Les métamorphoses de Zhiyu

05 décembre 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Les métamorphoses de Zhiyu

Diplômé de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts en 2017, Alex Huanfa Cheng livre, avec The days with Zhiyu, un récit intime. Une série guidée par la connexion profonde entre deux êtres.

Après avoir grandi dans un petit village du Hubei, une province de Chine, Alex Huanfa Cheng s’est installé à Beijing pour démarrer des études d’ingénierie, avant de se tourner finalement vers la photographie. Le 8e art lui confère une confiance nouvelle, lui permettant de tisser des liens avec le reste du monde. En 2013, il est admis à l’École des Beaux-Arts de Paris et y déménage, avec sa partenaire, Zhiyu. Photographe de l’intimité, il aime mettre en image les interrogations, dilemmes et ambivalences de ses rencontres. Plaçant la relation humaine au cœur de ses travaux, il tente de révéler la personnalité de ses sujets grâce à l’image. « Un portrait est réussi grâce au modèle », précise-t-il.

The days with Zhiyu, série personnelle, mettant en scène son propre récit, retrace l’histoire d’amour du photographe et de sa femme, depuis leur rencontre, en 2012, jusqu’à aujourd’hui. « Nous avons fait connaissance en cours de français, en Chine, et nous avons emménagé ensemble à Paris, pour nos études. Nous nous complétons : nous sommes amants, amis, parents », confie l’artiste. À l’épreuve des disputes, des maladies ou encore de la vieillesse, le projet propose une immersion dans le quotidien d’un couple, révélant les failles, le mal être, mais aussi la connexion profonde entre deux êtres.

© Alex Huanfa Cheng

Sans aucune censure

Véritable journal intime, The days with Zhiyu a débuté à une période difficile. « Vivre ensemble a causé beaucoup de conflits, nous ressentions une mélancolie intense. J’ai alors commencé à documenter son visage. Sa fragilité et sa grande sensibilité me fascinaient », confie Alex Huanfa Cheng. C’est avec une honnêteté déconcertante que la jeune femme se livre, face à l’objectif. Sans artifice, elle lui confie ses maux, ses troubles, les métamorphoses de son corps – vulnérable, ou abîmé par une grossesse – et dévoile un physique féminin libre et décomplexé. « Nous sommes souvent nus, dans notre appartement. Si elle était ravie de montrer son corps jeune, au début, celui-ci a changé, et porte désormais les marques du temps. Mais je ne le capture pas par érotisme ou désir, je souhaite montrer la surface, qui dévoile ce qu’elle a vécu. Nous travaillons librement, sans aucune censure », déclare le photographe.

Des natures mortes aux fruits ponctuent la série, et accompagnent les portraits de Zhiyu. Des compositions symboliques, allégories des nuances du corps féminin. Les grenades, selon l’artiste, évoquent l’image de la femme enceinte, ronde, mais aussi tiraillée. Cassée en deux, ses graines rouges répandues sur une nappe blanche, elle incarne la douleur, comme la fragilité. Fruits trop mûrs et exotiques l’accompagnent, métaphores du temps qui passe, de la vitalité ou même de la mort. On découvre, avec stupeur, dans les images d’Alex Huanfa Cheng une profondeur cachée. Au-delà d’une histoire ordinaire, le photographe développe un poème sensoriel et universel. Entre exaltation, nostalgie et colère, il livre un portrait de l’être humain tout en contraste. Un témoignage décomplexé de l’existence.

© Alex Huanfa Cheng

© Alex Huanfa Cheng© Alex Huanfa Cheng

© Alex Huanfa Cheng © Alex Huanfa Cheng

© Alex Huanfa Cheng© Alex Huanfa Cheng

© Alex Huanfa Cheng

© Alex Huanfa Cheng© Alex Huanfa Cheng

© Alex Huanfa Cheng

© Alex Huanfa Cheng© Alex Huanfa Cheng

© Alex Huanfa Cheng

© Alex Huanfa Cheng

Explorez
Axelle Cassini : se rencontrer dans l'autre
Autoportrait © Axelle Cassini
Axelle Cassini : se rencontrer dans l’autre
Comment s’auto-représenter ? Quel lien entre image et identité ? Axelle Cassini, à travers son œuvre poétique et nuancée, explore ces...
08 août 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Aurélien Mathis : mythologies queers, format monumental
© Aurélien Mathis
Aurélien Mathis : mythologies queers, format monumental
Nourri d’iconographies religieuses, de peinture classique et de cinéma populaire, Aurélien Mathis compose des images hautement mises en...
07 août 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Vie en société, sexualité et faire famille : la séance de rattrapage Focus
© Ward Long
Vie en société, sexualité et faire famille : la séance de rattrapage Focus
Relations à soi, aux autres ou aux corps... Les photographes des épisodes de Focus sélectionnés ici tissent, en images, des récits...
30 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Companions : Yana Wernicke à hauteur d’animal
© Yana Wernicke
Companions : Yana Wernicke à hauteur d’animal
Dans Companions, publié aux éditions Loose Joints, la photographe allemande Yana Wernicke capte la douceur d’un lien souvent ignoré...
29 juillet 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 4 août 2025 : revoir le monde
Metropolis III, 1987 © Beatrice Helg
Les images de la semaine du 4 août 2025 : revoir le monde
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes de Fisheye nous invitent à porter un autre regard sur le monde selon des...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Chiara Indelicato, voix de Stromboli
© Chiara Indelicato, Pelle di Lava
Chiara Indelicato, voix de Stromboli
Exposée à la galerie Anne Clergue, à Arles, jusqu’au 6 septembre 2025, Pelle di Lava, le livre de Chiara Indelicato paru cette année chez...
09 août 2025   •  
Écrit par Milena III
Axelle Cassini : se rencontrer dans l'autre
Autoportrait © Axelle Cassini
Axelle Cassini : se rencontrer dans l’autre
Comment s’auto-représenter ? Quel lien entre image et identité ? Axelle Cassini, à travers son œuvre poétique et nuancée, explore ces...
08 août 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Le Liban suspendu de Charbel Alkhoury 
© Charbel Alkhoury
Le Liban suspendu de Charbel Alkhoury 
Avec Not Here Not There, l’artiste visuel libanais Charbel Alkhoury propose un ouvrage bouleversant, à mi-chemin entre mémoire intime et...
08 août 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas