« Il ne faut pas associer la réussite économique de son travail à sa réussite artistique »

12 novembre 2015   •  
Écrit par Fisheye Magazine
"Il ne faut pas associer la réussite économique de son travail à sa réussite artistique"
Il y a un an, Cédric Delsaux nous accordait une interview pour parler de sa série “Zone de repli”. Aujourd’hui, elle est exposée à Paris Photo par la galerie East Wing et a donné lieu à un bel ouvrage publié chez Xavier Barral.

Fisheye : Bonjour Cédric ! C’est ta première fois à Paris Photo ?

Cédric Delsaux : Bonjour ! Non ce n’est pas une première. Ma série Dark Lens a déjà été exposée une ou deux fois. La première fois, en 2009, j’avais simplement présenté un portfolio qui s’est fait remarquer auprès des bonnes personnes. Deux ans plus tard, je pouvais exposer à la MEP. Donc c’est assez dingue, l’impact de Paris Photo sur une carrière de photographe. C’est aussi très étrange.

Pourquoi ?

Et bien ça va trop loin et c’est un peu cliché – pourtant bien vrai : il y a énormément d’enjeux à Paris Photo. Tout le monde est là et se regarde un peu en chien de faïence. Et l’année se joue durant cette évènement.

Ce doit être excitant, non ?

Au début, quand tu commences et que tu es un jeune photographe, tu y accordes énormément d’importance parce qu’il faut saisir sa chance pour percer et pouvoir continuer. Après, on s’aperçoit que c’est un jeu que l’on maîtrise mal et que l’on ne maîtrisera jamais. C’est aussi un peu un jeu de dupe et il ne faut pas y accorder plus d’importance que ça – dans le succès ou pas. Il faudrait réussir à s’en foutre en fait !

Pour quelle raison ?

Parce que ce n’est pas le sujet. Le marché de la photo n’est qu’un marché purement économique dont l’objectif, c’est bien de vendre. Mais j’espère que l’on n’est pas que ça. Je trouve plus sain de rien n’espérer financièrement de son travail personnel. Pour être plus clair, je trouve qu’il ne faut pas associer la réussite économique de son travail à sa réussite artistique. En tant que photographe, je n’aime pas m’éterniser là-dessus. Je préfère que l’on s’intéresse au fond.

Justement, parlons du fond ! Pourquoi es-tu devenu photographe ?

Je n’ai pas choisi d’être photographe, ça c’est fait presque malgré moi dans le sens où j’ai bien essayé d’aller ailleurs mais je suis toujours retombé dans la photo. Disons que c’est un vieux rêve d’ado d’être photographe. Et pendant longtemps on m’a convaincu et je me suis convaincu que ce n’était pas vraiment un métier, qu’il valait mieux faire autre chose… Seulement je n’ai pas réussi à faire autre chose. Et c’est assez tard, à 28 ans, que je suis devenu photographe professionnel.

Est-ce que tu te souviens de ta première photo ?

C’était en CM1, en 1983, durant un voyage de classe – au Croisic précisément ! Ma mère m’avait acheté un appareil de douze poses avec flash. C’est la toute première pellicule que j’ai fait développer. Je me rappelle que j’ai été surpris de voir les photos une fois tirées. Je ne comprenais tellement pas comment ça marchait ce truc… Le déclic a eu lieu quelques années plus tard, à 13 ans. J’étais en Turquie… Le souvenir est vraiment très net : il y avait cette petite diode rouge lumineuse qui s’affichait, il fallait choisir le diaphragme. Mon père m’avait expliqué très rapidement la prise en main. Ça m’a paru tout de suite évident. C’était facile, c’était chez moi. J’ai donc pris l’appareil et je ne l’ai plus lâché.

Qu’est-ce qui t’inspire ?

La littérature. Elle m’a fait prendre conscience que personne n’est dans le réel, qu’il y a une distance entre le réel et nous. C’est à chacun d’explorer cette distance. Or la photographie a plutôt tendance à exprimer l’inverse, en figeant la réalité. Moi j’avais cette envie de photos, d’images. L’écrivain tente de reconstruire le monde à travers la fiction : j’ai ce même objectif à travers la photo. C’est ce qui m’a construit.

[Retrouvez notre live de Paris Photo par ICI]

Propos recueillis par Marie Moglia

En (sa)voir plus

→ Découvrez la série “Zone de repli” à Paris Photo ou sur le site de Cédric : www.cedricdelsaux.com

→ Retrouvez l’interview qu’il nous avait accordé il y a un an ICI.

Explorez
Sarah Bahbah : écran d’intimité
© Sarah Bahbah
Sarah Bahbah : écran d’intimité
Sarah Bahbah a imaginé Can I Come In?, un format immersif à la croisée du podcast, du film et du documentaire. Dans les six épisodes qui...
18 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les missives intimes de Julian Slagman
A Bread with a Sturdy Crust, de la série A Failed Attempt to Photograph Reality © Julian Slagman
Les missives intimes de Julian Slagman
Avec A Failed Attempt to Photograph Reality Julian Slagman compose des lettres personnelles qui mêlent des images monochromes et des...
17 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #537 : bandes de copines
© Natural Johnson / Instagram
La sélection Instagram #537 : bandes de copines
Dans notre sélection Instagram de la semaine, les artistes célèbrent l’amitié féminine et la sororité. Sur leurs photographies, des...
16 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Extrême Hôtel : voyage dans l’œuvre intime et colorée de Raymond Depardon
Italie, Sicile, Taormine, 1981 © Raymond Depardon / Magnum Photos
Extrême Hôtel : voyage dans l’œuvre intime et colorée de Raymond Depardon
Après huit mois de travaux pour rénovation, le Pavillon populaire de Montpellier rouvre ses portes. À cette occasion, le musée...
10 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 15 décembre 2025 : hommage, copines et cartes postales
© Ashley Bourne
Les images de la semaine du 15 décembre 2025 : hommage, copines et cartes postales
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, nous rendons hommage à Martin Parr, vous dévoilons des projets traversés par l’énergie d’une...
21 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Chad Unger, feu tranquille
© Chad Unger
Chad Unger, feu tranquille
Chad Unger est l’auteur de la série au titre étrange et poétique Fire Barked At Eternity – littéralement « le feu aboya à l’éternité »....
20 décembre 2025   •  
Écrit par Milena III
4 livres à offrir à Noël : partons en vadrouille
American Album © Eloïse Labarbe-Lafon
4 livres à offrir à Noël : partons en vadrouille
Noël approche. À cette occasion, la rédaction de Fisheye vous concocte des sélections de ses livres photo préférés, que vous...
19 décembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Sarah Bahbah : écran d’intimité
© Sarah Bahbah
Sarah Bahbah : écran d’intimité
Sarah Bahbah a imaginé Can I Come In?, un format immersif à la croisée du podcast, du film et du documentaire. Dans les six épisodes qui...
18 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet