Jusqu’au 2 octobre, la Galerie Perrotin de Paris accueille Lars Von Trier, une exposition dédiée au réalisateur danois. Une collection de 24 photographies tirées de ses films – des œuvres aussi somptueuses que brutales.
Melancholia, Antichrist, Dogville, The House that Jack Built
… Dans l’espace blanc, immaculé de la Galerie Perrotin, les scènes tirées de la cinématographie de Lars von Trier se détachent et semblent sortir, en 3D, des murs. Depuis 27 ans, le réalisateur danois construit des œuvres fortes en émotions, et aborde, avec une esthétique toujours plus raffinée, des sujets controversés. Dans son univers, le sexe, la violence, la dépression… Les excès les plus inavouables de la race humaine sont mis à nus, révélés, sans la moindre pitié.
En 24 œuvres (un clin d’œil au nombre d’impressions par seconde sur la pellicule qui compose une image cinématographique) l’exposition conçue par Anna Lena Vaney et Malou Lykke Solfjeld propose un tour d’horizon des coups de génie du maître du 7e art. Ici, pas d’immersion dans les coulisses d’un tournage ni d’acteurs capturés en dehors de leur rôle. Seuls les plans, tirés tout droit des films, comptent. Terriblement envoûtants et incontestablement dérangeants. « Mes réalisations sont composées de milliers d’images individuelles, regroupées en séquences rapides pour créer l’illusion du mouvement », déclare Lars Von Trier. Et, plongé dans la contemplation de chaque « tableau », le spectateur ne peut qu’acquiescer.
L’art et l’insoutenable
Hommages aux grands peintres – La barque de Dante de Delacroix, Ophelia de Sir John Everett Millais – aux penseurs irrévérencieux (le Marquis de Sade), aux théoriciens du théâtre (Bertold Brecht et l’effet de distanciation), et même aux codes du manga… Dans le cinéma de Lars Von Trier, les références fleurissent, et les envolées se font lyriques. Autant de clins d’œil qui lui permettent d’entrer dans le subconscient du spectateur, de jouer avec son imaginaire, ses propres connaissances. « Il est possible que le public ne comprenne pas immédiatement ce qu’il voit – mais les images qui prennent forme au plus profond d’eux peuvent expliciter des choses qui sont difficiles à décrire avec des mots », commente le réalisateur.
Des mises en scène oniriques au réalisme le plus cru, ses films oscillent entre le beau et l’ignoble, l’art et l’insoutenable. Une palette de sensations que l’on découvre ou retrouve dans chaque plan exposé à la Galerie Perrotin. En grand format, chaque instant figé témoigne de la créativité de l’artiste. Du décor théâtral de Dogville, révélant un monde où la sphère privée n’existe plus, au corps nu de Kirsten Dunst dans Melancholia se fondant dans une nature luxuriante tandis qu’elle contemple, calme, la fin du monde. Du rapport sexuel entre He et She d’Antichrist, aussi macabre qu’érotique à l’œuvre final du tueur en série dans The House that Jack Built – qui organise ses victimes à la manière d’un chasseur fier de son butin… Le goût de Lars Von Trier pour croiser les genres, jouer avec le baroque le plus flamboyant comme le naturalisme le plus choquant marque les esprits. Et, face à ces tableaux photographiques, on n’a d’autre choix que de plonger – exalté ou épouvanté – dans cet univers sombrement séduisant.
Jusqu’au 2 octobre 2021
10 impasse Saint Claude, Paris 3e
© Lars von Trier and Zentropa Entertainments – ART von Trier, Freeze Frame Gallery. Courtesy Perrotin