L’exposition collective Le Parti pris des choses au Centre de la Photographie Hauts-de-France, se nourrit de l’œuvre du poète Francis Ponge. Dans son travail, il sublime les objets du quotidien. Par cette démarche, les photographes tissent des nouveaux langages photographiques.
« C’est en partant d’en bas, explique l’auteur, qu’on a quelque chance de s’élever. […] Il s’agit d’une partie en tête-à-tête, à l’effet d’en perdre la tête » écrit Francis Ponge, auteur du livre le Parti pris des choses, publié en 1942. Alors que la guerre fait rage en Europe, il s’attèle à observer les objets du quotidien, les infimes détails, ces petites choses qui permettent d’envisager un avenir ordinaire après l’horreur. Une bougie, un cageot, un morceau de pain, deviennent les protagonistes des poésies de l’auteur. Ces objets échappent aux définitions qu’on voudrait leur attribuer et semblent s’insurger et s’opposer à leur condition initiale. C’est en suivant cette idée qu’est née l’exposition collective Le Parti pris des choses, au sein de laquelle chaque photographe détourne les choses les plus banales et ouvre ainsi des nouvelles pistes et langages photographiques. L’exposition met en avant « ces conversations secrètes » entre les artistes et leurs objets, faites d’observation, d’éloignement et de rapprochement. « Rien n’est plus réjouissant, déclarait encore le poète, que la constante insurrection des choses contre les images qu’on leur impose. Les choses n’acceptent pas de rester sages comme des images. »
Barbara Iweins : s’ancrer à travers les objets du quotidien
Le projet Katalog de Barbara Iweins dénote une fascination quelque peu obsessionnelle pour les objets. De 2017 à 2022, la photographe a fait l’inventaire de tous les objets présents dans son logement bruxellois, où elle vit avec ses trois enfants. Pièce par pièce, elle a photographié chaque élément en le répertoriant, le détourant afin de créer des planches divisées par couleur. La mise en page prolonge l’objectif de classification, proposant des familles d’objets réunis par typologie, fonction, couleur, matière, fréquence d’utilisation.
La série est remplie d’auto-ironie. Au-delà d’un besoin viscéral de la photographe de s’ancrer à travers les objets du quotidien, c’est un véritable portrait de société qui se déploie à travers ces catalogues. Comme dans la poésie de Francis Ponge, les choses ordinaires deviennent des portails vers un monde intérieur qui nécessite de stabilité, de calme et de familiarité. Dans l’inertie des objets, la photographe, comme le poète, trouvent un profond sentiment d’apaisement. « Après de très nombreux déménagements et un divorce soudain en 2015, j’ai quitté Amsterdam et suis revenue vivre à Bruxelles avec mes trois enfants sous le bras, explique-t-elle. Dans ma nouvelle maison, j’étais perdue, sans repères. Tout semblait branlant et instable. J’ai alors eu une envie irrépressible de me confiner et de commencer un long travail d’introspection. Celui-ci a pris la forme un peu folle d’un catalogue photographique de chaque objet de ma maison. »