Le lien entre nos deux photographes coups de cœur de la semaine ? La pandémie de Covid-19. Sandra Guldemann Duchatellier témoigne de la gestion de la crise en Suisse tandis que Morgan Roué documente le sujet, depuis l’intérieur.
Sandra Guldemann Duchatellier
Après avoir quitté la France en 1997, et avoir vécu en Italie, à Singapour et au Japon, Sandra Guldemann Duchatellier s’est installée en Suisse en janvier 2018. « Ce parcours enrichissant, mais bousculé m’a demandé de grandes capacités d’adaptation et m’a poussé à réinventer ma vie plusieurs fois. En 2014, j’ai commencé à illustrer les émotions que je ressentais en capturant des images dans les rues. Je développe une approche à la fois rigoureuse et poétique, et j’essaye de rendre visible ce que les autres ne voient pas », explique l’artiste. Sa série Distance est née à la suite de la pandémie. « À la différence de nombreux pays en Europe, lors de la première vague du Covid-19, la Suisse a choisi un confinement « souple » faisant appel à la responsabilité civique. Cela m’a permis, tout en restant dans un périmètre assez limité autour de chez moi, de sortir et de témoigner de l’environnement dans lequel nous avons vécu ces semaines de printemps particulièrement clément. La vie a effectivement continué, mais elle est devenu solitaire, et distanciée. Le monde a manqué d’oxygène, et cela s’est vu. Le choix de la saturation des images présentées renforce cette sensation », confie la photographe.
© Sandra Guldemann Duchatellier
Morgan Roué
Sur son temps libre, Morgan Roué, médecin anesthésiste-réanimateur de 31 ans travaillant à l’hôpital Bichat-Claude Bernard dans le nord de Paris, pratique la photographie argentique. « J’ai toujours été frappé par la photogénie hospitalière et notamment celle du bloc opératoire, pour sa lumière unique entre autres. Pourtant, avant la vague épidémique, peu de photographes semblaient s’intéresser au monde hospitalier ». Sa série Du cœur à l’ouvrage, murie depuis 3 ans, a été réalisée au sein de la section anesthésie et réanimation de chirurgie cardiaque – « une spécialité visuellement élégante ». « L’idée était de rapporter le quotidien des soignants, tout corps de métier confondu, sans artifice, sans maquillage, en lumière naturelle. Je voulais un rendu sincère et intemporel. Pour autant, même si les photos ont été prises sur le vif, je ne voulais pas non plus verser totalement dans le photoreportage. J’ai donc essayé d’allier ces prises de vues spontanées avec un rendu esthétique naturel pour partager ma vision du milieu hospitalier. Dans ce contexte, le choix de l’argentique était évident. Même si la série a été réalisée pendant la période d’épidémie de Covid-19 avec des soignants masqués, le but n’était pas de couvrir l’épidémie. » Un témoignage poignant, mais non larmoyant d’un photographe qui a vécu la crise sanitaire depuis l’intérieur. « Bichat est l’un des centres de référence Covid-19, nous étions donc en première ligne pendant la 1ère vague de l’épidémie. Tous les matins nous allions travailler comme n’importe quel jour à ceci près que les rues étaient désertes, tout comme le métro. À l’hôpital il y a eu une cohésion formidable entre les équipes. Des soignants extérieurs sont spontanément venus aider. En dehors, nous avons aussi été agréablement surpris par la générosité spontanée des entreprises et restaurateurs alentour. Tous ces gestes bienveillants nous ont fait oublier la situation alarmante et les comportements peu citoyens de certains », confie l’artiste.
© Morgan Roué
Image d’ouverture © Morgan Roué