Avec sa nouvelle série Golden Age, Delphine Diallo revient sur toutes ses thématiques engagées avec comme leitmotiv « la transmutation du corps féminin ». Féministe, historique, spirituelle et thérapeutique, la photographe assume pleinement l’hybridation de son travail.
Cette aventure commence par une rencontre avec Amya, un grand collectionneur d’objets d’art africains des États-Unis. Bouleversé par le travail de Delphine Diallo publié dans le New York Time (mai 2020), il la contacte et lui propose de travailler sur les objets de sa collection privée. « Je suis arrivée dans cet endroit exceptionnel où plus de trois mille objets étaient disposés, rapporte Delphine Diallo. J’étais bouleversée par les choix que j’avais à faire, comme si j’avais accès à un musée. » Ensemble, ils en sélectionnent une vingtaine, la photographe délaissant les objets qui « n’avaient pas l’énergie » qu’elle recherchait.
Connexion spirituelle
avec le collectionneur à propos de l’histoire des pièces choisies, une manière de faire parler le passé et le présent qu’ils recèlent, leurs dimensions corporelles et spirituelles aussi. Une fois en confiance avec ces treize artefacts africains, la photographe les découvre à sa manière et pénètre leur mystère. À travers son regard, les objets se dévoilent et prennent vie. Accompagnée de trois femmes noires représentant trois beautés physiques du continent africain – Soleïta la Congolaise, Oyte l’Érythréenne, et Johanna la Nigériane –, Delphine Diallo amorce, selon ses termes, « la transmutation du divin ». « Chacune représente une reine de chaque pays, et je leur ai demandé de choisir l’objet qu’elles souhaitaient porter en fonction de la connexion qu’elles établissaient avec eux. » L’espace ainsi ouvert accueille une connexion spirituelle, les femmes s’approprient l’objet ressuscité. L’énergie sensible qui émane des portraits ainsi réalisés est pour la photographe un élément de langage et de communication essentiel, car chaque talisman porte en lui un symbole, une signification propre. « Ces objets ont été conçus il y a des siècles pour des objectifs spirituels, des rituels de protection, des rites de passage entre l’adolescence et l’âge adulte, ils avaient un rôle précis. Une fois extraits de leur continent d’origine, ils ont perdu ce rôle. » Pour Delphine et ses amies et modèles, cette transmutation de force et de pouvoir devient essentielle. Une manière de réinjecter vie et immortalité aux objets divins à travers la corporalité des femmes africaines – divines elles-mêmes. « Grâce à mon travail, je redonne vie à ces objets et leur redonne une place dans l’histoire moderne et contemporaine de l’art », analyse la photographe.
Prise de conscience
Au-delà de cette transmutation, l’artiste nous fait prendre conscience du rôle du corps de la femme noire à travers l’histoire coloniale. « On n’est pas des objets, nous sommes des sujets ! », affirme-t-elle. Ouvrant la conversation avec ses amies et modèles, la photographe replace dans son contexte historique et spirituel les rituels animistes liés aux éléments de la nature et de l’éducation. « Depuis des années mon travail s’est construit autour de la femme et son rapport dans la société. Je me suis concentrée sur la femme noire car j’en suis une, mais aussi parce qu’elle a été très opprimée à travers l’histoire. Aujourd’hui, je souhaite ouvrir le débat en parlant de la perception du corps dans notre société moderne. Il faut qu’on prenne conscience de nos responsabilités, celle des parents, de l’éducation, en termes de culture, et arrêter de promouvoir la femme objet ! » À l’image de ses propos, le collage prend un rôle particulier dans sa nouvelle démarche. Ses thématiques, ses images et ses supports s’hybrident. On retrouve dans ses travaux parfois dix ans d’archives. Une façon de réintégrer ou d’interpréter à nouveau sa vision. En perpétuelle recherche d’une connexion avec l’Univers qu’elle nomme le divin, Delphine Diallo trouve dans la matière cette plénitude. « Si tu arrives à te connecter avec tes émotions, ton coeur s’ouvre beaucoup plus. » Une technique quasi thérapeutique pour l’artiste qui considère le collage comme une forme dans laquelle elle fait vivre son esprit en toute liberté. « Cette forme d’art est pour moi une discussion, une connexion psychologique, une façon de soigner le corps avec la vision. Tout est une question d’impact de la vision sur le mental », conclut l’artiste.
Mercredi 6 juillet de 15 heures à 20 heures, Delphine Diallo réalisera une performance en composant un collage en direct. Elle signera aussi son dernier livre Divine (Hat & Beard Press 60 €, 156 pages). L’occasion de rencontrer l’artiste et de repartir avec une oeuvre ou un livre dédicacé.
Du 04 au 30 septembre
Golden Age, Delphine Diallo
Fisheye Gallery Arles
19, rue Jouvène
© Delphine Diallo