
Dans Onde Sommerse, Mirko Ostuni dresse le portrait de sa propre génération se mouvant au cœur des Pouilles. Cette jeunesse tendre et...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Ces séries photographiques qui cherchent à guérir les blessures
© Maurine Tric
Ces séries photographiques qui cherchent à guérir les blessures
Pour certain·es artistes, la photographie a un pouvoir cathartique ou une fonction guérisseuse. Iels s'en emparent pour panser les plaies...
19 décembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine