La « classe » ouvrière

04 janvier 2016   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La "classe" ouvrière
Une styliste et un photographe britanniques ont sublimé les habitants d’un ex-village minier au Pays de Galles dans une série très touchante. Par Hélène Rocco

Documenter la classe ouvrière autrement, c’était l’ambition du photographe Tom Johnson et de la styliste Charlotte James. Au sud du pays de Galles au Royaume-Uni se trouve le village de Merthyr Tydfil, célèbre pour son soulèvement populaire (en anglais “Merthyr rising”) en 1831. Cet événement violent a terni l’image de cet ancien village minier. La série Merthyr Rising redore son blason en habillant les habitants avec des pièces de haute-couture.

Photo de mode ou étude sociologique, le projet réussit parfaitement son pari et fait découvrir au spectateur la beauté d’une ville marquée par le déclin industriel et de ses personnages haut en couleur. Pour Fisheye, le photographe a accepté d’en dire plus sur sa très belle série.

FISHEYE / Comment as-tu eu l’idée de ce projet ? Tu as toi-même grandi à Merthyr Tydfil ?

Tom: Non pas du tout. J’ai grandi à la campagne dans l’Oxfordshire en Angleterre. L’idée vient de la styliste Charlotte James. Elle est venue me voir avec l’envie de casser les clichés sur son village natal: Merthyr Tydfil. Durant l’été 2015, nous nous sommes rendus à Merthyr où nous logions chez ses grands-parents. La plupart des personnes que j’ai photographiées sont des proches de Charlotte. Les autres sont des passants et des gens qui nous ont contacté sur les réseaux sociaux. La ville a une histoire très riche et la communauté est unie. On y rencontre de vrais personnages.

Photo extraite de la série "Merthyr Rising" / © Tom Johnson
Photo extraite de la série “Merthyr Rising” / © Tom Johnson

Il est intéressant de voir comment tu mêles photo de mode et approche sociologique dans ton projet…

La mode est pour moi une manière de créer des images, un univers, ce que je ne peux pas faire avec de la photo documentaire. Les deux domaines m’intéressent lorsqu’ils se mélangent. Les frontières sont de plus en plus floues. Je souhaite utiliser la mode pour rendre mes photos plus intéressantes et plus authentiques. Quand je prévois un shooting, j’essaye de trouver une narration qui correspond aux centres d’intérêt des sujets ou à leur personnalité. Je veux transcender la photo de mode. Ce que j’adore, c’est témoigner de la vie des gens.

Photo extraite de la série "Merthyr Rising" / © Tom Johnson
Photo extraite de la série “Merthyr Rising” / © Tom Johnson

Qu’est-ce que t’as apporté la photo ?

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu partir vivre dans une grande ville. Je voulais échapper à la banalité de mon foyer. À l’âge de 16 ans, j’ai compris que n’étais bon ni en dessin, ni en peinture. J’ai pris un boitier et j’ai commencé à photographier des concerts auquel j’allais et les personnes que je croisais. C’était une super façon de découvrir des gens intéressants. Durant les années qui ont suivies, je me suis jeté sur toutes les occasions d’utiliser mon appareil photo.

Tu as su que tu voulais en faire ton métier à ce moment-là ?

Après avoir été assistant photo pendant plusieurs années, j’ai entamé une licence de photo mais j’ai arrêté après deux semestres et me suis devenu photographe indépendant. J’ai acheté un vieux camping-car et j’ai voyagé dans tout le Royaume-Uni. Mon appareil me permet d’aborder sereinement des situations dans lesquelles je ne serais pas à l’aise en temps normal. Je suis plutôt timide et la photo est un prétexte à interagir avec les autres.

Photo extraite de la série "Merthyr Rising" / © Tom Johnson
Photo extraite de la série “Merthyr Rising” / © Tom Johnson

Quels sont les artistes qui t’inspirent ?

Je collectionne les livres et j’adore découvrir les photos en taille réelle dans des expos. Il y a toujours des photographes et des artistes vers qui je reviens: Richard Avedon, Diane Arbus, Alec Soth, Katy Grannan. En ce moment, j’aime beaucoup le travail de Jenny Saville.

Tu as de nouveaux projets en tête ?

Non, pendant quelques mois, je vais voyager à l’intérieur du pays sans but réel. Je veux retourner à ce que j’aime faire. Ces derniers temps j’ai été très occupé, j’avais beaucoup de commandes et j’ai aussi fait une expo: tout s’est enchainé. Là, je souffle un peu et je reste ouvert aux projets à long terme.

004566_09Merthyr Rising_fisheyelemag004574_09Merthyr Rising_fisheyelemag1440022956440Merthyr Rising_fisheyelemag1448993916955Merthyr Rising_fisheyelemagMerthyrRising_Finals01Merthyr Rising_fisheyelemagMerthyrRising_Finals02Merthyr Rising_fisheyelemagMerthyrRising_Finals03Merthyr Rising_fisheyelemagMerthyrRising_Finals04Merthyr Rising_fisheyelemagMerthyrRising_Finals10Merthyr Rising_fisheyelemagPaulWhittinghamPylotFinals02Merthyr Rising_fisheyelemagPaulWhittinghamPylotFinals12Merthyr Rising_fisheyelemagTom_img1_editMerthyr Rising_fisheyelemagwindowMerthyr Rising_fisheyelemag

Propos recueillis par Hélène Rocco

En (sa)voir plus

→ Son site web

→ Le site de Charlotte James

→ Son compte Instagram

→ Son compte Twitter

 

Explorez
Jet Siemons : combien de temps faudra‑t‑il pour qu’on m’oublie ? 
© Jet Siemons
Jet Siemons : combien de temps faudra‑t‑il pour qu’on m’oublie ? 
Dans Hannie & Billo – The Trail Project, Jet Siemons retrace la trajectoire d’un couple, Hannie et Billo, à partir d’un album photo...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Le 7 à 9 de Chanel : Valérie Belin et la beauté, cette quête insoluble
© Valérie Belin
Le 7 à 9 de Chanel : Valérie Belin et la beauté, cette quête insoluble
L’heure des rencontres « 7 à 9 de Chanel » au Jeu de Paume a sonné. En cette rentrée, c’est au tour de Valérie Belin, quatrième invitée...
16 septembre 2025   •  
Écrit par Ana Corderot
Couldn’t Care Less de Thomas Lélu et Lee Shulman : un livre à votre image
Couldn't Care Less © Thomas Lélu et Lee Shulman
Couldn’t Care Less de Thomas Lélu et Lee Shulman : un livre à votre image
Sous le soleil arlésien, nous avons rencontré Lee Shulman et Thomas Lélu à l’occasion de la sortie de Couldn’t Care Less. Pour réaliser...
11 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #523 : loup y es-tu ?
© Ecaterina Rusu / Instagram
La sélection Instagram #523 : loup y es-tu ?
Photographier signifie souvent montrer, dévoiler, révéler. Pourtant, il arrive que ce qui se trouve de l’autre côté de l’objectif ne...
09 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
What’s the word? Johannesburg! : L'Afrique du Sud se raconte à la Fondation A
© Afronova Gallery, Alice Mann, Siphithemba Mshengu, 2018.
What’s the word? Johannesburg! : L’Afrique du Sud se raconte à la Fondation A
Accueillie jusqu'au 21 décembre 2025 à la Fondation A, située à Bruxelles, l’exposition What’s the word? Johannesburg! nous présente le...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Jet Siemons : combien de temps faudra‑t‑il pour qu’on m’oublie ? 
© Jet Siemons
Jet Siemons : combien de temps faudra‑t‑il pour qu’on m’oublie ? 
Dans Hannie & Billo – The Trail Project, Jet Siemons retrace la trajectoire d’un couple, Hannie et Billo, à partir d’un album photo...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Ekaterina Perfilieva et l'intime au cœur de la fracture
© Ekaterina Perfilieva, Nocturnal Animals
Ekaterina Perfilieva et l’intime au cœur de la fracture
À la fois distante et profondément engagée, Ekaterina Perfilieva, artiste multidisciplinaire, interroge une contemporanéité...
17 septembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Le 7 à 9 de Chanel : Valérie Belin et la beauté, cette quête insoluble
© Valérie Belin
Le 7 à 9 de Chanel : Valérie Belin et la beauté, cette quête insoluble
L’heure des rencontres « 7 à 9 de Chanel » au Jeu de Paume a sonné. En cette rentrée, c’est au tour de Valérie Belin, quatrième invitée...
16 septembre 2025   •  
Écrit par Ana Corderot