Lauréat·e·s de la 6e édition du Prix Swiss Life à 4 mains, la photographe Kourtney Roy et le compositeur Mathias Delplanque lèvent le voile sur Last Paradise. Un road trip visuel et musical qui explore Rimini, station balnéaire italienne située sur la côte Adriatique, visitée hors saison, vidée de toute âme.
En plein été, lorsque le soleil est au zénith, les plages de Rimini sont recouvertes d’innombrables serviettes de vacancier·ère·s. Pendant la nuit, la station balnéaire ne désemplit pas grâce aux discothèques situées le long de la côte. C’est pourtant une tout autre facette de la ville italienne que Kourtney Roy et Mathias Delplanque nous dévoilent dans Last Paradise, le projet lauréat de la 6e édition du Prix Swiss Life à 4 mains. Les images de l’artiste canadienne mettent en scène les aventures d’un personnage féminin fantasque, incarné par la photographe elle-même, dans une ville dépourvue de présence humaine. Espaces liminaires, installations désuètes, mobiliers de plage esseulés… Entre mélancolie et vision magnétique, ce voyage surréaliste plonge les spectateur·ice·s dans une fable visuelle et sonore à l’esthétique kitsch. « J’ai voulu creuser dans le subconscient en imaginant cette femme très apprêtée se balader dans son dernier paradis, un peu à la manière de Don Quichotte », précise Kourtney Roy.
Au cours de ce périple, la mystérieuse protagoniste poursuit ses explorations, notamment dans l’aquarium de la ville. Bien que peu comparables à ses aventures extérieures où les couleurs saturées – si caractéristiques du travail de la photographe – remplissent l’atmosphère, ce lieu sombre permet d’affirmer l’empreinte cinématographe de l’ensemble de l’œuvre. On assiste alors à un remake du célèbre thriller Les Dents de la mer dans une version italienne délirante. En concevant chacun de ses clichés comme s’il s’agissait d’une photo de plateau d’un film qui n’existe pas, Kourtney Roy développe avec habileté sa trame narrative visuelle. Et les compositions de Mathias Delplanque, inspirées des bandes originales de films de genre giallo [thrillers horrifiques italiens, ndlr] et de série Z, renforcent avec brio ce récit captivant. « J’apporte beaucoup de liant, avec un son continu pensé entre musique de film et bande-son d’un club abandonné où la sono tourne encore. Ces couleurs sonores changent de ce que je compose habituellement. Elles sont beaucoup plus lumineuses et permettent d’apporter une autre forme de poésie », explique le compositeur. Une forme d’inhérence se développe ainsi entre photographie et musique.
Dates et lieux d’expositions
- Du 1er juillet au 29 septembre 2024 à l’Aire d’Arles
- Du 7 au 28 février 2025 au Jeu de Paume à Paris
- Du 16 juin au 14 septembre 2025 au Jeu de Paume – Château de Tours
- Live performance dans un festival de musique (courant 2025)
Une histoire à regarder et à écouter
En invitant les deux pratiques à dialoguer, le Prix Swiss Life à 4 mains permet la naissance d’œuvres uniques depuis 2014. Et le binôme lauréat de cette nouvelle édition se démarque par son audace. Nathalie Martin, déléguée générale de la Fondation Swiss Life, confie à ce sujet : « On a beaucoup aimé la griffe artistique colorée et gaie de Kourtney Roy, qui changeait des autres éditions. Il en est de même pour la musique, car Mathias Delplanque n’écrit pas de partition. Tout est dans l’improvisation, c’est une autre façon de travailler le son. De plus, on a vraiment apprécié l’alchimie entre les deux artistes. » Ayant déjà collaboré à l’occasion du premier court métrage de la photographe, les deux artistes sont resté·e·s fidèles à leurs idées, de l’ébauche à la réalisation. Après l’annonce de sa sélection, le 4 décembre dernier, le duo a décollé pour Rimini en février dernier pour y passer une dizaine de jours.
Tandis que Kourtney Roy parcourait la ville en voiture avec dans son coffre deux valises remplies d’accessoires en tout genre, dont une extravagante perruque blonde, Mathias Delplanque, lui, explorait les studios de musique à la recherche de synthétiseurs italiens fabriqués dans les années 1960-1970. « Une partie des sons a été composée avec un synthé acheté là-bas, et l’autre a été enregistrée sur place, chez un collectionneur où j’ai passé deux jours incroyables », indique-t-il. En plus d’une exposition à Arles cet été avec une dizaine de haut-parleurs afin de garantir l’aspect immersif de l’œuvre pluridisciplinaire, Last Paradise prend également la forme d’un ouvrage sur mesure de 96 pages publié aux éditions Filigranes, augmenté d’un vinyle 45 tours. Une édition collector qui complète en toute logique le propos de ce voyage onirique.