Les Madones de Botticelli, la femme au hennin blanc de Rogier van der Weyden, la Femme au perroquet d’Edouard Manet ou encore la Fornarina de Raphaël… Toutes ces muses peintes à différentes époques ont inspiré à la photographe biélorusse, Masha Svyatogor, un projet original. Dans Masks-show, l’artiste a ressorti d’anciens clichés qu’elle a réalisé, avec ses amies pour modèles. Ces-dernières ont éprouvé le désir de s’emparer des images dans lesquelles elles posent pour les détourner. Un besoin que Masha explique par une évolution : le regard de ces femmes sur leur propre corps.
C’est un nouveau terrain de création qu’explore la photographe, un terrain où l’auteur « devient la victime de son modèle », où il n’a plus d’emprise sur son œuvre, tiraillé entre son éthique et ses droits. « Les modèles occupent le territoire du photographe et dévaluent avec succès la signification de son travail », nous explique Masha, « dans ce cas mes photos sont à leur merci, par conséquent j’ai décidé de “protéger” mes images en dépersonnalisant les modèles. L’emploi du masque m’a semblé la meilleure option. »
Représentations détournées
Inspirée par la demande de ses modèles, Masha a alors eu l’idée de raconter l’histoire d’autres femmes, en recouvrant les visages par ceux de muses d’autres époques. « Le masque est un jeu autour de la représentation de la femme moderne, et la manière dont elle regarde son propre corps. Cette perception a encore aujourd’hui une influence ambivalente. Elle oscille entre la notion d’interdit et l’idée que le corps féminin est un objet exclusif d’admiration et de désir. »
Ces visages détourés de femmes peintes par des hommes, à des époques antérieures, agissent ainsi comme des révélateurs. En exploitant ces symboles de beauté, de vertu, d’innocence et de pureté, Masha offre une alternative à ces personnages féminins en les plaçant sur un dé(corps) contemporain. La photographe crée ainsi une connexion dissonante entre les corps de ses jeunes modèles et l’évocation de ces peintures. Elle cherche à imposer un sentiment de liberté. Par les corps nus qui posent négligemment devant l’objectif; par la réinterprétation de ces visages d’autrefois, ainsi libérés de leurs carcans picturaux.
Passé, présent
« La tradition et le progrès ont tendance à constamment se soutenir et s’opposer » estime Masha, illustrant le rapport entre la peinture et la photographie. « Les femmes représentées dans ces peintures étaient privées du droit de disposer de leurs corps comme bon leur semble. Leur image était entre les mains des hommes – les artistes d’abord, les spectateurs ensuite – qui forgeaient des stéréotypes visuels conventionnels. Dans mon travail, les jeunes femmes sont dans une position opposée : leur corps est libre, leur pose naturelle et elles ont volontairement choisi d’être nues. » En choisissant d’apparaître avec ces masques, les modèles de Masha contrôlent leur image. Elles rejoignent ainsi les « muses » des siècles passées.
Avec Masks-show, Masha explore la question de continuité et d’héritage dans l’histoire de l’art en confrontant les représentations du passé et celles du présent. Elle provoque aussi une question fascinante : « Où s’achève le consentement [du modèle] et où commence l’exploitation [de son image] ? » Qui, au final, du modèle ou de l’artiste contrôle l’autre ?
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Découvrez l’ensemble du travail de Masha sur son site : cargocollective.com/mashasvyatogor
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