Thomas Hammoudi et Émilie Delhommais, nos coups de cœur de la semaine, puisent leur inspiration dans le monde extérieur. Le premier sonde la nuit tandis que la seconde s’aventure dans des environnements qu’elle transforme en textures abstraites et colorées.
Thomas Hammoudi
« J’ai toujours aimé la nuit, commence Thomas Hammoudi. Je ne sais pas de quand ça date, ni si c’est réciproque, mais j’ai toujours aimé la nuit. On a appris à s’apprécier lors d’un de mes emplois saisonniers, quand j’étais étudiant. Je travaillais le soir, je vivais en complet décalage lors de mes repos. Je ne voyais plus le jour, mais j’étais parfaitement éveillé la nuit. J’allais parfois courir un peu, dans les rues désertes de ma ville de campagne, afin d’essayer tant bien que mal de me fatiguer et de m’endormir une heure plus tôt. On a la forme à 20 ans. » Marqué par cette expérience, celui qui se définit comme « un photographe du banal urbain » a élaboré Noctabilia en 2018. Réalisée à l’aide de plusieurs boîtiers argentiques pour leur aspect « plus organique, plus brut », la série montre un univers familier à travers un autre prisme. Au fil des monochromes, il se révèle étrange et imprécis, a des allures de film noir. Il traduit la manière dont l’auteur percevait, à l’époque, le chapitre de son existence qui s’achevait alors. « J’étais coincé entre un job qui ne me correspondait pas et une relation sentimentale qui touchait à sa fin. La nuit a été ma bouffée d’air frais, assure-t-il. “Car l’obscurité restaure ce que la lumière ne peut réparer”, comme disait le poète Joseph Brodsky (1940-1996). Puis tout a changé : la ville, l’amour, le travail, et je n’ai plus ressenti l’envie de réaliser ces balades nocturnes. Le projet a naturellement touché à sa fin. »
Émilie Delhommais
Un paysage naturel se révèle dans un mouvement imprécis. Des visages morcelés apparaissent dans des collages manuels ou numériques. Un décalage se crée alors. Nous voilà plongés dans un univers tantôt impressionniste, tantôt surréaliste, si ce n’est psychédélique. Ces jeux de textures colorées sont signés Émilie Delhommais. Comme beaucoup, c’est au cours du premier confinement que l’artiste, aujourd’hui âgée de 24 ans, s’est prise de passion pour la photographie. Le temps libre imposé par la période lui a permis de s’essayer à diverses techniques. À chaque fois, la capacité du médium à retranscrire le monde alentour dans des formes plus ou moins abstraites la séduit. « Mon travail s’articule essentiellement autour de l’exploration de la frontière entre le réel et l’imaginaire, un fil conducteur qui est progressivement devenu l’essence même de ma démarche artistique. Pour affiner mon style, j’essaye d’expérimenter au maximum différentes approches et je suis convaincue que cette quête de renouveau est un processus permanent, une remise en question constante qui me permet de repousser mes propres limites et d’approfondir ma compréhension de l’image », explique-t-elle.