Valentina Funes et Victor Berthoud, nos deux coups de cœur, enchantent leur quotidien. Pour l’une, cela passe par la création d’un doux journal intime visuel, quand l’autre réintroduit de la couleur et de l’ivresse dans une morosité sous-jacente.
Valentina Funes
Ses proches l’appellent Valu, elle est argentine et vit depuis 5 ans hors de son pays natal. « J’ai la capacité de pleurer et de dormir presque n’importe où, avant j’avais honte, maintenant moins. J’adore me promener dans les marchés aux puces. Redonner vie aux vêtements et aux objets oubliés et les glaces au Dulce de leche. Échanger des livres et flotter dans l’eau », confie Valentina Funes avec enthousiasme. De ses premiers clichés naïfs de bateau en Uruguay, la jeune photographe a toujours gardé un goût prononcé pour la légèreté. « Sa vie, sa mémoire, ses souvenirs » se construisent grâce à ce qu’elle capte. Figer des instants, c’est s’octroyer des moments privilégiés avec celles et ceux qu’elle aime profondément ; c’est construire son journal intime, qu’elle pourra lire et relire à foison. « Mon ami Fran a l’habitude de dire que les images sont comme des coups de couteau, « de la photo qui n’a pas été, de la photo qui a mal tourné et de la photo qui ne sera plus jamais ». » Et puis dans tout cela bien sûr, le médium est une manière de conserver à jamais la mémoire de ses aïeux·lles, l’occasion de garder en elle la douceur d’un geste simple, enchanteur et rassurant. « En mai, j’ai visité l’Argentine. J’ai passé une journée dans la maison de mes grands-parents, « El milagro », où ils vivent depuis 1989. J’ai raconté toute la rencontre, « La hora del te », avec du café et des alfajores. Le dîner, ma grand-mère cuisinant et mon grand-père fumant et buvant du vin. J’ai une photo d’Abu endormi devant la télévision et une autre de Mamama en train de prier dans son lit. Le matin, le petit-déjeuner, Abu sans gel (il se coiffe de la même façon depuis l’âge de 18 ans) et Mamama en chemise de nuit bleue dans la cour. Une rencontre. » Des images pareilles à une étreinte, où les couleurs, comme lorsqu’on « ouvre les yeux au réveil, révèlent un rêve ».
Victor Berthoud
C’est après un cursus de médiamaticien (web, graphisme, marketing) que Victor Berthoud débute une formation à l’école supérieure de photographie au CEPV de Vevey, dont il en sort diplômé en juillet 2022. Très tôt, il s’enivre du médium photo au contact de son père, et s’enquiert de ses potentialités narratives. Aujourd’hui, il tend à construire des images qui s’échappent d’une réalité parfois pesante, une sorte de bulle artistique d’où éclosent des contrastes chatoyants, des couleurs vives et des flous décadents. « Généralement mes travaux sont le fruit de recherches entre technologie et humain·es mais j’ai développé cette pratique de documenter mon environnement quotidien et l’altérer de différentes manières pour mieux me l’approprier. L’abstraction est une façon pour moi de m’extraire du réel pour créer des représentations dans lesquelles je me sens bien », explique-t-il. Envisageant de manière quasi systématique les images dans leur individualité, il les fait ensuite dialoguer pour créer un récit, un jeu visuel absorbant de malice. « Dans la série Heterotopia (qui va bientôt faire l’objet d’une autopublication), je mets en lumière un environnement fermé/muet et en même temps très coloré où la nature et les animaux reprennent le dessus », raconte-t-il. Soda dégoulinant sur fond pastel, mer rouge et bleu incandescent, jonquilles psychédéliques, vache sous ciel violet… Chaque cliché est retravaillé, parfois par ajout de lumière artificielle ou de gélatine de couleurs, et nous catapulte dans un monde atypique. Une symphonie de mirages lumineux qui détonnent harmonieusement à la manière d’un album de pop indépendant.