Retour sur les auteures présentées dans le cadre du parcours digital dédié aux femmes photographes Elles X Paris Photo. Alejandra Laviada développe une œuvre expérimentale, explorant les relations entre les différentes formes d’art – de la peinture à la sculpture en passant par la photographie.
Fisheye : Qu’est-ce qui vous a amenée à la photographie ? Vous définissez-vous comme photographe ?
Alejandra Laviada : J’ai débuté ma carrière en tant que peintre, mais la photographie a pris, au fil du temps, une place plus importante. Elle m’aide à mieux laisser parler ma créativité. Je me considère à la fois comme une photographe et une artiste, mais je pense que mon travail s’apparente parfois davantage à l’art contemporain qu’à la photographie traditionnelle.
Quels sont vos engagements dans votre pratique photographique ?
La relation entre photographie et sculpture a toujours été l’un des thèmes centraux de ma pratique. Dans chaque projet, je cherche de nouvelles manières de développer cette relation. La sculpture et la photographie ont toujours été liées, et j’aime interroger et redéfinir le rôle du 8e art dans ce contexte. Une image peut être lue comme une sculpture, des objets ordinaires peuvent être transformés ou perçus différemment grâce à un cliché. Et une photo d’une sculpture peut devenir autre chose qu’un simple document.
Je souhaite réaliser des images qui ne peuvent pas être rangées dans une seule catégorie, mais qui peuvent être vues comme des photographies, des sculptures ou des peintures. Le medium photographique évolue actuellement et prend de nouvelles directions, et je crois que l’une de ses plus grandes forces provient de son dialogue avec les autres disciplines artistiques. J’aime créer des œuvres qui émergent de ces dialogues. Mes études de peinture ont considérablement influencé mon approche de la photo. Je vois le 8e art comme une toile blanche et j’essaie de créer des images qui transcendent la nature “représentative” de la photo.
Est-il légitime de parler d’un regard de femme dans la photographie ? Vous sentez-vous concernée ?
Il est tout à fait pertinent de parler d’un regard de femme dans la photographie, mais je crois que celui-ci s’apparente davantage au portrait. Cependant, on a tendance à appliquer différentes étiquettes à un travail, et cela ne signifie pas vraiment que ce travail correspond à ces étiquettes, ni qu’il s’agissait de l’intention de l’artiste.
Je n’ai pas la sensation que cette notion de regard de femme concerne mon travail. Je préfère me focaliser sur les objets, et les concepts sculpturaux.
Est-ce que votre statut de femme a/a eu une influence sur votre statut d’artiste ?
Je ne pense pas qu’être une femme ait influencé mon statut d’artiste. Ce statut peut engendrer certaines limitations, il est vrai. Parfois, les femmes sont plus exposées ou vulnérables dans certaines situations – travailler à Mexico, par exemple.
Concernant l’exposition des travaux de femmes, on ne peut nier qu’il y a moins de femmes artistes présentées dans les galeries et musées. Je ne comprends pas pourquoi cela continue d’être le cas. J’ai toujours pensé qu’un travail devait se suffire à lui-même, peu importe le genre, la nationalité ou le passé d’un ou d’une artiste, mais je sais bien que ce n’est pas réaliste.
Vivez-vous de votre art ?
Si seulement ! J’en suis à un point où je réinvestis tout pour réaliser de nouveaux travaux. J’ai différentes sources de revenus qui m’aident à rester indépendante et j’espère qu’un jour cet équilibre changera. Mais, dans un monde en pleine crise, au sein d’un domaine – l’art – sur le point de s’effondrer, je crains que cela n’arrive pas.
Quels sont les auteur(e)s qui vous inspirent ? Parmi eux/elles, y a-t-il des femmes photographes ?
Les écrits de Robert Smithson ont toujours influencé mes œuvres. Mais, récemment, j’ai redécouvert les travaux d’Hilma af Klint, Louise Bourgeois et Annie Albers.
J’ai également une longue liste de photographes en tête. Parmi eux : Vivian Sassen, Michael Wolf, László Moholy-Nagy, Wolfgang Tillmans, Anna Atkins, ainsi que ma photographe mexicaine préférée, Graciela Iturbide.
© Alejandra Laviada / Courtesy Galerie Bendana Pinel