Dans nos coups de cœur de la semaine, Manon Jana Chayah et Amit Machamasi arpentent les terres meurtries, documentent les jeux des enfants dans la rue, et révèlent de manière politique ou conceptuelle la résilience profondément ancrée dans la nature humaine face à la violence.
Manon Jana Chayah
C’est à Baalbeck, au Liban, la ville d’origine de son père que Manon Jana Chayah, alors étudiante en cinéma à Londres, se tourne vers la photographie, lorsque son oncle lui offre un Yashica mini. C’est dans cette même ville, proche de la frontière syrienne, qu’elle établit son terrain de jeu photographique. « Elle accueille aujourd’hui près de 25 000 réfugié·es syrien·nes et 15 000 réfugié·es palestinien·nes. Ma maison se trouve à l’entrée du camp Palestinien Wavel. C’est donc très naturellement que mon approche photographique est devenue documentaire et politique », raconte-t-elle. Née à Paris, et aujourd’hui directrice artistique pour un label et éditeur musical, elle s’inspire des films et de la musique pour composer ses images, qui « se segmentent en deux paradigmes » explique-t-elle. Les conditions de vie au Liban, la résistance palestinienne, les enfants, la vieillesse et le travail, Manon Jana Chayah les traite dans la spontanéité. Elle capture sur le vif. Mais elle s’amuse aussi à mettre en scène ses ami·es et sa famille. « J’ai parfois l’espoir de parvenir à donner une réelle fonction documentaire à mon travail, autant par la mise en scène qui ajoute d’autres ingrédients de mon regard sur ces vérités socio-politiques, que par la spontanéité d’un moment, qui, peut-être, remplit des missions que les médias traditionnels ne font pas » précise l’autrice. Les notions de résilience, de résistance et de reconstruction sont aussi bien au cœur de son travail qu’au cœur de Baalbeck, où les ruines des temples gréco-romains, classé au patrimoine mondial de l’Unesco et figurant parmi les ruines les mieux conservées au monde, appellent à une question : « Comment reconstruire les perspectives et les promesses d’antan, dont le Liban est nostalgique, sur ces ruines ? Sinon, devons-nous reconstruire autour, ou ne pas reconstruire du tout ? » conclut Manon Jana Chayah.
Amit Machamasi
Le documentaire est inhérent à l’approche photographique d’Amit Machamasi. Diplômé d’une école de journalisme, il intègre en 2018 unes des chaînes nationales népalaises comme reporter d’images. Deux ans plus tard, il délaisse la caméra pour son boîtier, mais continue son travail auprès de la presse, où il s’essaye à différents styles photographiques. « Je me suis graduellement focalisé sur le documentaire, mais de manière conceptuelle, car je cherche à utiliser des moments réels pour transmettre des histoires plus profondes et plus symboliques », explique-t-il. Sa position de photojournaliste lui offre un terrain d’observation inépuisable. Il se frotte à la résilience humaine, en saisissant autant la force que la vulnérabilité. « J’ai rencontré des victimes de violences liées au genre demander justice dans la rue, j’ai vu la joie sur les visages des gens qui célébraient des festivals, j’ai été témoin des liens entre les humains et la nature, et de la violence » confie Amit Machamasi. Chaque moment qu’il saisit reflète des récits plus vastes. La photographie est un moyen pour lui de créer des ponts entre les cultures, entre les langues et entre les idéologies pour que résonnent les expériences individuelles et collectives.