L’Anatolie d’Ebru Ceylan entre mélancolie et errance poétique

16 octobre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
L’Anatolie d’Ebru Ceylan entre mélancolie et errance poétique
© Ebru Ceylan
© Ebru Ceylan
© Ebru Ceylan
© Ebru Ceylan

Du 5 octobre au 28 décembre, le centre photographique lyonnais Le Bleu du Ciel accueille Inner World accueille une exposition d’Ebru Ceylan, qui entre nostalgie et errances poétiques nous emmène dans son Asie mineure, un « homeland sans artifices ».

Ebru Ceylan est née à Ankara, en Turquie, en 1976. Elle a commencé la photographie en 1992 et a, depuis, reçu plusieurs prix internationaux. L’Anatolie éternelle est le sujet récurrent de son œuvre. Par l’image, qu’elle soit photographique ou filmée, elle donne libre cours à la vie, le mouvement, la lumière, les sentiments et la mélancolie.

L’Asie mineure apparaît immuable, comme figée dans le temps, au gré de ses errances à la rencontre des habitant·es. C’est cette terre intérieure qu’elle nous donne à voir dans Inner World, une exposition au centre photographique Le Bleu du Ciel à Lyon, à découvrir jusqu’au 28 décembre 2024. Ses photographies sont construites sur la porosité entre l’extérieur et l’intérieur, l’endroit existentiel où le paysage rencontre l’âme de son enfant. Une ligne de crête que l’on retrouve aussi dans ses premiers courts-métrages, comme On The Edge, qui a été présenté en compétition au Festival de Cannes 1998. Elle a été l’actrice principale de Climates et co-scénariste, de Winter Sleep, récompensé par une Palme d’or.

Le désir de construire un « monde intérieur »

Par la photographie, Ebru Ceylan arrête le temps. Les régions de l’Anatolie semblent alors immuables, témoins de temps immémoriaux. En naviguant dans ces espaces, elle représente un homeland sans artifices autres que la lumière qui traverse la fenêtre de l’ob­jectif. Le cadrage est frontal et irisé. Il laisse émerger les récits d’une enfance entre réalité et mythe qui se révèle à nouveau à travers ces campagnes isolées et ces vies rythmées par la tradition. C’est un transfert permanent entre le monde qui entoure l’artiste et son intériorité, à l’image des nombreuses fenêtres suspendues entre la chaleur domestique et le froid dehors. Les personnages apparaissent souvent de dos, perdu·es dans leurs pensées, faisant l’économie des mots. Iels traversent le climat rigide et le silence à perte de vue. Les saisons se succèdent sans vraiment apporter du changement, elles ne sont qu’une question d’instants volés.

« Là, au-delà des murs et des rideaux dans les rayons tombants du crépuscule, sous cette emprise glacée de neige triste, le vent furieux s’immisce dans la pièce, et dans les consciences, balayant le présent pour nous projeter furtivement dans la permanence des choses, du vécu et de la mémoire » écrit Gilles Verneret, photographe fondateur du Bleu du Ciel. « Pour moi, voyager et photographier en Anatolie est une question d’existence, explique Ebru Ceylan. Un voyage intérieur dans lequel je recherche des parties de moi-même. Un sentiment de carence. Le désir de construire un « monde intérieur » à partir de lumières, de pierres, de formes et d’images. »

© Ebru Ceylan
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