Le virtuel fait main

06 septembre 2018   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Le virtuel fait main

Dessiner, sculpter en VR, voilà une proposition étrange. Pourtant, croquer un monde dans lequel immerger un visiteur est une des expériences les plus excitantes rendues possibles par le jeune média. Démonstration avec Presstube, Olivié Keck, Julia Spiers et Ferdinand Dervieux, qui combinent techniques ancestrales de représentation et réalité virtuelle. Cet article, rédigé par Maxime Delcourt, est à retrouver dans notre hors-série Réalité Virtuelle.

Lorsqu’il s’agit d’évoquer la VR, beaucoup oublient que cette technologie n’en est qu’à ses balbutiements, et qu’il reste encore des milliers de pistes à explorer. Ces derniers mois, on note ainsi l’émergence d’une tendance : les expériences dessinées ou sculptées à la main. Dans les studios indépendants, chez les auteurs de bande dessinée et les illustrateurs, des pratiques émergent.

Pour exemple, l’expérience Long Distance Caller de l’artiste sud-africaine Olivié Keck. Son but : comprendre la jeunesse du XXIe siècle en Afrique du Sud, à travers la bande dessinée et l’immersion en réalité virtuelle : « J’utilise des couleurs intenses, je juxtapose les idées, brouille les associations et subvertis les attentes, confie-t-elle au site ItsNiceThat. com. J’ai tendance à utiliser une variété de médias pour éloigner les gens des récits traditionnels. » Par le passé, Olivié Keck a déjà travaillé la peinture et la céramique. Pour Long Distance Caller, l’artiste est allée pendant plusieurs mois à la rencontre d’adolescents ou de jeunes adultes de son pays (d’origines sociales, d’ethnies et d’orientations sexuelles différentes) et a recueilli leurs histoires personnelles. La réalité virtuelle dessinée et la narration immersive racontent ici l’intimité, le cocasse et la vie sentimentale de cette jeunesse, si lointaine et si proche.

© Olivié Keck

© Olivié Keck© Olivié Keck

Long Distance Caller © Olivié Keck

On distingue aussi A Colossal Wave!, dernière création du collectif Marshmallow Laser Feast (lire pages 10-14), studio londonien spécialisé dans la réinterprétation de la perception humaine, qui a collaboré avec le dessinateur canadien Presstube et deux studios montréalais, Dpt. et Headspace Studio. L’installation, ludique et surréaliste, explore l’impact de l’humanité sur l’environnement. Cette sculpture interactive numérique a été créée afin d’encourager les visiteurs à faire l’expérience de l’espace urbain, en les confrontant à une déferlante de dessins colorés et en gommant toute distinction entre mondes réel et virtuel. « Pour A Colossal Wave!, j’ai développé mon propre outil d’animation – un peu à la manière de ce que j’avais fait avec Norman, un outil que j’avais créé sur WebVR. Il est très brut, assez expérimental, mais il m’a permis, pour ce projet, de mettre en place une expérience inédite qui reste, malgré tout, liée à des pratiques traditionnelles de dessin, de peinture, de sculpture et d’animation que l’on connaît déjà, affirme James Paterson (alias Presstube). Le spectateur est immergé dans un rêve façonné par l’esprit collectif de tous les collaborateurs. Dans ce monde, chaque détail a été dessiné, sculpté et peint à la main, puis mis en œuvre par des techniciens qui ont par la suite amené leur propre sensibilité. »

© Presstube© Presstube
© Presstube© Presstube

© Presstube

A Colossal Wave!  © Presstube

Une bulle d’air

Il y a enfin Recall, de Julia Spiers et Ferdinand Dervieux. Un jeu narratif permettant d’incarner tour à tour les neuf membres d’une famille, et de les aider à se souvenir de leur histoire et du lien qui les unit. L’univers de chaque personnage est entièrement dessiné à la main avec des techniques multiples: gravure, feutre, gouache, aquarelle, crayon, etc. Pour les réaliser, les deux compères – qui se sont rencontrés lors de leurs études aux Arts déco – se sont posé une seule question : quelle sensation éprouve-t-on lorsque l’on en le un casque de réalité virtuelle, que l’on se met dans la peau d’une autre personne, que l’on voit à travers ses yeux et que l’on est transporté dans son monde, pour nous inconnu ?

« Pour composer Recall, précise Julia Spiers, nous sommes partis du point central d’une pièce. Nous avons cherché à se placer à hauteur des différents personnages et nous avons fait des photos du lieu sur 360 ° afin d’avoir une base pour nos dessins. Nous avons ensuite dessiné tous ces objets de façon à ce qu’ils soient tous en perspective, et que l’on comprenne qu’on se situe dans un espace reproduisant le monde réel. » Et Ferdinand Dervieux d’ajouter : « Quand on est à l’intérieur, on comprend que le décor est entièrement dessiné, ce qui était un de nos souhaits. Plutôt que de livrer un travail trop léché, nous avons préféré laisser des imperfections, comme les ombres ou les découpes. Nous avons même ajouté quelques effets pour accentuer cette sensation. Dans un des niveaux du jeu, nous avons, par exemple, ajouté des particules au feutre qui se baladent dans les airs. On se retrouve alors immergé dans une matière faite main. Le but de Recall étant de permettre aux utilisateurs de recréer les souvenirs des personnages, nous trouvions ça important de faire écho au processus de travail et de création. »

© Julia Spiers & Ferdinand Dervieux© Julia Spiers & Ferdinand Dervieux

© Julia Spiers & Ferdinand Dervieux© Julia Spiers & Ferdinand Dervieux© Julia Spiers & Ferdinand Dervieux

Recall © Julia Spiers & Ferdinand Dervieux

Cet article est à retrouver dans son intégralité dans le hors série Fisheye Réalité Virtuelle, disponible en kiosque.

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