Gilles Massot : le danseur de l’image

07 mars 2023   •  
Écrit par Costanza Spina
Gilles Massot : le danseur de l'image
La Fondation Manuel Rivera-Ortiz d’Arles dédie une rétrospective exceptionnelle à Gilles Massot, le photographe danseur qui a sublimé les notions d’espace et de temps dans le cadrage. L’Espace entre les choses est aussi une réflexion sur la fabrication de l’image, son processus de développement et ses détournements possibles. L’exposition est ouverte jusqu’au 28 mai.

« Un voyage est un processus. Il commence par le mystère et l’incertitude. Les noms de la carte ne sont que cela, des noms. La route et l’escale restent incertaines. On peut planifier et organiser. Si l’on en fait trop, on risque de se heurter à des changements déstabilisants et, surtout, de fermer la porte à de merveilleux événements inattendus. » Avant d’être photographe, Gilles Massot, auteur de ces lignes, est un grand voyageur. Installé à Singapour depuis 1981, où il a enseigné au LASALLE – College of the Arts, il participe activement à la vie photographique locale. Dans les années 1990, il vit entre l’Europe et l’Asie et donne vie à une cinquantaine d’expositions. Cette existence nourrit son art, dont la quête principale est celle du temps et de l’espace.

Architecte de formation, Gilles Massot élabore un langage photographique hybride et iconoclaste, qui aborde le 8e art comme un objet autour duquel broder, une toile qu’il faudrait mettre en relation avec des supports pluriels. Ainsi, dans ses images foisonnantes, se côtoient harmonieusement dessin, photographie, collage et coloriage. Avec la rétrospective L’espace entre les choses, La Fondation Manuel Rivera-Ortiz à Arles rend hommage à cet artiste protéiforme en suivant comme fil rouge son rapport complexe au temps et à l’espace. Et s’il s’intéresse à ces deux éléments, Gilles Massot cherche avant tout à s’en émanciper. Danseur, il joue avec les dimensions spatio-temporelles pour créer une réalité fluide où les frontières sautent et les médiums se mélangent joyeusement.

© Gilles Massot© Gilles Massot

La danse comme outil pour sortir du cadre

Gilles Massot parvient, dans ses images, à saisir l’élégance du moment. Les émotions s’entremêlent et véhiculent des récits pluriels qui se croisent et donnent lieu à un rythme bien particulier. Par la pratique de la danse – qu’il arrive à transposer à la photographie – Gilles Massot laisse libre cours à sa musique intérieure. La discipline s’impose aussi comme un moyen d’envisager ce qui existe au-delà du cadre d’une image. Elle permet de jouer avec le temps et l’espace, le rythme et le mouvement. Depuis les années 1970, l’auteur n’a eu de cesse de faire dialoguer ces notions en puisant dans plusieurs techniques artistiques. Time Frame, l’une de ses premières séries, marque d’ailleurs le début de l’exploration des relations entre la photographie, la peinture, le temps et l’espace.

Ce qui déborde du cadre fait partie intégrante de ses clichés, souvent interprétés comme des propositions de mondes alternatifs et de réalités cachées. Par ses images, Gilles Massot conduit une véritable enquête sur le processus photographique et questionne notre rapport à l’image, à la création et à la perception de celle-ci. Rentrer dans son univers, c’est s’engager dans une balade où les formes changent en permanence, mais où le propos demeure constant et entêtant. « Pour avoir une existence physique, les choses doivent se transformer, aller d’un endroit à un autre, d’un état à un autre. C’est le voyage qui compte, pas la destination. C’est le récit inévitable de la transformation constante du monde qui induit l’illusion du temps, et non le temps qui induit le récit… », expliquait l’artiste dans une interview du Petit journal. « Danseur, il porte son énergie vers un ailleurs, sans frontières, tout en étant cadré par la grille du monde, notamment à travers ses études d’architecture, conclut le commissaire de l’exposition Florent Basiletti. La danse offre des intervalles comme le cadran du temps et de l’espace et permet d’ajuster le flux vital qui lient les êtres et fait ressentir les choses. »

© Gilles Massot

© Gilles Massot © Gilles Massot © Gilles Massot © Gilles Massot

 

© Gilles Massot

Explorez
Flore Prébay : De deuil et de papier
Iceberg, de la série Deuil blanc © Flore Prébay
Flore Prébay : De deuil et de papier
Du 16 octobre au 30 novembre 2025, la Fisheye Gallery présente Deuil blanc, de Flore Prébay, dans le cadre des Rencontres photographiques...
09 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Polaraki : une collection de polaroids d'Araki sort d'un appartement parisien
Sans titre, Araki Nobuyoshi 1990 -2024 © Nobuyoshi Araki © Musée Guimet, Paris, Nicolas Fussler
Polaraki : une collection de polaroids d’Araki sort d’un appartement parisien
Jusqu'au 12 janvier 2026, le musée des arts asiatiques - Guimet accueille une collection foisonnant de polaroids, issue de l’œuvre du...
06 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #561 : Julie Brochard et Anna Prudhomme
© Anna Prudhomme
Les coups de cœur #561 : Julie Brochard et Anna Prudhomme
Julie Brochard et Anna Prudhomme, nos coups de cœur de la semaine, ont puisé l’inspiration dans la maison de leurs grands-parents. La...
06 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Grace Land : Nick Prideaux transcrit son expérience de la perte
© Nick Prideaux
Grace Land : Nick Prideaux transcrit son expérience de la perte
Dans le cadre d’une résidence artistique à la Maison de la Chapelle, au cœur de la Provence, Nick Prideaux a imaginé Grace Land. À...
04 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 6 octobre 2025 : expositions automnales
Éphémère, de la série Deuil blanc © Flore Prébay
Les images de la semaine du 6 octobre 2025 : expositions automnales
C’est l’heure du récap ! À l’approche des vacances de la Toussaint, les pages de Fisheye vous dévoilent de nouvelles expositions à...
Il y a 5 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Jeu de Paume : Luc Delahaye, le monde en suspens
© Luc Delahaye
Jeu de Paume : Luc Delahaye, le monde en suspens
Luc Delahaye, ancien grand reporter devenu artiste, transforme le regard documentaire en une méditation silencieuse sur le monde. De ses...
11 octobre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Voyage au centre de la terre brésilienne
Périphérie de São Paulo, 2020 @Vincent Catala
Voyage au centre de la terre brésilienne
Comment représenter un pays de façon juste et nuancée, loin des clichés véhiculés autour de ce dernier ? L’impressionnant Île-Brésil de...
10 octobre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Prix Photographie & Sciences : Julien Lombardi et Richard Pak exposent à la Villa Pérochon
Inframundo, de la série Planeta, 2024 © Julien Lombardi
Prix Photographie & Sciences : Julien Lombardi et Richard Pak exposent à la Villa Pérochon
Du 11 octobre 2025 au 21 février 2026, la Villa Pérochon devient théâtre de sciences, présentant les travaux de Julien Lombardi, lauréat...
10 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger