Âgée de 28 ans, la photographe marocaine Fatimazohra Serri utilise le médium comme un exutoire. De nature controversée, ses clichés symbolisent un étendard pour toutes ses femmes évoluant dans des sphères conservatrices.
À l’été 2016, alors qu’elle souffrait de dépression, Fatimazohra Serri découvre par curiosité la photographie pour égayer son quotidien routinier et solitaire de comptable. Elle commence à capturer son environnement avec un simple téléphone portable « de milieu de gamme », précise-t-elle. Puis, une année plus tard, un ami lui offre son premier appareil. Il permet à l’artiste d’accroitre de manière considérable sa pratique artistique. « Après avoir apprécié un certain temps la photographie de rue, j’ai voulu tester un style complètement différent qui est la photographie conceptuelle, afin de créer quelque chose qui reflète qui je suis », confie l’autrice. Parfois à l’aide de sa sœur, Fatimazohra Serri se met en scène dans des autoportraits évocateurs de maux sociétaux. « Ce qui m’inspire le plus, c’est l’environnement et les gens qui m’entourent, en particulier les femmes de ma société, ainsi que les situations que j’ai vécues personnellement ou dont j’ai été témoin », explique-t-elle. En 2021, elle décide de quitter son emploi afin de se consacrer pleinement au 8e art.
L’engagement au cœur de la création
En raison de la nature controversée de son travail, l’artiste réalise ses clichés uniquement sur le toit de sa maison ou de celle de ses ami·es. Bien que certains membres de sa famille se soient montrés gênés au début de ses créations, son entourage la soutient désormais pleinement. En capturant ses sentiments à travers l’objectif, Fatimazohra Serri délivre, à chaque nouvelle publication, un message puissant et universel. « Mon travail est centré sur l’exploration des thèmes de la féminité et des relations entre les hommes et les femmes. J’essaie de mettre en lumière les défis auxquels sont confrontées les femmes dans la société conservatrice dont je suis issue », souligne la photographe. À l’aide d’un miroir, elle dénonce dans l’image The two sides of the same coin (Les deux faces d’une même pièce) le classement des femmes en deux groupes distincts dans de nombreuses sociétés : les « respectables » et les « déshonorantes ».
Son engagement et sa créativité traversent les frontières et résonnent à l’international. L’écologie et le réchauffement climatique sont notamment des thématiques centrales dans son cliché Not Saving the World Today (Ne pas sauver le monde aujourd’hui). Mais le caractère conservateur de sa société n’est jamais très loin pour se manifester. « C’était un matin de Ramadan, ma sœur et moi sommes allées sur le toit de la maison familiale pour prendre des photos. Soudain, ma mère a appelé du rez-de-chaussée, nous informant que mon père était rentré à la maison et qu’elle ne voulait pas qu’il soit témoin de ce que nous étions en train de faire. Nous avons essayé de tout dissimuler alors que j’étais encore trempée. C’était chaotique, mais hilarant », se remémore l’artiste. Malgré les défis que pose la création dans des circonstances complexes, Fatimazohra Serri dresse un portrait poétique d’une femme fière de ses engagements.
Un tirage de Fatimazohra Serri est en vente, juste ici, jusqu’au 30 septembre 2023. L’intégralité des recettes de cette vente mise en place par le collectif Artists For Morocco sera reversée à des associations visant à soutenir les victimes du séisme survenu au Maroc le 8 septembre dernier.