Hamid Blad

23 juillet 2015   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Hamid Blad
Hamid Blad est un photographe français autodidacte. Ce qu’il aime, c’est aborder principalement ses sujets à travers le portrait. Il se questionne et nous pousse également à s’interroger sur les apparences. L’une de ses dernières séries, “Cindy” est composée à partir d’anciens négatifs récupérés. C’est une réflexion sur l’identité.

Fisheye: Comment es-tu devenu photographe ?

Hamid Blad :

Je suis arrivé sur le marché de la photographie assez tardivement. J’ai commencé en tant qu’amateur. Et il y a cinq ans, je me suis professionnalisé. J’ai trouvé une écriture et une identité photographique. Ce que je fais aujourd’hui me permet de payer mes dépenses. Je vis de ma passion.

Peux-tu nous parler de ta démarche ?

Je suis devenu photographe, mais la réalité c’est que je ne prends même pas de photo. Je récupère celles des autres et je leur donne une orientation, un nouveau sens. Cela me plaît beaucoup de pouvoir réutiliser un produit, de lui donner une autre signification, une autre lecture…

Photo extraite de la série "Cindy" / © Hamid Blad
Photo extraite de la série “Cindy” / © Hamid Blad

Où as-tu trouvé ces photos ?

Ce sont des négatifs que j’ai chinés et récupérés dans un studio photo en Suisse, il y a peut-être quatre ou cinq ans. L’idée c’est de réfléchir sur l’identité et sur tout ce qui est du domaine de l’apparence. J’aime le fait de pouvoir troubler le spectateur.

Photo extraite de la série "Cindy" / © Hamid Blad
Photo extraite de la série “Cindy” / © Hamid Blad

Comment t’est venue cette idée de récupérer des négatifs ?

Ce qui me plaît, c’est de récupérer un objet qui ne m’appartient pas et de pouvoir m’en servir comme base de travail. Il y a ce côté mystérieux aussi de l’image d’archive[ndlr: les personnes photographiées sont anonymes], ces négatifs sont d’une autre époque. En fait ce qui a m’a motivé, c’est de jouer sur ces figures figées et d’étonner le spectateur : « Tiens, ce photographe a fait ça, mais non en réalité ce n’est pas lui ». Puis récupérer une photo, c’est acquérir une pièce unique comme un tableau.

Comment t’est venue l’idée de les superposer ?

J’étais chez moi, dans mon atelier. J’ai commencé à les regarder et puis je me suis dit : « Tiens je vais essayer de les assembler». Le résultat était très bien. J’ai mis un mois pour sortir la série. J’ai fait plusieurs propositions, plusieurs essais… Les photos qui me servent de matière première ont toutes été prises dans un studio suisse, donc il y a les mêmes orientations au niveau des visages et des regards. Je les ai mises volontairement sur un papier assez transparent, comme une image latente. Cela donne l’impression que c’est le portrait est en train de se révéler, qu’il n’est pas encore fini, qu’il est invisible.

Je mélange aussi les genres. Sur certaines images, on ne sait plus si l’on regarde un homme ou une femme. Vulgairement, je pousse un peu la chose. Je laisse les plans films où l’on peut y voir des références, des numéros. Cela permet de montrer que ce n’est pas une photo retouchée. Enfin dans cette série on ne voit jamais clairement Cindy, le personnage principal. Il n’y a que moi qui peux le voir. Je me suis demandé si je devais la montrer. J’ai préféré ne pas le faire.

Cindy 140302-04_1-fisheyelemagCindy 140302-05_1-fisheyelemagCindy 140302-06_1-fisheyelemagCindy 140302-07_1-fisheyelemagCindy 140302-08_1-fisheyelemagCindy 140302-10_1-fisheyelemagCindy 140302-11_1-fisheyelemagCindy 140302-12_1-fisheyelemagCindy 140302-13_1-fisheyelemagCindy 140302-14_1-fisheyelemagCindy 140302-15_1-fisheyelemag

Est-ce que l’on découvrira un jour le visage de ce mystérieux personnage ?

On me pose souvent la question. Pour l’instant, la photo est rangée chez moi dans un tiroir. Je l’ai mise de côté car c’est un peu la pièce maîtresse de travail. Après, chacun peut se le créer lui-même.

Pourquoi l’avoir nommé « Cindy » si il ou elle n’a pas de genre particulier ?

Je l’ai nommé Cindy en référence à Cindy Sherman. Son travail m’inspire beaucoup puisqu’elle aussi travaille sur la métamorphose. C’est une photographe avec un parcours très riche qui se questionne énormément sur les apparences.

Quel message essaies-tu de faire passer à travers cette série ?

C’est de me mettre le spectateur face à une réalité: notre capacité à pouvoir s’accommoder à notre entourage. Il doit pouvoir se poser ces questions: Qui est cette personne ? Qui est derrière ? Est-ce un homme ou une femme ? Nous changeons d’apparence tous les jours, en nous adaptant aux gens. L’image qu’elle soit réelle ou non n’est pas toujours figée.

Photo extraite de la série "Cindy" / © Hamid Blad
Photo extraite de la série “Cindy” / © Hamid Blad

Tu sembles apprécier tout ce qui est ancien. Tu as l’air assez nostalgique…

C’est vrai. Dans le regard de ces portraits aussi, il y a une nostalgie. “Cindy” permet justement de se retrouver dans un passé que l’on n’a pas connu. Le fait de récupérer des images, ça me plaît encore plus. Je pense que demain le photographe ne fera plus de photo, puisqu’aujourd’hui elles inondent le web: il est facile de les récupérer et de ses les approprier, de leur donner un nouveau sens…Dans cette série il y a beaucoup d’imperfections. Ce n’est pas lisse, ce n’est pas parfait et cela me convient parfaitement. En faisant de la récupération, j’ai un support où je peux gratter, travailler et je sais que je ne pourrai plus revenir en arrière.

Explorez
Simen Lambrecht donne vie à la mort
© Simen Lambrecht
Simen Lambrecht donne vie à la mort
À travers un livre en devenir, le photographe flamand Simen Lambrecht, désormais installé à Berlin, fait perdurer la mémoire de sa...
02 mai 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Prix Mentor : Au hasard des rencontres
Heidie et Gaëtan. © Émeline Sauser
Prix Mentor : Au hasard des rencontres
Grande gagnante de la finale du prix Mentor à Paris en décembre dernier, Émeline Sauser est de nouveau sur les routes pour poursuivre sa...
01 mai 2025   •  
Écrit par Gwénaëlle Fliti
Focus #77 : La dysmorphophobie vue par Flore Prébay
05:16
Focus #77 : La dysmorphophobie vue par Flore Prébay
Après une pause bien méritée, Focus revient, ce mois-ci, avec un épisode dédié à Flore Prébay et sa série Illusion. Un travail pictural à...
30 avril 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Les coups de cœur #541 : Julie Charbonnier et Melina Barberi
© Julie Charbonnier
Les coups de cœur #541 : Julie Charbonnier et Melina Barberi
Julie Charbonnier et Melina Barberi, nos coups de cœur de la semaine, nous plongent dans deux univers distincts. La première revient sur...
28 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Simen Lambrecht donne vie à la mort
© Simen Lambrecht
Simen Lambrecht donne vie à la mort
À travers un livre en devenir, le photographe flamand Simen Lambrecht, désormais installé à Berlin, fait perdurer la mémoire de sa...
02 mai 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Bienal’25 Fotografia do Porto : bâtir dès maintenant le monde de demain
© Claudia Andujar & A Luta Yanomami
Bienal’25 Fotografia do Porto : bâtir dès maintenant le monde de demain
La Bienal’25 Fotografia do Porto se tiendra du 15 mai au 29 juillet prochain. Cette année, la thématique « Tomorrow Today » traverse les...
01 mai 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Prix Mentor : Au hasard des rencontres
Heidie et Gaëtan. © Émeline Sauser
Prix Mentor : Au hasard des rencontres
Grande gagnante de la finale du prix Mentor à Paris en décembre dernier, Émeline Sauser est de nouveau sur les routes pour poursuivre sa...
01 mai 2025   •  
Écrit par Gwénaëlle Fliti
Focus #77 : La dysmorphophobie vue par Flore Prébay
05:16
Focus #77 : La dysmorphophobie vue par Flore Prébay
Après une pause bien méritée, Focus revient, ce mois-ci, avec un épisode dédié à Flore Prébay et sa série Illusion. Un travail pictural à...
30 avril 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas