L’art de la résilience

05 novembre 2019   •  
Écrit par Anaïs Viand
L’art de la résilience

Dans son nouveau projet présenté à Paris Photo, l’artiste iranienne Morvarid K explore la notion de cassure. Elle livre avec Ecotone une topographie sensible de la complexité humaine. Un travail à découvrir à la Fisheye Gallery, au secteur Curiosa.

« J’ai pris conscience par mon vécu personnel qu’il y a toujours des imprévus pour chambouler les plans initiaux »,

prévient Morvarid K, artiste iranienne vivant entre la France et l’Allemagne. Une mauvaise chute, une séparation amoureuse ou un revirement politique… Au sens propre comme au figuré, nous sommes tous confrontés à l’idée de rupture. Comment l’individu vit ces périodes douloureuses? Que reste-t-il de ces morceaux brisés? La réponse de l’artiste est aussi complexe que sensible. « Je voulais voir comment nous pouvions modifier notre perception afin de ne plus voir ces cassures comme une perte de valeur. Elles font partie d’une nouvelle identité, parfois plus forte. Il s’agissait de s’interroger sur la manière dont ces cicatrices pouvaient enrichir l’expérience et la personnalité à l’échelle humaine, et le contenu, le caractère et la charge positive à l’échelle d’une œuvre d’art », confie l’artiste.

© Morvarid K

Assumer la cassure

Si elle puise dans ses photographies sa matière première, l’artiste revendique un statut de plasticienne. « Je dois injecter mon imaginaire dans la réalité. Et c’est dans la transformation photographique que je peux pousser cette dimension », précise-t-elle. Pour réaliser Ecotone, Morvarid K a convoqué deux champs artistiques symboliques. À l’occasion d’une performance, elle s’est associée à deux danseurs : Yuko Kaseki et Sherwood Chen, et tous trois ont évolué avec ses tirages. « Les photos noir et blanc représentant des danseurs évoquent la complexité et la résilience humaine, tandis que les images en couleur figurent les éléments naturels. La force de la nature a tendance à apaiser l’homme. Les images étaient parfaites à l’origine; à la fin de la performance – épuisées comme les corps humains pouvaient l’être –, je les ai récupérées pour réaliser de nouvelles compositions. Je ne pouvais pas me rapprocher davantage de la réalité », se souvient-elle.

Une collaboration qui fait sens puisque les trois artistes sont animés par des thématiques communes : l’engagement et la résilience – même si la cause est déjà perdue.
« Nous sommes tous trois fascinés par l’idée de déceler le sublime dans la laideur, dans ce qui dérange ou dans la complexité humaine. Nous questionnons aussi le concept de frontière invisible. » Une notion en miroir de son deuxième temps de création. Fille de céramiste, Morvarid K a appris avec l’artisan Muneaki Shimode la technique ancestrale du kintsugi, méthode japonaise de réparation des porcelaines. « Il s’agit d’assumer la cassure, de l’accentuer et de la souligner au lieu de la faire disparaître. Comme toute belle chose japonaise, en plus d’être une technique, le kintsugi est une philosophie de vie », explique l’artiste. De l’or sur le contour des images fracturées révèle ainsi des territoires inexplorés. Se crée alors une frontière – l’écotone pour les géographes – qui témoigne d’une nouvelle richesse. La question du sens est ici aussi importante que notre rapport à la beauté. Dans ce maillage qui nous lie à la nature, Morvarid K saisit les empreintes qui nous séparent d’une fin inéluctable.

 

Fisheye Gallery, à Paris Photo

Du 7 au 10 novembre 2019.

Secteur Curiosa (stand SC5),

Grand Palais, 3, avenue du Général-Eisenhower, à Paris (8e)

© Morvarid K© Morvarid K.
© Morvarid K.© Morvarid K

© Morvarid K

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