Les muses libérées de Masha Svyatogor

03 novembre 2016   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les muses libérées de Masha Svyatogor

Les Madones de Botticelli, la femme au hennin blanc de Rogier van der Weyden, la Femme au perroquet d’Edouard Manet ou encore la Fornarina de Raphaël… Toutes ces muses peintes à différentes époques ont inspiré à la photographe biélorusse, Masha Svyatogor, un projet original. Dans Masks-show, l’artiste a ressorti d’anciens clichés qu’elle a réalisé, avec ses amies pour modèles. Ces-dernières ont éprouvé le désir de s’emparer des images dans lesquelles elles posent pour les détourner. Un besoin que Masha explique par une évolution : le regard de ces femmes sur leur propre corps.

Fish Eye Magazine | Les muses libérées de Masha Svyatogor
Extrait de “Masks-show”, © Masha Svyatogor

C’est un nouveau terrain de création qu’explore la photographe, un terrain où l’auteur « devient la victime de son modèle », où il n’a plus d’emprise sur son œuvre, tiraillé entre son éthique et ses droits. « Les modèles occupent le territoire du photographe et dévaluent avec succès la signification de son travail », nous explique Masha, « dans ce cas mes photos sont à leur merci, par conséquent j’ai décidé de “protéger” mes images en dépersonnalisant les modèles. L’emploi du masque m’a semblé la meilleure option. »

Représentations détournées

Inspirée par la demande de ses modèles, Masha a alors eu l’idée de raconter l’histoire d’autres femmes, en recouvrant les visages par ceux de muses d’autres époques. « Le masque est un jeu autour de la représentation de la femme moderne, et la manière dont elle regarde son propre corps. Cette perception a encore aujourd’hui une influence ambivalente. Elle oscille entre la notion d’interdit et l’idée que le corps féminin est un objet exclusif d’admiration et de désir. »

Ces visages détourés de femmes peintes par des hommes, à des époques antérieures, agissent ainsi comme des révélateurs. En exploitant ces symboles de beauté, de vertu, d’innocence et de pureté, Masha offre une alternative à ces personnages féminins en les plaçant sur un dé(corps) contemporain. La photographe crée ainsi une connexion dissonante entre les corps de ses jeunes modèles et l’évocation de ces peintures. Elle cherche à imposer un sentiment de liberté. Par les corps nus qui posent négligemment devant l’objectif; par la réinterprétation de ces visages d’autrefois, ainsi libérés de leurs carcans picturaux.

Fish Eye Magazine | Les muses libérées de Masha Svyatogor
Extrait de “Masks-show”, © Masha Svyatogor

Passé, présent

« La tradition et le progrès ont tendance à constamment se soutenir et s’opposer » estime Masha, illustrant le rapport entre la peinture et la photographie. « Les femmes représentées dans ces peintures étaient privées du droit de disposer de leurs corps comme bon leur semble. Leur image était entre les mains des hommes – les artistes d’abord, les spectateurs ensuite – qui forgeaient des stéréotypes visuels conventionnels. Dans mon travail, les jeunes femmes sont dans une position opposée : leur corps est libre, leur pose naturelle et elles ont volontairement choisi d’être nues. » En choisissant d’apparaître avec ces masques, les modèles de Masha contrôlent leur image. Elles rejoignent ainsi les « muses » des siècles passées.

Avec Masks-show, Masha explore la question de continuité et d’héritage dans l’histoire de l’art en confrontant les représentations du passé et celles du présent. Elle provoque aussi une question fascinante : « Où s’achève le consentement [du modèle] et où commence l’exploitation [de son image] ? » Qui, au final, du modèle ou de l’artiste contrôle l’autre ?

Fish Eye Magazine | Les muses libérées de Masha Svyatogor
Extrait de “Masks-show”, © Masha Svyatogor
Fish Eye Magazine | Les muses libérées de Masha Svyatogor
Extrait de “Masks-show”, © Masha Svyatogor
Fish Eye Magazine | Les muses libérées de Masha Svyatogor
Extrait de “Masks-show”, © Masha Svyatogor
Fish Eye Magazine | Les muses libérées de Masha Svyatogor
Extrait de “Masks-show”, © Masha Svyatogor
Fish Eye Magazine | Les muses libérées de Masha Svyatogor
Extrait de “Masks-show”, © Masha Svyatogor
Fish Eye Magazine | Les muses libérées de Masha Svyatogor
Extrait de “Masks-show”, © Masha Svyatogor
Fish Eye Magazine | Les muses libérées de Masha Svyatogor
Extrait de “Masks-show”, © Masha Svyatogor
Fish Eye Magazine | Les muses libérées de Masha Svyatogor
Extrait de “Masks-show”, © Masha Svyatogor
Fish Eye Magazine | Les muses libérées de Masha Svyatogor
Extrait de “Masks-show”, © Masha Svyatogor
Fish Eye Magazine | Les muses libérées de Masha Svyatogor
Extrait de “Masks-show”, © Masha Svyatogor

En (sa)voir plus

Découvrez l’ensemble du travail de Masha sur son site : cargocollective.com/mashasvyatogor

Suivez-la sur Instagram : @svyatogormasha

Abonnez-vous à sa page Facebook : @masha.svyatogor

Explorez
Politique : bousculer les regards sur le travail du sexe
Petra, du livre Politique © Jeanne Lucas
Politique : bousculer les regards sur le travail du sexe
Jeanne Lucas révèle Politique, son premier livre publié aux éditions Rue du Bouquet, un projet cocréé main dans la main avec des...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
La Fabrique du Regard – Le Festival #3 : La jeunesse face au pouvoir de l'image
Nos Iris © Julia Borderie & Eloïse Le Gallo
La Fabrique du Regard – Le Festival #3 : La jeunesse face au pouvoir de l’image
Du 3 au 8 juin, le Bal se transforme en un espace d’échange et de transmission à l’occasion de la 3e édition de La Fabrique du Regard –...
06 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
La MAZ recompose la map
© Shai Andrade, Omi Ori, 2022
La MAZ recompose la map
Pensée dans la continuité des Rencontres photographiques de Guyane, la Maison de la photographie Guyane-Amazonie (MAZ) ouvrira ses portes...
05 juin 2025   •  
Écrit par Eric Karsenty
L’image comme manifeste au Moulin Blanchard
Le Beat Hotel, 9 rue Gît-le-Coeur, Chambre 41. Thelma Shumsky, scientifique américaine et son amie suédoise Gun, 1957 © Harold Chapman (TopFoto, Roger Viollet)
L’image comme manifeste au Moulin Blanchard
Le Moulin Blanchard rappelle que l’art peut encore être une arme intime et révoltée. Rien d’exhaustif : soixante ans après la Beat...
04 juin 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Politique : bousculer les regards sur le travail du sexe
Petra, du livre Politique © Jeanne Lucas
Politique : bousculer les regards sur le travail du sexe
Jeanne Lucas révèle Politique, son premier livre publié aux éditions Rue du Bouquet, un projet cocréé main dans la main avec des...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
La Fabrique du Regard – Le Festival #3 : La jeunesse face au pouvoir de l'image
Nos Iris © Julia Borderie & Eloïse Le Gallo
La Fabrique du Regard – Le Festival #3 : La jeunesse face au pouvoir de l’image
Du 3 au 8 juin, le Bal se transforme en un espace d’échange et de transmission à l’occasion de la 3e édition de La Fabrique du Regard –...
06 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
12 expositions photographiques à découvrir en juin 2025
Vietnam, 1971 © Marie-Laure de Decker
12 expositions photographiques à découvrir en juin 2025
L’arrivée de l'été fait également fleurir de nombreuses expositions. Pour occuper les journées chaleureuses ou les week-ends, entre deux...
05 juin 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La MAZ recompose la map
© Shai Andrade, Omi Ori, 2022
La MAZ recompose la map
Pensée dans la continuité des Rencontres photographiques de Guyane, la Maison de la photographie Guyane-Amazonie (MAZ) ouvrira ses portes...
05 juin 2025   •  
Écrit par Eric Karsenty