La conquête du divin

24 juin 2022   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La conquête du divin

Avec sa nouvelle série Golden Age, Delphine Diallo revient sur toutes ses thématiques engagées avec comme leitmotiv « la transmutation du corps féminin ». Féministe, historique, spirituelle et thérapeutique, la photographe assume pleinement l’hybridation de son travail.

Cette aventure commence par une rencontre avec Amya, un grand collectionneur d’objets d’art africains des États-Unis. Bouleversé par le travail de Delphine Diallo publié dans le New York Time (mai 2020), il la contacte et lui propose de travailler sur les objets de sa collection privée. « Je suis arrivée dans cet endroit exceptionnel où plus de trois mille objets étaient disposés, rapporte Delphine Diallo. J’étais bouleversée par les choix que j’avais à faire, comme si j’avais accès à un musée. » Ensemble, ils en sélectionnent une vingtaine, la photographe délaissant les objets qui « n’avaient pas l’énergie » qu’elle recherchait.

Connexion spirituelle

avec le collectionneur à propos de l’histoire des pièces choisies, une manière de faire parler le passé et le présent qu’ils recèlent, leurs dimensions corporelles et spirituelles aussi. Une fois en confiance avec ces treize artefacts africains, la photographe les découvre à sa manière et pénètre leur mystère. À travers son regard, les objets se dévoilent et prennent vie. Accompagnée de trois femmes noires représentant trois beautés physiques du continent africain – Soleïta la Congolaise, Oyte l’Érythréenne, et Johanna la Nigériane –, Delphine Diallo amorce, selon ses termes, « la transmutation du divin ». « Chacune représente une reine de chaque pays, et je leur ai demandé de choisir l’objet qu’elles souhaitaient porter en fonction de la connexion qu’elles établissaient avec eux. » L’espace ainsi ouvert accueille une connexion spirituelle, les femmes s’approprient l’objet ressuscité. L’énergie sensible qui émane des portraits ainsi réalisés est pour la photographe un élément de langage et de communication essentiel, car chaque talisman porte en lui un symbole, une signification propre. « Ces objets ont été conçus il y a des siècles pour des objectifs spirituels, des rituels de protection, des rites de passage entre l’adolescence et l’âge adulte, ils avaient un rôle précis. Une fois extraits de leur continent d’origine, ils ont perdu ce rôle. » Pour Delphine et ses amies et modèles, cette transmutation de force et de pouvoir devient essentielle. Une manière de réinjecter vie et immortalité aux objets divins à travers la corporalité des femmes africaines – divines elles-mêmes. « Grâce à mon travail, je redonne vie à ces objets et leur redonne une place dans l’histoire moderne et contemporaine de l’art », analyse la photographe.

© Delphine Diallo

Prise de conscience

Au-delà de cette transmutation, l’artiste nous fait prendre conscience du rôle du corps de la femme noire à travers l’histoire coloniale. « On n’est pas des objets, nous sommes des sujets ! », affirme-t-elle. Ouvrant la conversation avec ses amies et modèles, la photographe replace dans son contexte historique et spirituel les rituels animistes liés aux éléments de la nature et de l’éducation. « Depuis des années mon travail s’est construit autour de la femme et son rapport dans la société. Je me suis concentrée sur la femme noire car j’en suis une, mais aussi parce qu’elle a été très opprimée à travers l’histoire. Aujourd’hui, je souhaite ouvrir le débat en parlant de la perception du corps dans notre société moderne. Il faut qu’on prenne conscience de nos responsabilités, celle des parents, de l’éducation, en termes de culture, et arrêter de promouvoir la femme objet ! » À l’image de ses propos, le collage prend un rôle particulier dans sa nouvelle démarche. Ses thématiques, ses images et ses supports s’hybrident. On retrouve dans ses travaux parfois dix ans d’archives. Une façon de réintégrer ou d’interpréter à nouveau sa vision. En perpétuelle recherche d’une connexion avec l’Univers qu’elle nomme le divin, Delphine Diallo trouve dans la matière cette plénitude. « Si tu arrives à te connecter avec tes émotions, ton coeur s’ouvre beaucoup plus. » Une technique quasi thérapeutique pour l’artiste qui considère le collage comme une forme dans laquelle elle fait vivre son esprit en toute liberté. « Cette forme d’art est pour moi une discussion, une connexion psychologique, une façon de soigner le corps avec la vision. Tout est une question d’impact de la vision sur le mental », conclut l’artiste.

Mercredi 6 juillet de 15 heures à 20 heures, Delphine Diallo réalisera une performance en composant un collage en direct. Elle signera aussi son dernier livre Divine (Hat & Beard Press 60 €, 156 pages). L’occasion de rencontrer l’artiste et de repartir avec une oeuvre ou un livre dédicacé.

Du 04 au 30 septembre

Golden Age, Delphine Diallo

Fisheye Gallery Arles

19, rue Jouvène

© Delphine Diallo

© Delphine Diallo

Explorez
Paris Photo 2025 : les incontournables de cette édition
3 of Cups, de la série This Happened To You, 2025 © Atong Atem, courtesy Mars Gallery
Paris Photo 2025 : les incontournables de cette édition
Pour son édition 2025, la foire internationale Paris Photo transforme une nouvelle fois le Grand Palais en boulevard incontournable du 8e...
14 novembre 2025   •  
Yves Samuel : Objets en résistance
© Yves Samuel courtesy CLAIRbyKhan
Yves Samuel : Objets en résistance
Dix ans après les attentats perpétrés à Paris en novembre 2015, le photographe Yves Samuel publie aux Éditions Fisheye un livre tout en...
13 novembre 2025   •  
Écrit par Eric Karsenty
OPPO x Fisheye : les visions parisiennes d’Emma Birski et Marvin Bonheur 
© Emma Birski
OPPO x Fisheye : les visions parisiennes d’Emma Birski et Marvin Bonheur 
Les 17 et 18 novembre, la Fisheye Gallery accueille l’exposition Paris Non Stop, curaté par Ernicreative et Fisheye, née de la rencontre...
12 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Sandra Eleta, les visages du monde invisible
© Sandra Eleta
Sandra Eleta, les visages du monde invisible
À la Galerie Rouge, jusqu'au 6 décembre 2025, l’exposition de Sandra Eleta révèle un univers où la photographie dépasse le simple...
12 novembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
16 expositions photographiques à découvrir en novembre 2025
Topside III, de la série L’île naufragée, 2022 © Richard Pak
16 expositions photographiques à découvrir en novembre 2025
Pour occuper les journées d'automne, la rédaction de Fisheye a sélectionné une série d'événements photographiques à découvrir à Paris et...
17 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
5 coups de cœur qui sondent la mémoire
© Madalena Georgatou
5 coups de cœur qui sondent la mémoire
Tous les lundis, nous partageons les projets de deux photographes qui ont retenu notre attention dans nos coups de cœur. Cette semaine...
17 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les images de la semaine du 10 novembre 2025 : ébullition photographique 
Berceau de Moïse (Reine de la nuit), Guyane, 2025 © Sylvie Bonnot, courtesy Hangar Gallery, Brussels
Les images de la semaine du 10 novembre 2025 : ébullition photographique 
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les événements photographiques abondent à Paris. Voici un tour d’horizon des festivals, foires et...
16 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
5 événements photo à découvrir ce week-end
© Boby
5 événements photo à découvrir ce week-end
Ça y est, le week-end est là. Si vous prévoyez une sortie culturelle, mais ne savez pas encore où aller, voici cinq événements...
15 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet