Historienne de l’art, conservatrice du patrimoine et commissaire d’expositions, Héloïse Conésa a rejoint la Bibliothèque nationale de France en 2014. Elle y est chargée de la collection de photographie contemporaine au département des estampes et de la photographie. Portrait d’une spécialiste bienveillante. Cet article à est à retrouver dans notre dernier numéro.
« Always look on the bright side of life. »(« Il faut toujours regarder la vie du bon côté. »)
Rien de mieux que cette formule des Monty Python pour rendre compte de l’optimisme d’Héloïse Conésa. C’est elle qui, durant notre entrevue de juillet, lance la référence. Au bout du dédale de la Bibliothèque nationale de France (BnF), dans un bureau assez commun, s’amoncellent livres, dossiers et reproductions de photos. Aucun doute, nous voilà dans le bureau d’une conservatrice passionnée. « Dans notre monde, c’est essentiel de savoir regarder, bien re- garder, et décrypter le sens d’une image », affirme-t-elle alors qu’elle revient rapidement sur son parcours.
Une trajectoire amorcée au sein d’un terreau familial fertile, puis jalonnée par des rencontres marquantes. Un père historien de l’art – spécialisé dans les avant-gardes – et une mère professeure de lettres. Il lui a fallu choisir. « La photographie m’intéressait dans son rapport à la littérature, se souvient-elle. Il y a une proximité dans le rapport qu’entretiennent les deux disciplines au réel. » Au cours de cet itinéraire assumé, elle compte plusieurs guides. Alors qu’elle s’approche de la majorité, dans les années 2000, François Cheval lui fait visiter le musée Nicéphore Niépce qu’il dirige à l’époque, et ses collections. Un stage au cabinet de la photographie du centre Pompidou en 2008 auprès de Quentin Bajac et Clément Chéroux la conforte dans sa vocation.
Mario Giacomelli, Je n’ai pas de main qui me caresse le visage / © BnF – Département des Estampes et de la photographie © Archivio Mario Giacomelli – Simone Giacomelli
Son autre mentor ? L’historien de la photographie Michel Poivert. C’était bien plus tard : elle était diplômée et venait de terminer ses épreuves du concours de conservateur du patrimoine. « Il a lui aussi été bienveillant, et accessible. Et pour l’anecdote, il a accepté d’être mon directeur de thèse, en précisant : “Je vous souhaite tout de même de réussir le concours, parce que la recherche en photo, c’est vraiment encombré.” » Elle a aussi dialogué avec Joan Fontcuberta à l’occasion de son mémoire de master. Le photographe espagnol a notamment signé un autoportrait sur un vélo qui, selon Héloïse Conésa, résume le pouvoir de la photographie. « Cette image m’a hantée un certain temps, notamment durant ma thèse sur la photographie post-franquisme – “La photographie espagnole contemporaine de 1970 à 2010: miroir d’un pays en quête d’identité”. On ne décèle pas directement l’absence des jambes sur la photo mais on sent qu’il y a quelque chose d’étrange. Cette image m’a happée, car elle rend compte de la complexité du réel, tout en concentrant une part de fiction irréductible. Et puis la dimension
politique évidemment : alors que la dictature franquiste avait instrumentalisé la photo pour construire une fiction oppressante, Joan Fontcuberta a prouvé qu’il était possible de développer une fiction libératrice. »
Après cinq ans au sein du Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, elle rejoint, en 2014, la BnF en tant que conservatrice du patrimoine, en charge de la collection de photographie contemporaine au département des estampes et de la photographie. Dans la continuation de Jean-Claude Lemagny (responsable des collections de photographies de 1968 à 1996), elle valorise et veille à la bonne conservation de la collection. Autrement dit, elle recueille les dépôts légaux et les donations, et procède à des acquisitions. Elle enrichit ainsi un ensemble de plus de six millions d’images dont les auteur·es sont pour la majorité français, américains et japonais. « La photographie d’Amérique latine (brésilienne et mexicaine notamment), et provenant des pays du Maghreb et d’Asie du Sud-Est constitue des axes d’acquisition renforcés », complète Héloïse Conésa. En parallèle, elle organise des expositions. On pense bien évidemment aux Paysages français. Une aventure photographique 1984-2017 (2017) ou à Josef Koudelka. Ruines (2020) – deux succès publics – ou à l’exposition Noir et Blanc. Une esthétique de la photographie, accueillie au Grand Palais et démontée avant que le public ne puisse l’apprécier – mais qui se dévoilera finalement à l’automne 2023 sur les murs de la BnF.
Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #49, disponible ici.
Héloïse Conésa © Marie Rouge