Les métiers de la photographie : Le tirage, un art de l’ombre

Les métiers de la photographie : Le tirage, un art de l'ombre
© Estelle Hanania Styliste : Léopold Duchemin pour Acne Studios. Set design : Alice Kirkpatrick.
des poissons sur un étalage
© Alexandre de Mortemart, Calcutta, 2022.

Quand on parle de photo, on pense d’abord aux auteur·ices. Mais il y a celles et ceux qui rendent leurs images visibles : les tireur·euses argentiques. Présent·es dans l’ombre, ils et elles façonnent les épreuves que l’on regarde. Au début des années 2000, alors que nombre de labos fermaient, un certain savoir-faire était sur le point de disparaître. Une nouvelle génération, souvent féminine, assure aujourd’hui la transmission. Rencontre avec Agnès Costa et Guillaume Geneste.

Fisheye : Quel a été votre premier contact avec ce métier ?

Agnès Costa : Mon père avait un labo argentique en Corse. Petite, j’étais fascinée par ses archives, mais je trouvais tout cela trop complexe. C’est à Londres, après quelques expériences en noir et blanc, que j’ai découvert le tirage couleur analogique par hasard, lors d’un stage. Quand j’ai vu le laboratoire, c’était une évidence : c’est là que je voulais être. Après cinq ans passés chez Rapid Eye à Londres, j’ai décidé de m’installer à Paris. Ce métier m’a reconnectée à quelque chose de très intime et personnel, lié aux souvenirs de mon enfance.

Guillaume Geneste : J’ai commencé très jeune, initié par un passionné à la Maison des jeunes et de la culture (MJC) d’Asnières. Ce qui me fascinait, c’était cette feuille de papier sur laquelle une image apparaissait. Je voulais comprendre comment ça marchait. J’ai beaucoup appris auprès de Claudine et Jean-Pierre Sudre, connus pour leur exigence et leur approche expérimentale du tirage. Ces rencontres ont marqué ma manière de travailler et ma façon de penser la photographie. Je suis installé à mon compte depuis trente ans.

Selon vous, qu’est-ce qu’un bon tirage ?

G.G. : C’est avant tout voir à travers les yeux du ou de la photographe, comprendre sa vision, et s’effacer derrière son intention. Un bon tirage, c’est aussi celui qui touche, qui provoque une émotion forte quand on le découvre.

A.C. : Je tire uniquement les photos des autres, c’est donc l’auteur·ice de l’image qui décide si c’est bon ou pas. Je suis là pour guider, mais la vision finale reste celle de l’artiste. Un tirage est réussi lorsqu’on sent que l’image vit réellement, qu’elle exprime exactement ce que voulait dire l’auteur·ice.

Un éléphant derrière des colonnes
© Alexandre de Mortemart, Calcutta, 2022.
156 pages
7,50 €

Entre interprète et exécutant·e, comment pensez-vous votre rôle ?

A.C. : Cela dépend des photographes. Certain·es savent exactement ce qu’ils·elles veulent, d’autres préfèrent être accompagné·es. Je suis à l’aise avec les deux rôles. Je ressens surtout une grande responsabilité à préserver l’intégrité de leur travail.

G.G. : Nous sommes clairement au service de la création. Je préfère le terme de traducteur·ice : nous accompagnons les artistes sans nous substituer à elles·eux. C’est un équilibre délicat, mais extrêmement valorisant lorsqu’on y parvient.

Quelles évolutions observez-vous dans votre pratique ?

A.C. : Aujourd’hui, il y a un réel retour au tirage analogique, même si certain·es y voient un effet de mode. Je pense au contraire que le besoin d’objets tangibles est réel et durable. Cette matérialité redonne du sens et de la valeur à la photographie.

G.G. : Le numérique et l’argentique se mêlent aujourd’hui naturellement. Pour moi, il est nécessaire de maîtriser les deux, et c’est une richesse immense. Je vois cela comme une évolution naturelle, passionnante et pleine de défis.

Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #71.

À lire aussi
Fisheye #71 : l’horizon de la photographie française
© SMITH
Fisheye #71 : l’horizon de la photographie française
Dans son numéro #71, Fisheye fait la part belle à la photographie française. Au fil des pages se déploient des sujets qui donnent à voir…
15 mai 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Patrick Chauvel : « Notre métier, c’est l’art de l’effacement »
Patrick Chauvel : « Notre métier, c’est l’art de l’effacement »
Constitué de 380 000 images et de plus de 1 000 heures de vidéos, le fonds Patrick Chauvel intègre les archives du Mémorial de Caen. Pour…
06 mars 2020   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Flou : l'unicité du vaporeux
© Larissa Hofmann / Flou
Flou : l’unicité du vaporeux
Au fil de Flou, publié l’été dernier chez Note Note Éditions, se découvrent les expérimentations artistiques de 20 photographes. Si…
24 janvier 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Explorez
18 séries photo à découvrir aux Rencontres d'Arles 2025
Extrait de Father (Atelier EXB Paris, 2024) © Diana Markosian
18 séries photo à découvrir aux Rencontres d’Arles 2025
Alors que la 56e édition des Rencontres de la photographie d’Arles approche à grands pas, la rédaction de Fisheye vous invite à...
11 juin 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Au fil des pages du joli Cafoucho de Boby
Cafoucho © Boby
Au fil des pages du joli Cafoucho de Boby
Boby sort son premier livre, Cafoucho, publié chez Fisheye Éditions. Mêlant exigence informative et recherche esthétique, il compile...
09 juin 2025   •  
Écrit par Anna Rouxel
Politique : bousculer les regards sur le travail du sexe
Petra, du livre Politique © Jeanne Lucas
Politique : bousculer les regards sur le travail du sexe
Jeanne Lucas révèle Politique, son premier livre publié aux éditions Rue du Bouquet, un projet cocréé main dans la main avec des...
07 juin 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La Fabrique du Regard – Le Festival #3 : La jeunesse face au pouvoir de l'image
Nos Iris © Julia Borderie & Eloïse Le Gallo
La Fabrique du Regard – Le Festival #3 : La jeunesse face au pouvoir de l’image
Du 3 au 8 juin, le Bal se transforme en un espace d’échange et de transmission à l’occasion de la 3e édition de La Fabrique du Regard –...
06 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Eman Ali : dans les interstices des identités tokyoïtes
Nadya Akane, dans la série In Praise of Silence © Eman Ali
Eman Ali : dans les interstices des identités tokyoïtes
Eman Ali compose The Praise of Silence, fruit d’une résidence artistique à Tokyo. La photographe explore, dans un travail collaboratif...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
18 séries photo à découvrir aux Rencontres d'Arles 2025
Extrait de Father (Atelier EXB Paris, 2024) © Diana Markosian
18 séries photo à découvrir aux Rencontres d’Arles 2025
Alors que la 56e édition des Rencontres de la photographie d’Arles approche à grands pas, la rédaction de Fisheye vous invite à...
11 juin 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La sélection Instagram #510 : Quand le flou fait image
@ Daniel Rampulla / Instagram
La sélection Instagram #510 : Quand le flou fait image
Le flou peut transformer, voiler ou révéler ce qui habite une image. Les photographes de notre sélection Instagram de la semaine jouent...
10 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Au fil des pages du joli Cafoucho de Boby
Cafoucho © Boby
Au fil des pages du joli Cafoucho de Boby
Boby sort son premier livre, Cafoucho, publié chez Fisheye Éditions. Mêlant exigence informative et recherche esthétique, il compile...
09 juin 2025   •  
Écrit par Anna Rouxel