« J’ai commencé In Retrospect en 2017, alors que j’étudiais la matérialité de la photographie. J’ai imprimé plusieurs centaines d’images en différentes tailles et j’ai multiplié les expérimentations. Je voulais voir comment le sujet et la signification de l’image allaient « réagir ». J’ai alors entrevu beaucoup d’absence dans ces tirages. Ce travail s’est transformé en une automéditation au cours de laquelle j’ai interrogé ma relation avec le passé et la mémoire », se souvient Jiayue Yu, une artiste visuelle installée à Shanghai, en Chine. L’expérimentation ne s’est pas arrêtée là. Elle a ensuite imprimé des photographies grandeur nature représentant des instants personnels importants, et telle une actrice, elle s’y est mise en scène. Le conflit, la perte, la distance ou encore l’absence… C’est tout cela que l’artiste étudie à travers ses créations. Mais il est surtout question de liens, physiques comme émotionnels. « Je suis obsédée par la complexité et la variété des émotions humaines. Et j’ai recours aux images pour tenter de décrire ces sentiments et ces états qui sont, justement, indescriptibles », confie-t-elle. Comment matérialiser ce qu’on peine à comprendre ? Comment se réconcilie-t-on avec son passé ? Faut-il se (re)plonger dans tous ses souvenirs ? L’auteure évite de romancer ses disparitions et ne souhaite pas développer une écriture qui se voudrait « trop sentimentale ». Elle préfère les gestes aux paroles, c’est d’ailleurs ainsi qu’elle communique avec l’extérieur. « Les mains sont capables de livrer autant d’informations que les mots ou même les expressions du visage. Le geste est plus efficace et plus vivant ». Nul besoin de trop s’introspecter. Jiayue Yu a bien raison : un geste, bien souvent, vaut mille mots.
© Jiayue Yu