Présentée dans le cadre du nouveau prix Découverte des Rencontres d’Arles, Juliette Agnel nous dévoile ses Nocturnes, une série d’images magnétiques composées dans les Pyrénées l’été dernier. Rencontre avec une artiste à suivre vers les étoiles et au-delà.
Juliette Agnel est une artiste dont le parcours est jalonné de travaux singuliers explorant régulièrement les frontières entre images documentaires et fictions. Avec sa nouvelle série Nocturnes – dont le titre évoque la musique qui a bercé son enfance et fait allusion à sa famille musicienne –, elle nous entraîne de nouveau dans une expérience sensorielle unique. Cherchant depuis plusieurs années à travailler sur les nuits étoilées, elle a parcouru les Pyrénées l’été dernier en scrutant les cieux des deux côtés de la frontière. « Je me suis retrouvé dans des endroits magnifiques, de nuit comme de jour, et en arrivant dans le désert de Bardenas, en Espagne, je suis tombé sur ce chien (Nocturnes#1), et j’ai tout de suite pensé à la peinture de Goya. C’était une évidence, j’ai commencé avec cette photo, et j’ai continué à photographier cet endroit. »
« J’avais besoin d’un paysage terrestre, même si c’est pour basculer ensuite vers un paysage imaginaire », précise la photographe. Et si au départ Juliette pensait utiliser sa camera obscura numérique (procédé qui associe un sténopé dont l’image est projetée sur un écran, et ensuite enregistrée par un appareil photo numérique), elle se rend vite compte que la lumière n’est pas suffisante et finit par photographier des paysages de jour auxquels elle associe d’autres photos de ciels étoilés qu’elle capte la nuit, le montage étant finalisé par un retoucheur professionnel. « Je m’appuie sur le réel, mais il faut que ça le dépasse et qu’on arrive dans un espace intermédiaire. C’est un paysage onirique que je suis venu cherché. »
Incorporer le rythme
Présentées dans des caissons lumineux éclairés par des Led, les images ont une puissance d’attraction que les reproductions sur papier ou sur écran ont du mal à restituer. Comme souvent avec les œuvres d’art, il faut aller à leur rencontre physiquement pour en éprouver toute la densité. Comme avec les projections qui accompagnent l’exposition arlésienne. Juliette a en effet installé deux grandes photos nocturnes dans une espèce de diorama, sur lesquelles elle projette des images prises à intervalles réguliers (en time-lapse) dans ce même lieu durant plusieurs heures. On voit ainsi se dérouler le temps en même temps que les étoiles se déplacent
« C’était super beau. Il y a un truc qui s’est passé quand j’observais le ciel, j’ai adoré ce moment. Quelque chose s’est mis en marche avec le déclencheur sur lequel j’appuyais à intervalles réguliers. Le fait d’incorporer le rythme était un élément important du processus qui m’a permis de partager ce que j’ai ressenti à ces moments-là. Quand on reste devant la Voie lactée et qu’on s’aperçoit qu’elle est passée de l’autre côté de la montagne, il y a un rapport au temps, à l’infiniment grand. On est projeté dedans et on le vit physiquement. » Une expérience à vivre jusqu’au 24 septembre en visitant Les Nocturnes, à l’Atelier de la Mécanique, aux Rencontres d’Arles.
Images par © Juliette Agnel, avec l’aimable autorisation de la galerie Françoise Paviot