Delfina Gronda et Alain Roux, nos coups de cœur #278, réalisent tous deux des séries sociales engagées. La première interroge la notion de beauté, tandis que le second capture la misère.
Delfina Gronda
« Je cherche à documenter des situations qui transmettent une émotion – du sujet au regardeur. Plus particulièrement, j’aime montrer des détails interrogeant certaines strates de notre société. Une grande partie de mon travail part d’un désir de créer une expérience surréaliste et utopiste à partir d’un environnement réaliste », explique Delfina Gronda. Cette photographe d’origine argentine s’est tournée vers le 8e art à 10 ans, lorsque son père, médecin de campagne, lui a offert un boîtier pour l’accompagner et documenter ses visites. En 2015, diplômée en économie, l’artiste a déménagé à Barcelone pour étudier la photographie documentaire. « J’ai finalement décidé d’y installer mon studio », précise-t-elle. Las Elegidas, projet ambitieux capture les différentes représentations de la beauté dans notre monde. Divisé en plusieurs chapitres, il explore cette notion comme une « construction sociale », impossible à atteindre. « Sobre la utopia en est le premier volet. Il se déroule dans ma ville natale, Jujuy, et documente le 68e concours de beauté visant à couronner la “Reine des étudiantes de la province”. De nombreuses jeunes filles de 14 à 17 ans y participent – elles voient cet événement comme un moyen d’échapper à leur quotidien. Mais cette vision de la perfection existe-t-elle, à Jujuy ? Ou le concept même de la beauté n’est-il qu’un désir inaccessible, imposé par notre monde ? » s’interroge la photographe.
© Delfina Gronda
Alain Roux
Médecin de formation, Alain Roux est tombé amoureux de la photographie en visitant une exposition du Britannique Don McCullin – dont les œuvres capturent avec justesse la misère et les conflits armés. « J’y ai découvert mon moyen d’expression favori, et l’engagement que cela peut représenter. Trois mois plus tard, j’étais au Pakistan », précise-t-il. Fort des expériences sociales de sa précédente carrière, l’auteur s’intéresse aux réalités et injustices humaines. « Mon approche du médium demeure identique, que je capture des bidonvilles ou les mutations agricoles de l’Aubrac », ajoute-t-il. Passionné, Alain Roux a effectué plusieurs voyages dans le sous-continent indien. Parmi ses nombreux séjours, la découverte du Bangladesh le marque particulièrement. « J’y suis allé pour la première fois il y a dix ans. En 2019, j’y suis retourné et, désireux de m’immerger dans la culture du pays, j’ai passé deux mois dans les quartiers défavorisés de Dhaka, la capitale », explique-t-il. Pauvreté, pollution, tristesse… Tout lui semble démesuré. Avec son boîtier, il capte l’agonie des habitants de ces quartiers miséreux. Noyés sous des tonnes de déchets toxiques, ils survivent, malgré tout. « Je voulais montrer l’aggravation des conditions de vie, la résignation de ce peuple autrefois si gai », explique l’auteur. Un travail poignant.
© Alain Roux
Image d’ouverture : © Delfina Gronda