Les hivers de Christophe Jacrot

30 novembre 2018   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Les hivers de Christophe Jacrot

La Galerie de l’Europe accueille En dessous de zéro, la dixième exposition consacrée à l’œuvre de Christophe Jacrot. En voyageant dans les territoires froids, du Japon à la Sibérie, le photographe capture avec brio la force et la fragilité des éléments.

C’est par hasard que Christophe Jacrot se lance dans la photographie d’intempéries. Photojournaliste de formation, l’artiste avait reçu, il y a une dizaine d’années, une commande d’un guide touristique lui proposant de capturer un Paris ensoleillé. Le temps étant capricieux, Christophe Jacrot avait arpenté la capitale sous le déluge. En 2007 sortait alors Paris sous la pluie, un ouvrage publié aux éditions du Chêne, qui a marqué le début de sa passion pour le mauvais temps. « Je me sentais à l’aise dans cet univers. J’ai donc poursuivi dans cette voie, en m’ouvrant aux paysages enneigés », précise le photographe.

À la Galerie de l’Europe, l’exposition En dessous de zéro retrace plusieurs voyages entrepris durant les hivers derniers – du Canada au Groenland, en passant par la Bavière ou encore le Japon. Inspiré par les peintres de paysages, autant que par les clichés poétiques de Saul Leiter, Todd Hido et Pentti Sammallahti, Christophe Jacrot représente les territoires enneigés avec onirisme. « Je laisse simplement parler mon imagination, confie-t-il. Je me méfiais de la neige, au départ, à cause de son apparente facilité. J’ai donc essayé de construire des photos plus élaborées, d’amener une autre dimension à l’image. » Somptueuses et dramatiques, les créations du photographe se teintent d’une certaine singularité. « Ce sont mes hivers à moi », explique-t-il simplement.

© Christophe Jacrot

La dramaturgie des intempéries

Si Christophe Jacrot s’envole d’un continent à l’autre pour capturer les paysages les plus froids du monde, les territoires qu’il photographie lui sont néanmoins familiers. « J’aime retourner dans les mêmes lieux, explique l’artiste. Une intimité se crée, et on ne fait plus les mêmes images. J’ai pu retourner dix fois sur certains lieux ». Une fois l’endroit apprivoisé, la sensibilité du photographe le guide vers les détails à sublimer.

Parmi les paysages hivernaux exposés à la Galerie, les images venues de Norilsk, en Sibérie, se démarquent. « Il s’agit d’une ville située à 200 kilomètres au nord du cercle arctique, raconte Christophe Jacrot. Elle est interdite aux étrangers. C’est la ville la plus improbable que j’aie pu visiter, un lieu incroyable ». Accessible seulement par avion, la ville est une ancienne cité minière, construite par des prisonniers, sous Staline. C’est aujourd’hui l’un des lieux les plus pollués et froids du monde. Là-bas, les températures peuvent atteindre -50°, et le vent souffle à 100 km/h. Une puissance climatique qui fascine le photographe. « Cette force suprahumaine me passionne. Le climat existe depuis bien plus longtemps que nous, et il perdurera longtemps après notre départ. Cette dimension poétique, et la dramaturgie de ces intempéries m’inspirent ».

Si Christophe Jacrot n’a pas vocation à politiser ses photographies, on ne peut, en les contemplant, que s’émerveiller de la fragilité et remarquer la puissance chaotique des éléments.

© Christophe Jacrot

© Christophe Jacrot

© Christophe Jacrot© Christophe Jacrot
© Christophe Jacrot

© Christophe Jacrot© Christophe Jacrot© Christophe Jacrot

© Christophe Jacrot

Explorez
Cinzia Romanin et l’éloge de la lenteur face à l’écoanxiété
© Cinzia Romanin
Cinzia Romanin et l’éloge de la lenteur face à l’écoanxiété
À la chambre, la photographe belgo-italienne Cinzia Romanin capture un monde façonné par les avancées technologiques et le...
11 septembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Avec Clara Chichin, la nature s'évapore et le monde s'endort
© Clara Chichin / Hans Lucas
Avec Clara Chichin, la nature s’évapore et le monde s’endort
Clara Chichin développe une poétique du fragment et de l'errance, où la nature, puissamment élégante, figure une carte de l’esprit humain...
04 septembre 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Les ballades récréatives d'Anne-Laure Étienne
Oscar les vacances © Anne-Laure Étienne
Les ballades récréatives d'Anne-Laure Étienne
Frànçois and The Atlas Mountains, Oscar les Vacances, Hannah Miette, Cindy Pooch, KCIDY... Ces multiples noms partagent une musique...
27 août 2024   •  
Écrit par Milena Ill
La sélection Instagram #468 : à bout de souffle
© nodo.bra / Instagram
La sélection Instagram #468 : à bout de souffle
Un courant d’air s’invite dans notre sélection Instagram de la semaine. Il se laisse porter à travers des images qui l’inhalent. Chaque...
20 août 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Winning africa : frères de sueur
© Guillaume Landry
Winning africa : frères de sueur
Loin des clichés, Guillaume Landry, photographe professionnel depuis 2005, fait émerger des corps en mouvement, des corps au sport. Avec...
14 septembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Joanna Piotrowska mêle l’étrange à la mémoire de l’intime
© Joanna Piotrowska, courtesy of the artist and Marian Goodman Gallery
Joanna Piotrowska mêle l’étrange à la mémoire de l’intime
Jusqu’au 5 octobre 2024, la Galerie Marian Goodman consacre une exposition à Joanna Piotrowska dans son espace parisien du 66, rue du...
13 septembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans Fisheye, les photographes japonais·es écrivent des histoires au féminin
© Sakiko Nomura
Dans Fisheye, les photographes japonais·es écrivent des histoires au féminin
Enjeux sociétaux, crise environnementale, représentation du genre… Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le...
13 septembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
The Season : Giulia Vanelli et l’étrangeté des lieux familiers
© Giulia Vanelli
The Season : Giulia Vanelli et l’étrangeté des lieux familiers
Quelque part dans un village côtier de la Méditerranée, la photographe italienne Giulia Vanelli nous invite à prendre une dernière pause...
13 septembre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas