Jusqu’au 14 mars, la Galerie de l’Instant accueille Le regard d’une artiste, une collection de tirages inédits de Lucienne Bloch, représentant Frida Kahlo. Des clichés reflétant l’amitié, et la confiance mutuelle que se vouaient les deux femmes.
Le monde entier connaît la peintre Frida Kahlo pour son talent, comme pour ses souffrances. Née en 1907 d’une mère mexicaine et d’un père allemand – par ailleurs photographe – l’artiste aspire dès ses jeunes années à se démarquer, en se lançant dans des études de médecine malgré les pressions d’une société très machiste. En 1925, un tragique accident de bus bouleverse sa vie. Alitée pendant de nombreux mois, Frida se met à peindre. Un miroir installé près d’elle, elle devient son propre sujet, sa propre expérimentation. Quatre ans plus tard, elle se marie à Diego Rivera, artiste de renom, connu pour ses peintures murales. Tous deux démarrent alors une relation fusionnelle et tumultueuse. C’est par l’intermédiaire de son époux que la créatrice rencontre Lucienne Bloch, au début des années 1930. Alors peintre elle aussi, elle assiste Diego Rivera tandis que ce dernier réalise une commande à New York – sa fresque monumentale pour le Rockefeller Center.
« Frida n’aimait pas vraiment les États-Unis. Les années 1930 ont été très difficiles pour elle, car elles ont été marquées par ses fausses couches, et par le décès de sa mère. Une relation amicale, complice s’est alors tissée entre les deux femmes », explique la galeriste Flora Gaal. Si Lucienne Bloch n’est pas une photographe officielle, elle grandit néanmoins au contact des images, grâce à son père, grand passionné du 8e art. « 6000 négatifs ont d’ailleurs été retrouvés dans ses archives », précise Flora Gaal. C’est naturellement que l’artiste commence à capturer Frida Kahlo. Un geste qui devient rapidement une série de portraits intimes, spontanés, révélant la vulnérabilité de la peintre mexicaine.
Plonger dans l’intimité de Frida
« Les tirages ont été réalisés quarante à cinquante ans après les prises de vue, qui elles datent des années 1932 à 1938 »,
précise la galeriste. Une collection précieuse, retrouvée grâce à la petite fille de la photographe. « J’ai eu la chance de visiter l’exposition Frida Kahlo Appearances can be deceiving à New York et d’y admirer des dizaines de photographies, dont un délicat portrait, réalisé par Lucienne Bloch. (…) Quelques jours plus tard, je croisais à nouveau cette photo alors que j’exposais au salon AIPAD, toujours à New York, sur le stand d’un confrère, j’ai ainsi pu m’offrir ce merveilleux tirage (…) que j’ai décidé de montrer sur Instagram en trouvant le tag @LucienneBloch. Quelques heures plus tard, je recevais un message de sa petite fille, me remerciant de mon post ! », raconte Julia Gragnon, directrice de la galerie, en guise d’introduction à l’exposition Le regard d’un artiste.
Par l’intermédiaire du réseau social, les deux femmes commencent à échanger, à imaginer un événement capable de plonger le public dans l’intimité de Frida. Il y a dans les clichés exposés à la Galerie de l’Instant, une candeur émouvante, une honnêteté qui transparaît des cadres. Face à l’objectif de son ami, Frida ne joue pas de rôle, ne cherche pas à se mettre en scène. Elle lui révèle, avec une confiance extrême, sa vulnérabilité, sa souffrance. Excursions urbaines, portraits en intérieur, baisers échangés avec Diego Rivera… Chaque image fige un instant éphémère, aussi anodin qu’essentiel pour comprendre un tel personnage. « L’image la plus appréciée du public ? Celle où la peintre prend un bébé dans ses bras », confie Flora Gaal. Un cliché doux-amer rappelant que bien que Frida soit parfois considérée comme une surréaliste, elle « ne peint pas [s]es rêves, mais bien [s]a réalité ».
Le regard d’une artiste, Frida Kahlo par Lucienne Bloch
Jusqu’au 14 mars 2021
Galerie de l’Instant, 46 Rue de Poitou, Paris 3e
© Lucienne Bloch / Courtesy Galerie de l’Instant